Trois cent jours et trois cent nuits de combats… Les deux-tiers des divisions françaises successivement engagées… 700 000 tués, blessés, prisonniers et disparus… Entre 60 et 80 millions d’obus tirés en dix mois sur un secteur du front d’une vingtaine de kilomètres sur douze… Les données chiffrées de la bataille de Verdun sont si extraordinaires, au sens littéral du terme, que les contemporains puis les historiens ont cherché à comprendre pourquoi le haut commandement allemand avait lancé l’offensive du 21 janvier 1916. Quel objectif supérieur a pu expliquer un tel acharnement aussi bien dans l’attaque que dans la défense ?
Pourquoi Verdun ?
Texte : LCL Rémi PORTE
Deux théories principales s’opposent. Sur les bases des écrits du général von Falkenhayn, chef d’état-major général allemand, dans ses mémoires, le haut commandement impérial aurait voulu « saigner à blanc » l’armée française, l’épuiser en aspirant vers la cité meusienne toutes ses forces vives, pour finalement contraindre Paris à abandonner la guerre. Cette thèse a été contestée, dès l’entre-deux-guerres, par de nombreux historiens. Ceux-ci s’appuient sur le fait que le document auquel fait référence Falkenhayn, le fameux Mémorandum de Noël, n’a jamais pu être retrouvé dans les archives. Ils en déduisent généralement que l’objectif de la 5e armée allemande était bien de tenter de rompre les lignes françaises pour déstabiliser le front français et reprendre sa marche en avant. Mais l’amplitude réduite du front d’attaque initial (moins de dix kilomètres) et le fait que des troupes (cavalerie en particulier) n’aient pas été massées à l’arrière pour exploiter une éventuelle percée, contredit cette hypothèse.
On peut envisager une troisième réponse, conforme avec le déploiement des unités et la doctrine d’emploi des armes. La région de Verdun constitue à l’hiver 1915-1916 un saillant entrant dans les lignes allemandes et il est concevable que l’état-major impérial ait recherché à rectifier la ligne de front en réduisant cette « hernie ». Cela permettait d’infliger aux Français une sévère défaite militaire et morale, tout en leur interdisant de préparer une attaque de grande envergure, à partir de cette position géographique favorable.
Pour les Français, en dépit de la difficulté tactique évidente qui consiste à se battre en défensive avec une rivière dans le dos, la décision irrévocable est prise dès le surlendemain du début de l’assaut allemand, en pleine entente entre le gouvernement et le Grand quartier général : le terrain doit être défendu centimètre par centimètre et tout recul doit être immédiatement et systématiquement suivi d’une contre-attaque. Le scénario général est en place.
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