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Le changement climatique, un game changer* pour les armées

Mise à jour  : 21/09/2021

Pour le deuxième jour de la semaine du développement durable, nous vous proposons de découvrir notre entretien avec Tom Haristias, chargé de mission « Sécurité climatique » au ministère des Armées. Son objectif : travailler sur les enjeux de sécurité et de Défense liés au changement climatique.

 

Tom Haristias, vous êtes chargé de mission « Sécurité climatique » à la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS). Quelles sont vos missions ?

Je travaille notamment sur les enjeux de sécurité et de défense liés au changement climatique, sous le prisme de ses impacts sur les équilibres géopolitiques et sur l'action des forces armées. Je suis à ce titre chargé de coordonner les travaux de l'Observatoire Défense et Climat, piloté par l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et financé par la DGRIS. Je participe par ailleurs, en lien étroit avec les autres services et directions concernés, à définir la position du ministère des Armées et à développer la coopération internationale sur ces enjeux, avec nos partenaires stratégiques.

En quoi les forces armées sont-elles concernées par le changement climatique ?

Tout d'abord, il est important de noter que deux notions différentes sont à distinguer :

  • la « Défense verte », soit l'effort de réduction de l'empreinte environnementale des armées par la mise en œuvre de mesures de développement durable,
  • et la « sécurité climatique », c'est-à-dire l'anticipation et l'adaptation aux conséquences du changement climatique sur l'environnement stratégique et les missions des armées. A la DGRIS, notre action est principalement orientée vers ce second volet.  

Les changements climatiques ont un fort potentiel déstabilisateur. En interférant avec d'autres facteurs de l'environnement international (politiques, économiques, démographiques, religieux, etc.), ils peuvent dégrader la sécurité humaine et la stabilité mondiale. Le changement climatique et ses conséquences sont ainsi considérés comme un multiplicateur / amplificateur de risques, capable d'exacerber les tensions existantes et d'aggraver les crises.

En tant qu'acteurs essentiels de la sécurité nationale et internationale, les forces armées ont naturellement un rôle central à jouer, d'autant qu'elles seront, elles aussi, directement impactées. L'intensification des évènements climatiques extrêmes (cyclones, ouragans, etc.) entraînera une augmentation des opérations HADR (Humanitarian Assistance and Disaster Relief), en particulier dans les Antilles et l'Indopacifique. Les modifications d'origine anthropique du milieu océanique (réchauffement des eaux, acidification, salinité) et leurs conséquences (déplétion des stocks halieutiques) pousseront les populations littorales à s'éloigner de leurs zones de pêche traditionnelles, entraînant un besoin accru en termes de surveillance des espaces maritimes. Les infrastructures, les entraînements, et les équipements (dont les systèmes d'armes) devront être adaptés à des conditions climatiques plus rudes (montée du niveau de la mer, températures extrêmes, précipitations accrues).

Plus qu'une simple variable opérationnelle, le changement climatique est donc un véritable « game changer » stratégique pour les forces armées (note: un "game changer" est un élément qui change de façon significative la façon habituelle de penser ou d'agir).

Quelles actions ont été mises en œuvre par le ministère des Armées pour répondre à ces défis ?

Tout d'abord, le ministère des Armées a organisé, en 2015, la première conférence internationale de niveau ministériel sur les enjeux de défense liés au changement climatique. Cette dernière (« Défense et Climat, quels enjeux ? ») a posé les posé les jalons d'une action accrue en la matière.

En 2016, la DGRIS a ainsi créé l'Observatoire géopolitique des enjeux climatiques en termes de sécurité et de défense, plus connu sous le nom d'Observatoire « Défense et Climat ». Au cours des années, il s'est affirmé comme un outil prospectif central, au service de tous les acteurs du ministère, et répondant à différents objectifs :

  • identifier les risques pesant sur la France et sa zone d'influence stratégique
  • Comprendre les corrélations entre changements climatiques et conflits
  • Prévoir les évolutions géophysiques des théâtres d'opérations
  • Analyser les impacts sur le spectre des missions des armées
  • Anticiper les exigences et contraintes normatives

Il a par ailleurs permis au ministère des Armées de disposer d'un instrument de coopération internationale, via la participation à des études conjointes et des travaux de cartographie des risques avec nos partenaires.

Parlez-nous du CEMC (Climate Change Evaluation Methodology for Military Camps). Pourquoi cette méthodologie a-t-elle été mise en place ?

Au vu des lourds impacts qu’auront les changements climatiques sur nos emprises militaires, la nécessité d’analyser leur vulnérabilité nous est vite apparue primordiale. Nous avons à ce titre travaillé avec l’Observatoire à la réalisation d’une méthodologie standardisée et applicable à l’ensemble de nos points d’appuis (en métropole, à l’étranger et outre-mer).

La CEMC se distingue par son approche systémique de la vulnérabilité, une vision des changements climatiques comme un défi nouveau, et une approche principalement qualitative. Elle propose une analyse opérationnelle de la vulnérabilité des emprises, qui se concentre sur les impacts des changements climatiques sur les fonctions et missions essentielles de ces dernières, à différentes échelles temporelles.

Elle s’appuie notamment sur des travaux réalisés en 2018 et 2019, dates auxquelles deux notes ont été commandées par l’état-major des armées afin d’étudier la vulnérabilité climatique des implantations françaises en Côte d’Ivoire. Nous avons bien sûr pour ambition de continuer ce travail d’analyse au cours des prochaines années.

Quelles sont les prochaines étapes pour le ministère des Armées ?

La France s'est affirmée depuis 2015 comme leader sur ces sujets. L'enjeu pour nous est de poursuivre voire d'intensifier la réflexion stratégique engagée au cours des dernières années, et de continuer d'intégrer ces enjeux dans les travaux opérationnels. Nous nous emploierons par ailleurs à intensifier la coopération avec nos partenaires, chaque fois que nous le pourrons. Cela se traduira dans un premier temps par la reconduction, dès 2022, de l'Observatoire Défense et Climat pour quatre nouvelles années.

Vous souhaitez en savoir plus sur la prise en compte des enjeux climatiques et la loi Climat, publiée en août 2021 ?

  • Les 20 mesures pour accélérer la transition écologique et solidaire des services de l'État et ses établissements publics dans les domaines de la mobilité, des achats, de l'alimentation, de la consommation d'énergie des bâtiments, de la réduction des produits phytosanitaires et du numérique responsables.

 

* "game changer" est un élément qui change de façon significative la façon habituelle de penser ou d'agir.