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Le cycle de vie des munitions complexes - Du besoin et de la conception...

Mise à jour  : 15/03/2021 - Direction : SIRPA Marine

Pour disposer d’une Marine prête au combat, il faut disposer de munitions prêtes à l’emploi. Sans missile ou sans torpille, un bâtiment ou un aéronef de la Marine perd dans la plupart des cas sa fonction essentielle. Un Rafale n’est plus un avion de chasse. Une frégate n’est plus un bâtiment de guerre. Un sous-marin ne fait plus peser de menace. Les munitions complexes constituent donc un enjeu central pour la Marine à qui elles permettent de conserver sa capacité opérationnelle. Avec la particularité qu’une munition est un consommable, un objet à usage unique avec une date de péremption.

Le 19 mai 2015, pour la première fois en Europe, un bâtiment de surface tire un missile de croisière. C’est depuis la frégate multi-missions (FREMM) Aquitaine que le premier missile de croisière naval (MdCN) est tiré au centre d’essai de la Méditerranée au large de l’île du Levant. Plus récemment, le 20 octobre dernier, c’est le sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Suffren qui effectue pour la première fois un tir de missile de croisière depuis un sous-marin. « Ce succès confère une nouvelle capacité stratégique à notre Marine et la place parmi les meilleures au monde », s’était alors félicitée la ministre des Armées, Madame Florence Parly. Avant de poursuivre : « Les forces sous-marines françaises pouvaient jusqu’à présent frapper des sous-marins et des navires de surface. Elles peuvent désormais détruire des infrastructures à haute valeur ajoutée, à longue distance ». Après les FREMM, les SNA de type Suffren sont donc les premiers sous-marins français équipés de cette capacité de frappe conventionnelle dans la profondeur, d’une portée de plusieurs centaines de kilomètres. « L’objectif des munitions complexes est avant tout de donner l’avantage dans un conflit de haute intensité en offrant des capacités offensives ou défensives supérieures à l’adversaire », affirme le capitaine de frégate Jérôme, officier correspondant d’état-major du bureau Plans et programmes à l’état-major de la Marine (EMM). « Dans le cas des missiles, ces armes peuvent frapper depuis la mer, des objectifs stratégiques à terre ou en mer ou encore intercepter d’autres missiles pour défendre la force navale contre les attaques adverses. » Si le succès de ces essais a un fort écho médiatique, leur conception et leur développement sont beaucoup plus discrets. Tout débute plus d’une dizaine d’années avant le premier tir, dans les couloirs de l’EMM. C’est ici que l’expression du « besoin militaire » est élaborée.

Le bureau Plans et programmes élabore les performances de l’arme souhaitée en fonction de l’effet militaire à obtenir et des défenses envisagées pour les adversaires : portée, vitesse, capacité de pénétration, etc. Cette expression est faite vers l’état-major des Armées (EMA) qui s’assure de la cohérence capacitaire des équipements développés. Puis la Direction générale de l’armement (DGA) traduit ce besoin en spécifications techniques et technologiques, en concertation avec la Marine et l’EMA : niveau de furtivité, type de propulsion, mode de guidage. Une fois le programme lancé, les décisions sont prises au sein de l’équipe de programme intégrée (EDPI), après échanges avec le fabricant, MBDA par exemple ou Naval Group, comme l’explique le capitaine de frégate Jérôme : « Chacun a son rôle à jouer. Une fois le besoin validé, des discussions commencent avec la DGA et les industriels afin de savoir comment y répondre et quelles solutions peuvent être envisagées ». Car fabriquer une arme complexe est souvent une question de compromis. Par exemple, pour une taille définie, plus un missile va vite moins il ira loin. Si sa taille augmente, il perdra en manœuvrabilité. Il faut par conséquent faire des choix en fonction de l’emploi de l’arme. « Une arme ne peut pas forcément tout faire. La question est de savoir où on met les priorités, en tenant compte des contraintes financières. »

VALORISER LES BESOINS DES MARINS

Afin de trouver le meilleur équilibre, l’état-major s’appuie — de la conception jusqu’à l’utilisation de l’arme — sur le centre d’expertise des programmes navals (CEPN) qui lui fournit une évaluation technico-opérationnelle. Composé essentiellement de marins ayant une expérience de la vie embarquée, le CEPN va participer à l’amélioration de tous les programmes : « On est à la croisée des chemins entre les industriels, la DGA et les officiers du bureau Plans et programmes. Notre mission est de fournir des analyses et des expertises techniques au profit de l’état-major de la Marine afin que le missile corresponde au mieux à la réalité du terrain », détaille le capitaine de corvette Laurent, chef du bureau Lutte au-dessus de la surface du CEPN. Concrètement, lorsque les systèmes sont mis en service, ils présentent initialement un nombre d’imperfections, qui seront corrigées au fur et à mesure des problèmes techniques rencontrés et du retour d’expérience : « Lorsque des évolutions sont nécessaires, le CEPN fait remonter ces informations et fait des propositions. Dans les discussions entre la DGA et les industriels concernés, le centre fait valoir le besoin des marins. C’est notamment le cas actuellement dans la conception des frégates de défense et d’intervention (FDI) où nous veillons à ce que les interfaces de mise en œuvre correspondent bien à nos préceptes ». L’arrivée de nouveaux navires, comme les FDI, s’accompagne d’un besoin de compléter les stocks de munitions pour prendre en compte les dotations opérationnelles de ces nouveaux navires ainsi que leur besoin d’entraînement. Ajoutés à cela un contexte géopolitique instable et une montée en puissance de certains acteurs étatiques. « Des crédits supplémentaires ont été demandés afin d’acquérir de nouveaux missiles. L’objectif est de remonter les stocks de certaines familles. Mais on a demandé à en racheter aussi afin d’accroître notre niveau d’entraînement », conclut le capitaine de corvette Tanneguy, officier de programmes Missiles au bureau Plans et programmes.

La fin de vie des munitions complexes

L’élimination des munitions est de la responsabilité du Service interarmées des munitions (SIMu). Cette procédure coûteuse et complexe était auparavant conduite en régie par les armées, mais les normes environnementales ne le permettent plus. « Aujourd’hui, le premier moyen est d’utiliser la munition, explique le capitaine de corvette Jérôme, adjoint au chef du groupement munitions (GMu) de Brest. L’EMM va ainsi augmenter les droits à l’entraînement des munitions complexes en fin de vie. Cela présente l’avantage d’entraîner le personnel à tirer et de valider la capacité globale du système d’armes. La deuxième solution est l’élimination via un industriel, mais cela dépend du programme car le fabricant ne veut pas toujours que ses technologies soient “dispersées dans la nature”. Par exemple, pour le missile Exocet, si on veut l’éliminer via un industriel tiers, il faudra que nous ayons l’accord de MBDA. » Le SIMu fait généralement appel à l’agence NATO support and procurement agency (NSPA), organe de l’Otan, qui contractualise ces prestations d’élimination.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées