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Entraînement - Des exercices grandeur nature

Mise à jour  : 15/03/2021 - Direction : SIRPA Marine

12 mai 2019, Atlantique Nord. À bord de la frégate multi-missions (FREMM) Bretagne, la diffusion annonce l’entrée du bâtiment dans une zone sous menace missile : « Prendre les mesures Zippo. Gants et cagoule à poste. Lunettes au front ». Les spécialistes des systèmes d’armes rejoignent le central opérations (CO) pour participer, au besoin, à la mise en œuvre du missile Aster 15 dont la frégate est armée. L’équipage se tient prêt à parer toute attaque, en l’occurrence aérienne. Cette dernière ne se fait pas attendre : « Alerte missile sur bâbord. Tir Aster imminent ! »

Au CO, sur la console de contrôle Aster, le commandant autorise le tir : « Missile en préparation. Feu ! » Quelques secondes plus tard, à plusieurs nautiques de la frégate, le missile anti-aérien neutralise la cible supersonique d’entraînement. Alors engagée dans l’exercice interalliés Formidable Shield, la Bretagne vient de lancer son premier missile Aster 15.

COMME EN OPÉRATION

Environnement réaliste, situation tactique enrichie, tension palpable, les conditions d’entraînement des équipages au tir de munitions complexes se veulent au plus proche de la réalité des opérations. « Les thèmes de tir sont liés au contexte actuel et aux combats de demain, explique le lieutenant de vaisseau Roch, chef de section Armes à la division entraînement de la Force d’action navale (DIVENT FAN). Nous entraînons les bâtiments avec des menaces représentatives de ce qui existe aujourd’hui ou de ce que l’on anticipe de l’avenir. » Les équipages se préparent aussi à affronter ces menaces en mode dégradé, à tirer dans des situations « non conformes » ou à se coordonner avec leurs alliés « car c’est avec eux que nous sommes déployés ». Soucieuse de respecter l’objectif du plan Mercator, qui est de tirer une munition complexe par équipage au moins tous les deux ans, la DIVENT FAN utilise chaque opportunité pour pousser les équipages vers des domaines peu pratiqués, tout en les guidant vers un approfondissement de leurs connaissances. « Pour une frégate de défense aérienne, on s’orientera vers un scénario de protection d’unité précieuse, alors que ce sera de l’auto-défense pour une FREMM ou le porte-avions, précise le LV Roch. Et, avec la connaissance que nous avons des systèmes, nous introduisons également de l’inopiné. » Si l’état-major de la FAN choisit un thème pour chaque bâtiment, c’est en effet l’équipage qui prépare le tir, en lien notamment avec la DGA. Mais cette préparation n’affaiblit pas le réalisme de la situation dans laquelle est plongé l’équipage lors de l’entraînement. « C’est le rôle du directeur d’exercice, témoigne le LV Rémi qui a occupé cette fonction notamment pour des tirs d’Exocet. Nous devons masquer toute partie technique qui relève de l’exercice pour que l’équipage, notamment l’officier de quart Opérations, puisse réagir comme il le ferait en situation réelle. »

RODER LES ÉQUIPAGES ET ÉPROUVER LES SYSTÈMES D’ARMES

« L’acte de délivrer un armement n’est pas anodin », assure le LV Stéphane. Au bureau Activités de la Force de l’aéronautique navale, il est en charge de la coordination entre les différents acteurs qui participent à l’entraînement des flottilles de chasse. « Il faut y préparer les pilotes et les équipages », indique-t-il. Le tir de munitions complexes fait donc partie des items que chaque pilote doit valider à échéance régulière et intervient dans l’entraînement des équipages d’Atlantique 2 et de Caïman Marine. « S’il n’y a pas de synergie entre tous les membres d’équipage, s’ils ne s’impliquent pas chacun dans cet acte, le tir échouera. En entraînement et a fortiori en opérations. » Le tir de munition réelle en entraînement permet en effet aux équipages d’analyser les impacts de chacune de leurs actions. « Tout acte aura une conséquence concrète », affirme le LV Roch. Outre entraîner les équipages, l’emploi de munitions réelles lors d’exercices grandeur nature permet à la Marine d’approfondir sa connaissance des systèmes d’armes. « À chaque tir, nous découvrons de nouveaux éléments grâce aux différents moyens de récupération d’informations que nous mettons en place, explique le LV Roch. On en retire des enseignements auxquels on ne s’attendait pas forcément. » Des enseignements qui viendront alimenter les réflexions doctrinales sur l’emploi des différentes munitions car la confrontation avec la réalité, que ne permet pas la simulation, éprouve les limites du système. « Au combat, il faut que nous sachions exactement contre quoi on peut lutter avec notre système d’armes, complète le LV Rémi, et contre quoi on ne pourra pas se battre. » Exiger que chaque équipage s’entraîne à la mise en œuvre de munitions réelles est donc une nécessité.

DGA : deux sites, une mission

Pour entraîner ses équipages au tir de munitions complexes, la Marine bénéficie de l’expertise et des infrastructures de la Direction générale de l’armement (DGA), notamment sur les sites d’essais de Biscarrosse (40) et de l’île du Levant (83). Ces derniers proposent des cibles d’entraînement réalistes qui peuvent simuler le comportement de menaces ou d’objectifs rencontrés en opérations : cibles aériennes mouvantes téléguidées, cibles tractées en surface, infrastructures à terre représentant des bâtiments, etc. Le type de cible est choisi en cohérence avec les besoins exprimés par les entraîneurs des différentes forces organiques de la Marine. La construction du scénario, jusqu’à la chronologie précise du tir se fait, elle, avec l’équipage.

Témoignages

Second maître Mauranne, mécanicien d’armes sur la frégate de type La Fayette (FLF) Surcouf

À bord, je travaille sur le système de rechargement Crotale. Cela inclut la maintenance au niveau de la soute de rechargement, dont l’appareil de manutention et l’appareil de changement. Tous les jours, je participe à la vérification de la température et de l’hygrométrie des missiles. Au moment du tir, c’est à moi de charger la munition sur la rampe, de procéder aux tests pour vérifier l’absence de tension résiduelle, qui pourrait engendrer une avarie, et de brancher le missile. Ce qui me plaît dans ma spécialité, c’est le côté manuel : lorsque j’ai terminé les manipulations sur le Crotale, je vais d’ailleurs souvent aider à la maintenance des armes de plus petit calibre.

Premier maître David, chef du secteur missile sur la FREMM Bretagne

Quand je me suis engagé dans la Marine, j’étais attiré par tout ce qui relevait des systèmes électroniques : la technicité des systèmes, la modernité des équipements, et surtout, le fait que le domaine évolue en permanence ! À bord de la Bretagne, je suis responsable de toute la partie maintenance préventive et corrective des missiles et de la mise en œuvre. Pour l’Aster, par exemple, je peux être amené à le mettre en œuvre depuis le CO. Mais pour que le missile parte, il faut une bonne gestion du matériel et un entretien rigoureux en amont, ce qui, dans le cas de la FREMM, est encore plus complexe que sur FLF ou porte-avions. L’arrivée sur FREMM à ce poste ne se fait d’ailleurs qu’après un passage obligé en groupe de transformation et de renfort (GTR) pour se familiariser et se perfectionner dans l’entretien de ce nouveau matériel.

Maître Benjamin, technicien dans l’armement aéronautique naval sur le porte-avions Charles de Gaulle

La Marine offre cette chance de nous ouvrir plusieurs portes. Auparavant en flottille, j’ai l’impression d’avoir changé de métier en arrivant sur porte-avions. À bord, mon rôle est de faire en sorte que les flottilles disposent des munitions dont elles ont besoin. Je suis donc en charge du suivi des artifices puis de l’assemblage des munitions avant de les délivrer. Ce que j’aime dans mon métier, c’est que je ne le trouverais nulle part ailleurs. Le domaine des munitions est vraiment singulier. Et, de manière plus large, c’est le fait d’être dans l’armée qui me parle. J’ai toujours en mémoire la décision du président de la République, en 2015, de déployer le porte-avions dans la lutte contre Daech. Quelques jours plus tard, on était sur zone et on se levait le matin en sachant pourquoi on était là. On a parfois un peu tendance à oublier pourquoi on fait ce métier ; c’était une bonne piqûre de rappel.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées