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Marcel Cerdan, un Bombardier Marocain sous le bâchi

Mise à jour  : 04/03/2021 - Direction : SIRPA Marine

Quand on évoque la figure de Marcel Cerdan, on voit l’un des plus grands représentants français du noble art. Pas un soldat. Encore moins un marin. Pourtant, peu le savent, mais le natif de Sidi Bel Abbès (Algérie) a servi dans la Marine pendant la Seconde Guerre mondiale.

En septembre 1939, Cerdan est appelé sous les drapeaux, rejoint la Marine et rallie la base navale de Casablanca. Ce n’est pas la première fois que le champion d’Europe des mi-moyens doit affronter les dictatures fascistes. Le 3 juin de la même année, il avait terrassé le boxeur italien Saverio Turiello au Vigorelli de Milan devant un public de Chemises noires en délire – très peu fair-play. La guerre le prive sans doute de devenir rapidement champion du monde. Mais la « débâcle » de mai-juin 1940 va transformer Cerdan le boxeur en Cerdan le révolté qui refuse la défaite. Le représentant tricolore de boxe anglaise (qui souhaitait se rendre aux USA pour combattre contre les meilleurs) va se lier, clandestinement, avec le réseau de résistance Libération au Maroc. Il en deviendra... le financeur ! Chaque combat – que des victoires ! – alimentera les réseaux, à la barbe du régime de Vichy et des Allemands.

REVANCHE SUR LE RING

Deux ans plus tard, le 30 septembre 1942, à Paris, au Vel d’Hiv, devant 16000 personnes en transe, voyant la France dans les poings distributeurs de crochets de Marcel, et un parterre de nazis sur leur trente-et-un, le boxeur dé e l’Espagnol José Ferrer qui combat pour les Allemands et porte, de plus, un peignoir rouge arborant la croix gammée. Cerdan voit... rouge et met le boxeur de l’occupant knock-out en 83 secondes ! Ferrer se relève, le visage en marmelade, et nit cinq fois au tapis dans ce court laps de temps. Les nazis sont atterrés de cette défaite... éclair. Le regard noir de Cerdan – sur fond de Marseillaise chantée par le public – les dé e avec toute la France. Après le combat, Cerdan s’éclipse pour ne pas avoir à rencontrer les représentants ennemis et rejoint le Maroc a n d’éviter toute mesure punitive de l’occupant.

CERDAN ET GABIN

Redevenant marin avec la libération de l’Afrique du Nord (novembre 1942), le Bombardier Marocain continuera de boxer pour la France, par exemple en « bombardant » l’Américain de l’US Navy Larry Cisneros deux fois de suite courant 1943 ou encore le soldat Joe Di Martino en février 1944, tout en stationnant, après une courte affectation dans l’artillerie côtière, au centre Sirocco d’Alger, unité de formation des fusiliers marins qui regroupait tous les sportifs militaires portant le pompon. Là-bas, le quartier-maître de deuxième classe Marcel Cerdan fait connaissance, l’été 1944, avant de partir pour les championnats interalliés de Rome, avec un certain Jean Moncorgé alias Jean Gabin, second maître fusilier marin et… instructeur (Jean Gabin voulait aller au front une fois de retour des USA, mais l’état-major des Forces navales françaises libres (FNFL) freina des quatre fers – jusqu’en décembre 1944 – pour ne pas avoir à envoyer Pépé le Moko en première ligne). Pendant ce temps, sous les drapeaux, et le bâchi, jusqu’à début 1945, Marcel Cerdan collectionnera les titres interalliés (le 16 décembre 1944 il transforme Frankie Burley, vedette de la boxe, en victime expiatoire, victoire par K.-O.) et, sans combattre au front, aura été de ceux qui permirent aux Français de ne pas perdre foi en eux-mêmes.

L’ÉQUIPE DE BOXE DE MARINE ALGER

Au sein de l’équipe de boxe du centre Sirocco d’Alger, il y avait, outre Cerdan, René Pons, Roland Lesaffre et Abdelkader Addadaine (1921-2007). Ce dernier, matelot, était agent des postes télégraphes et téléphones (PTT) dans le civil, affecté dans un régiment du génie lors de la libération de l’Afrique du Nord courant 1943. Venant d’une famille de sportifs de haut niveau, il fut vite dirigé vers la Marine et le centre sportif de la base navale d’Alger, où on lui proposa d’intégrer l’équipe de boxe. C’est ainsi qu’Abdelkader se mit à côtoyer le Bombardier Marocain et le second maître Jean Moncorgé ; de quoi laisser de beaux souvenirs. Abdelkader Addadaine se rendit en décembre 1944 à Rome pour les jeux interalliés. On le retrouve également au Vel d’Hiv à Paris, le 9 mars 1945, accompagné de René Pons et Marcel Cerdan lors d’une soirée de gala de boxe au profit des œuvres de la Marine, à laquelle assiste également Gabin, alors au régiment blindé de fusiliers marins1 et en permission.

Témoignage

SM (R) FUSIL Mourad, petit-fils du matelot Addadaine

Lorsque j’étais enfant, je ne voyais mon grand-père que lors des grandes vacances. J’avais 6 ans et il ne pouvait s’empêcher de me mettre les gants afin que je perfectionne mon uppercut. Il parlait peu de la guerre et c’est par ma mère que j’ai appris qu’il avait été dans la Marine de 1943 à 1946. C’est l’une des raisons qui m’ont poussé à effectuer une préparation militaire marine (PMM) en 2009. J’ai ensuite suivi une FMIR2 à l’école des fusiliers marins, puis j’ai été affecté à la compagnie de fusiliers marins de l’île longue. En 2011, je suis devenu instructeur PMM, c’était plus compatible avec mes études puis mon métier d’infirmier. Mon grand-père n’aura pas eu l’occasion de me voir en tenue, mais il savait que j’avais cette intention et en était heureux. Quand j’ai été sollicité pour ce témoignage par Cols bleus, j’ai demandé un extrait de ses services militaires. Quelle surprise lorsque je l’ai reçu ! Mon grand-père avait obtenu son BE FUSIL en 1944, soit 66 ans avant moi. Nous avions donc la même spé !

2 Formation militaire initiale de réserviste.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées