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Contreminage : une mission de sécurité publique

Mise à jour  : 10/11/2021 - Direction : SIRPA Marine

Tout au long de l’année, le groupe des plongeurs-démineurs (GPD) de la Manche mène des opérations visant à détecter, neutraliser ou détruire des munitions historiques des deux guerres mondiales non explosées en mer ou sur les plages françaises.

Cette unité de la Marine est composée de 29 plongeurs-démineurs, d’un médecin, de deux infirmiers et de quinze personnels de soutien. Rattaché à la force d’action navale, le GPD Manche mène des missions dans la zone de responsabilité du préfet maritime de la Manche et mer du Nord (du Mont-Saint-Michel à la frontière belge, en mer, comme sur le rivage sur les 870 km de côtes) mais également à l’étranger. 

Entre le 26 et le 28 juin, le bâtiment base des plongeurs-démineurs (BBPD) Vulcain a été déployé au large de Fécamp pour intervenir sur 18 pontons BK (barges knocked down) datant de la Seconde Guerre mondiale, sabordés et coulés à environ 15 nautiques (environ 28 km) au nord-est de Fécamp. Depuis leur recensement complet en 2009 par un chasseur de mines tripartite (CTM), ces épaves font l’objet de missions régulières de dépollution et de contreminage menées par les GPD Manche et Atlantique. Un enjeu de sécurité majeur car la présence de ces épaves, qui concentrent une forte densité de bombes d’aviation américaines, a entraîné la mise en place d’une zone d’exclusion de pêche, de dragage, de chalutage et de plongée de 4 Nq2. Au cours de cette opération, dans des conditions parfois difficiles, 24 bombes ont pu être contreminées, soit un équivalent TNT de 891 kg. À terme, des interventions devraient permettre de lever l’ensemble des interdictions qui pèsent sur les activités maritimes dans la zone.

Dans le cadre des « missions routes »5, menées toutes les deux semaines, le GPD Manche intervient sur de très nombreux dispositifs. Les 15 et 16 septembre, une équipe d’intervention s’est ainsi rendue sur la plage de Grandcamp-Maisy (14) pour contreminer 3 obus de 75 mm, soit un équivalent TNT de 3 kg, puis sur la plage Ravenoville (50) pour neutraliser un projectile de mortier de 80 mm (900 g équivalent TNT).

Souvent, les munitions anciennes que les spécialistes du GPD doivent traiter sont très dégradées par leur séjour prolongé dans l’eau de mer. Mais leur système de mise à feu, instable, est toujours considéré comme opérationnel. La procédure de contreminage par explosion contrôlée est normée. Après avoir établi un périmètre de sécurité, les munitions sont enterrées, amorcées puis recouvertes de terre pour mieux contrôler les effets de souffle et les projections d’éclats. « En 2020, précise le VAE Philippe Dutrieux, l’action conjointe du GPD Manche et des CMT a permis de détruire 489 engins historiques (en mer et sur l’estran), soit 33 947 kg d’équivalent TNT. »

5. Opérations visant à détecter, sécuriser et neutraliser des munitions non explosées, en mer ou sur les plages.

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L’épreuve du Tanio

Le récit 

Le 7 mars 1980, le pétrolier malgache Tanio, transportant 28 600 tonnes de pétrole, se brise au large du Finistère. Tandis que sa partie arrière est remorquée jusqu’au Havre, la partie avant sombre par 80 mètres de fond au nord de l’Île de Batz, emportant avec elle 10 000 tonnes de pétrole. Des opérations menées quinze mois durant permettent d’en récupérer 5 100 et de colmater les brèches. En 2019, après la découverte d’oiseaux mazoutés sur les plages du Finistère Nord, des investigations sur l’épave montrent la disparition d’une dizaine de vannes posées sur des orifices de coque, et sur l’un d’eux, de petites fuites intermittentes d’hydrocarbures. De nouvelles opérations de colmatage sont menées en septembre 2020, se concluant par la pose de 10 plaques obturatrices. En janvier 2021, la ligue pour la protection des oiseaux rapporte que de nouveaux oiseaux présentent des traces d’hydrocarbure provenant de l’épave. Une nouvelle mission révèle que 3 des 10 plaques posées ont été endommagées par des engins de pêche et conclut qu’une troisième intervention ainsi que la prise d’un arrêté d’interdiction de pêche au-dessus de l’épave sont nécessaires.

L’éclairage du Prémar

Vice-amiral d’escadre Olivier Lebas, préfet maritime de l’Atlantique

Le Tanio est un bon exemple des difficultés que pose le vieillissement des épaves. Après sa dépollution et le colmatage de ses orifices de coque dans les mois qui avaient suivi son naufrage, l’épave du Tanio n’a plus fait parler d’elle pendant des dizaines d’années. Mais la corrosion, les assauts du temps et des courants, sans compter les activités humaines comme la pêche aux arts traînants, ont provoqué sa fragilisation dans la durée et in fine l’apparition de nouvelles fuites. Des opérations de repérage et colmatage des orifices de coque ont été conduites par des moyens de la Marine avec l’expertise de la Cephismer et du Ceppol en septembre 2020. En parallèle, j’ai adopté un dispositif réglementaire proscrivant certaines activités de pêche sur l’épave afin de préserver l’intégrité de cette dernière. En tant que préfet maritime, j’ai à cœur que nous puissions mener à son terme la sécurisation de cette épave pour limiter au maximum son impact sur l’environnement marin.

Témoignage

Capitaine de frégate Raphaël Fachinetti, commandant du Centre d’expertises pratiques de lutte antipollution (Ceppol)

Lorsqu’en 2019 les hydrocarbures furent identifiés comme provenant du Tanio, la préfecture maritime a fait appel au Ceppol en tant que dépositaire du retour d’expérience. L’étude des rapports du chantier de dépollution menée en 1981 par la Comex6 a permis de comprendre pourquoi le pétrole refaisait surface. À l’époque, pour pomper les hydrocarbures retenus dans les cales, des vannes avaient été posées puis scellées sur la coque. Les épave étant en général très poissonneuses, les vannes ont fini par être arrachées par des engins de pêche. Forts de l’expérience du pompage des épaves du Peter Sif et du Laplace, notre rôle a été de conseiller la section intervention engin (SIE) de la Cephismer et le service logistique de la Marine (SLM) sur les modes d’action et la conception des engins qui devaient colmater les brèches. Après l’arrachage de 3 des 10 premières plaques posées en 2020, leur forme a été modifiée pour qu’elles présentent le moins d’aspérités possible. Ce fut vraiment un travail d’équipe avec la SIE et le SLM.

6. Compagnie maritime d’expertise fondée en septembre 1961 par Henri-Germain Delauze et spécialiste des interventions en plongée sous-marine.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées