Gagner et conserver l’initiative dans un engagement majeur suppose de pouvoir compter sur des marins forts physiquement, mentalement et techniquement. Or « cela se prépare sur le temps long », avertit le capitaine de vaisseau Patrick, chef de la division entraînement (DIVENT) de la Force d’action navale.
RÉSILIENCE et PUGNACITÉ
Accomplir la mission fixée, même dans un contexte où règnent pression, fatigue et incertitude... Cela demande à un équipage des compétences et des qualités physiques et mentales solides, qui sont mises à l’épreuve lors des stages d’évaluation physique et mentale du combattant (EPMC). Pour répondre à la montée en puissance des menaces, la préparation du marin au combat a évolué. Encore récemment, chaque équipage de la FAN était soumis régulièrement à une évaluation durant ses périodes de mise en condition opérationnelle (MECO) ou de remise à niveau opérationnelle (RANO). « En moyenne, cela revenait à un passage au CAIO2 tous les deux ans » indique le CV Patrick. « Dans le cadre de Mercator Accélération, nous avons mis en place une action mensuelle de préparation du marin au combat qui concerne tout l’équipage, à quai comme à la mer. » Cet entraînement, qui vise à entretenir la condition physique et mentale de chaque marin, relève de la responsabilité des commandants d’unités.
« Lors des MECO, les entraîneurs recréent avec un maximum de réalisme une situation à laquelle le bâtiment pourrait être confronté », explique le lieutenant de vaisseau Cyrille, commandant adjoint opérations de la frégate de surveillance Vendémiaire. Basée à Nouméa, dans une zone aux ressources contestées et où les compétiteurs stratégiques de la France se réarment, la frégate a récemment appareillé en urgence, à la suite d’un mouvement de foule et sous la menace d’embarcations terroristes.
Si ce scénario était fictif, les moyens engagés étaient bien réels, harcelant l’équipage déjà mis à rude épreuve à quai, notamment par un feu majeur et une alerte à la bombe. « Les entraîneurs nous mettent dans des situations de stress et d’incertitude pour vérifier que les décisions prises sont les bonnes et que les procédures continuent à être déroulées correctement, précise le LV Cyrille. Le stage commence par des exercices élémentaires, qui gagnent ensuite progressivement en intensité. À chaque acquis, les entraîneurs amènent l’équipage à réagir à de nouvelles contraintes à travers l’exercice suivant : le chef de la lutte s’évanouit en pleine fumée, un marin panique, le feu s’étend à un autre local... Lorsque des chefs sont tombés, certaines personnes se révèlent et peuvent aussi aller au-delà de ce qu’elles auraient elles-mêmes pensé. » La MECO de la frégate a duré 14 jours, durant lesquels l’équipage du Vendémiaire a relevé de nombreux défis pour repousser ses limites. « L’objectif pour le bâtiment est de continuer à remplir sa mission, même en ayant encaissé des coups », conclut le LV Cyrille.
La mort, une HYPOTHÈSE de travail
« Il y a un réel décalage entre la vie quotidienne de nos marins et ce qu’ils vivront s’ils sont confrontés à une situation de combat », constate le CV Patrick. Or, en tant qu’acteur principal de la préparation opérationnelle des équipages de la FAN, c’est un scénario qu’il nous revient de davantage prendre en compte. Ainsi, les séances mensuelles de préparation du marin au combat pourront prendre la forme de demi-journées de réflexion autour du thème de la mort au combat ou d’autres sujets propices au renforcement des capacités mentales de l’équipage. « Il me paraît primordial d’amener les équipages à réfléchir de manière régulière sur ces sujets essentiels bien que loin de leurs préoccupations quotidiennes », précise le CV Patrick.
L’excellence technique
« On ne sait jamais à l’avance ce qu’on va nous demander de faire, il faut donc être prêt à tout, quels que soient le milieu et le domaine de lutte », indique le capitaine de vaisseau Marc, commandant la DIVENT de la Force de l’aéronautique navale. Il existe déjà une montée en puissance dans la préparation opérationnelle des personnels navigants et pilotes dans la mise en œuvre de munitions complexes. « Il leur faut d’abord connaître parfaitement leur système d’armes. Ensuite, on passe à la connaissance des différentes missions, puis on lie les deux. Concrètement, pour un pilote de chasse, ce sera d’abord tirer sur des objectifs au sol, pratiquer ensuite le combat aérien, puis détruire un objectif malgré les attaques d’aéronefs ennemis. »
C’est en effet sur des prérequis classiques que doit s’appuyer la capacité des marins à combattre dans le haut du spectre, dans un environnement hybride, non permissif et face à des adversaires dotés d’une puissance technologique équivalente. « La haute intensité, c’est revenir à un engagement d’État contre État. C’est s’entraîner à détruire un navire avec un missile, rappelle le CV Patrick. Et le détruire avant que lui-même ne tire, voire ne nous détecte. » Cela suppose de connaître son matériel et d’être capable de l’employer de manière nominale comme en mode dégradé. « Comment vais-je tirer un missile sans GPS ? interroge le CV Patrick. Pour y arriver, il faut s’y être entraîné et connaître si bien l’armement, notamment l’armement complexe, que son emploi est optimisé pour gagner les quelques secondes qui permettent de prendre ou conserver l’initiative. »
2 Centre d’aguerrissement interorganique.
Focus
Sauver au combat
Lors d’un engagement de haute intensité, la blessure, voire la mort, est probable. Premier sur place pour secourir son frère d’armes, le marin doit savoir le mettre à l’abri et effectuer les gestes salvateurs dans un environnement sous menace, parfois exigu et d’où les possibilités d’évacuation sont réduites. Outre la formation au secourisme institutionnel (PSC1, PSE1, PSE2), tout marin qui part en mission est donc formé au SCMM1, le sauvetage au combat en milieu maritime de niveau 1. Il s’agit notamment de savoir poser un garrot, administrer de la morphine et utiliser la trousse individuelle du combattant. Autant de gestes qui ont pour but d’optimiser les chances de survie du blessé tout en poursuivant la mission.
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées