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Vivre à bord d’un sous-marin des FNFL pendant la Seconde Guerre mondiale L’histoire du Q185 Minerve

Mise à jour  : 05/07/2021 - Direction : SIRPA Marine

Si, aujourd’hui, être sous-marinier c’est vivre confiné dans un sous-marin quasiment sans contact avec sa famille et accepter la promiscuité pendant plusieurs semaines, ces conditions de vie auraient sidéré les sous-mariniers qui ont servi sous les couleurs des Forces navales françaises libres (FNFL) pendant le second conflit mondial. Retour sur le cas du sous-marin Minerve (1936- 1945).

Admise au service actif en septembre 1936 après cinq ans de construction, la Minerve est le premier des six sous-marins de 2e classe de type Amirauté. Ces bâtiments de 630 tonnes sont conçus, à l’origine, pour un équipage de 42 hommes et disposent d’une autonomie de 15 jours en vivres et carburant. Ils ont été construits pour assurer des missions de défense côtière.

UNE ENTRÉE EN MATIÈRE CHAOTIQUE

Au début de la guerre, en 1939, la Minerve est affectée à des missions de patrouilles côtières en Méditerranée. Lorsque, en mai 1940, les Allemands envahissent la France, le sous-marin est en grand carénage dans le port de Cherbourg avec trois autres bâtiments de même catégorie (l’Orion, l’Ondine et la Junon). Devançant l’arrivée des Allemands, l’ingénieur en charge du carénage fait accélérer les travaux afin de leur rendre leur capacité à naviguer. Le 19 juin, les quatre sous-marins sont remorqués vers des ports britanniques ; ils seront saisis par les Anglais à la signature de l’armistice et ne seront rendus aux FNFL de l’amiral Muselier qu’en août 1940. Leur état est alors catastrophique : plus de transmission, plus de culasses ni de piston sur les diesels. Par ailleurs, l’accès aux rechanges est compromis puisqu’ils sont restés à Cherbourg. L’amiral Muselier confie le commandement de

la Minerve au lieutenant de vaisseau Pierre Sonneville, ancien second du sous-marin Junon (sistership de la Minerve). Au moment où il prend ses fonctions, ce dernier ne dispose que d’un équipage de dix hommes, dont seulement deux sont sous-mariniers, et son second est sorti de l’École navale en 1939. Entre août et décembre 1940, Sonneville réussit à recruter un équipage et à remettre en état la Minerve. La moyenne d’âge de ses hommes est de 20 ans, 20 % ont 18 ans tout juste, 32 % n’ont jamais navigué sur

sous-marin. Pour compenser cette inexpérience, l’effectif est porté à 52 hommes dont trois Anglais, imposés par l’amirauté (un officier, un radio et un timonier). Le 16 décembre, le sous-marin débute une période d’entraînement de cinq semaines qui permet à l’équipage d’obtenir sa qualification opérationnelle. Désormais apte au combat, la Minerve rallie Dundee le 24 janvier 1941.

Le 30, elle appareille pour sa première patrouille opérationnelle le long des côtes norvégiennes. Si cette dernière se déroule sans encombre, ce ne sera pas le cas de la suivante.

13 HEURES DE GRENADAGE

Le 19 avril 1941, le sous-marin lance plusieurs torpilles sur un pétrolier allemand. Il est détecté et doit plonger en urgence. Il subira 13 heures de grenadage alors qu’il est posé à 50 mètres de fond. Quelques-unes des 45 grenades tirées par l’ennemi ont déformé la coque et causé des avaries sur bon nombre de matériels. Ce n’est qu’une fois rentré au port que l’équipage découvrira que l’amalgame de colle et de liège servant d’isolant entre les coques externe et interne s’est décollé et désagrégé. Il leur faudra l’extraire, mais sans pouvoir le remplacer. Sans isolation, les eaux froides de la mer de Norvège vont faire chuter la température à bord et la condensation va imbiber les matelas jusqu’au cœur. De surcroît, en plongée, afin d’économiser les batteries, impossible de mettre le chauffage. Après plusieurs patrouilles le long des côtes de Norvège où elle aura aussi débarqué discrètement quelques espions, la Minerve est affectée à la protection des convois à destination de la Russie. Sa mission : les escorter jusqu’à l’extrême nord de la Norvège. Nouveau défi à relever pour l’équipage : porter le rayon d’action initial de 2 000 nautiques à 4 000 ! Même défi pour les vivres : passer d’une autonomie de 15 jours pour 42 hommes à 35 jours pour 52. Pour le carburant, il a fallu sacrifier les ballasts centraux pour y installer des réservoirs additionnels. L’eau, quant à elle, sera rationnée à 0,5 litre par homme et par jour et pour tous les usages. Les repas sont constitués de vivres déshydratés et de biscuits de mer, consommés froids, toujours pour économiser l’électricité.

TIR ALLIÉ

En 1942, le lieutenant de vaisseau Simon-Dubuisson prend le commandement du sous-marin. Les missions d’escorte des convois

et de patrouille le long des côtes de Norvège se poursuivent. À l’automne 1943, la Minerve reçoit l’ordre de rallier la Méditerranée. Le 10 octobre 1943, au large d’Ouessant, un bombardier de la Royal Air Force, l’ayant pris pour un U-Boot, la vise et tire une roquette qui touchera son compartiment arrière. Le sous-marin est gravement endommagé et deux membres d’équipages périssent, il doit rentrer à Plymouth. La Minerve est jugée non réparable et l’équipage est transféré sur la Doris. En septembre 1945, le Q185 est remorqué sans équipage vers Cherbourg. Un fort coup de vent arrache la remorque et la Minerve termine sa carrière drossée sur la côte britannique. Le sous-marin fut officiellement condamné en février 1946.

 

Jacques Le Gall

témoin de l’épopée de la Minerve

Le 25 février dernier, Jacques Le Gall a fêté ses 100 ans. C’est après avoir entendu l’appel du général de Gaulle à la radio, le 18 juin 1940, que son frère et lui ont embarqué pour l’Angleterre. Le 6 juillet suivant, ils seront de ceux qui signeront un engagement dans la France libre à l’Olympia Hall de Londres. Si son frère Alexis rejoint l’armée de Terre, pour Jacques ce sera la Marine et l’École navale. Dès sa sortie d’école, il embarque sur la Minerve. Le midship sera de toutes les patrouilles et apprendra à bord son métier de marin, d’officier et de sous-marinier ; si bien qu’en 1943, lorsque le sous-marin fut touché par une roquette amie, il en était l’officier en second. Transféré sur la Doris avec l’ensemble de l’équipage en 1943, il terminera la deuxième guerre mondiale sur le fauteuil du pacha, devenant ainsi le plus jeune commandant de sous-marin de la Marine nationale. Après la guerre, Jacques Le Gall quitte la Marine pour reprendre l’entreprise familiale de mareyage,alors en difficulté. Il réside aujourd’hui auprès des siens dans la région de Saint-Malo où il n’hésite pas à témoigner sur son parcours singulier.


Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées