Dans l’ombre du 6 juin 1944 se cache une autre grande campagne du commando Kieffer : celle des Pays-Bas, d’octobre 1944 à mai 1945.
À la fin de la guerre, Philippe Kieffer dira de cette campagne qu’il s’agit de « la plus belle qui existe » et son impact sera d’ailleurs considérable sur la seconde guerre mondiale puisqu’elle permettra de dégager l'accès au très stratégique port d’Anvers. Et pourtant elle restera oubliée des livres d’Histoire… En 1974, dans les colonnes de Cols bleus, René Goujon, vétéran du commando Kieffer, écrivait: « Combien de Français savent où se trouve Flessingue ? En tout cas, personne ou presque dans notre pays ne sait que des Français sont morts au combat dans ce petit port hollandais de l’île de Walcheren, pour que vive la Hollande et que le monde soit libéré de la contrainte nazie ». Avec son ouvrage, Benjamin Massieu tente de corriger cet oubli de l’Histoire.
Commando Kieffer : la campagne oubliée, Benjamin Massieu,
Éditions Pierre de Taillac, 2020, 29,90 €.
COLS BLEUS : Pourquoi mettre en avant cette campagne ?
: C’est une partie de l’histoire du commando Kieffer qu’on oublie souvent. On a tendance à limiter ses faits d’armes au seul épisode du Débarquement le 6 juin 1944 et aux fameux 177 commandos. J’ai voulu montrer qu’il y avait eu autre chose derrière, et que ce n’était pas qu’une vulgaire campagne militaire à la poursuite d’un ennemi en déroute. C’était vraiment une opération cruciale pour la suite de la guerre.
C. B. : En quoi a-t-elle été déterminante ?
Elle est déterminante car elle permet de libérer l'accès au port d’Anvers, aux mains des Alliés depuis deux mois. L'historiographie s’est longtemps concentrée sur la bataille des Ardennes, un mois plus tard, mais elle n’aurait sans doute pas été remportée si les Alliés n’avaient pas réussi à utiliser ce port, un des plus importants d’Europe. En septembre 1944, les Alliés n’ont pris aucun port intact depuis le Débarquement en Normandie. Ils sont presque à la frontière allemande, mais tout le matériel est débarqué sur les plages normandes et envoyé au front par la route… Il y a un risque d’enlisement. La prise d'Anvers le 4 septembre, avec des infrastructures portuaires intactes, est donc inespérée. Le problème est que les Allemands tiennent toujours l'embouchure de l'Escaut et empêchent les navires de remonter jusqu'à Anvers. Il est donc indispensable de prendre l'île de Walcheren, à son embouchure. C'est pour résoudre ce problème que le n°4 Commando franco-britannique intervient.
C. B. : Y a-t-il eu le sentiment d’un manque de reconnaissance au sein du commando Kieffer après cette campagne ?
: Beaucoup de commandos qui ont pris part à la campagne des Pays-Bas, mais pas à celle de Normandie, ont vraiment mal vécu cette focalisation permanente sur le 6 juin. Ceux qui ne faisaient pas partie des 177 ont eu cette frustration toute leur vie. Ils ont eu le sentiment que la campagne des Pays-Bas, malgré son importance et la dureté des combats, avait été oubliée et qu’ils n’avaient pas eu droit aux mêmes honneurs que les autres.
C. B. : Le livre est très illustré, comment avez-vous retrouvé ces archives ?
: Il y a plus de 200 photos dans le livre, dont environ un quart provient de la collection personnelle de Guy Vourc’h, un officier du commando Kieffer. Il avait un appareil photo avec lui et a pu faire des clichés avant, pendant et après la bataille. Ce sont quasiment les seules photos où l’on voit des Français lors de la bataille de Flessingue. Je voulais mettre en lumière cette collection et attribuer à Guy Vourc’h la paternité de ces clichés. C’est une campagne assez complexe qui est difficile à appréhender, c’est pour ça qu’il y a également beaucoup de cartes.
Extrait du Cols Bleus N3091 Novembre 2020 - Hydrographie - 300 ans d'opérations
Sources : Marine nationale
Droits : Ministère des armées