« Une capacité d’action démultipliée ». Présentée comme un arsenal militaire à elle seule, la Fremm sera une véritable boite à outil avec de nombreux systèmes d’armes réunis ; Et une carte supplémentaire dans sa manche : le missile de croisière naval.
« La seule présence sur zone d’une Fremm constituera un signal politique et militaire fort » savourent déjà les acteurs du programme. Quel qu’en soit la version, anti sous-marine ou de défense aérienne, la Fremm est annoncée tel un raz-de-marée. Dans l’échiquier naval français, elle sera un élément redoutable capable de se transformer en une pièce maîtresse, bâtiment d’escorte, gardien d’un espace aéromaritime ou même navire commandant une force nationale ou interalliée. C’est selon. « Le besoin de la Marine est de disposer de frégates capables de remplir tout le spectre des missions aéromaritimes, c’est-à-dire allant des opérations qui relèvent de l’action de l’Etat en mer, comme les opérations de sûreté maritime (lutte contre la piraterie ou les trafics illicites) jusqu’au combat de haute intensité en haute mer et dans la zone littorale. Ces frégates ont un caractère multi missions, c’est-à-dire qu’elles peuvent agir dans tous les domaines de lutte : anti sous-marin, antiaérien, antisurface, contre les menaces asymétriques » observe le capitaine de vaisseau Ferragu, officier programme de l’état-major de la Marine.
« Tenir à la mer »
De manière générale, les frégates sont un maillon essentiel de la stratégie navale et l’épine dorsale d’une marine océanique. Leur endurance, leur autonomie, en font un élément de premier plan capable de « tenir la mer ». C’est ainsi qu’on été conçue les frégates de type Tourville dans les années 70 et, vingt ans après elles, la classe Lafayette. Aujourd’hui le renouvellement d’une partie de la flotte vieillissante est une priorité. Synonyme de rajeunissement des bâtiments, il ne se mesure plus en tonnages ou en unité mais en « capacité opérationnelle globale », en somme l’aptitude d’une frégate à remplir tout un panel de missions dévolues à plusieurs navires auparavant. En ceci, la Fremm et ses nombreux systèmes d’armes représentent incontestablement un bond générationnel pour la Marine nationale. Difficile pourtant de faire la lumière sur tous ses attributs guerriers tant elle en est pourvue.
La Fremm est bardée de systèmes d’armes dont certains sont des noms familiers. Ainsi, comme les frégates de type Horizon, la Fremm sera équipée du missile Aster. De même, sur le flanc de la frégate on retrouve la torpille légère MU 90 opérationnelle sur navires et aéronefs depuis 2008. Pourquoi alors, la Fremm serait-elle porteuse de « rupture » pour la Marine française ? Ce qu’il faut retenir, c’est que la Fremm est une combinaison de systèmes connus et d’innovations. « C’est cette combinaison de l’ensemble qui est inédite et qui fait de ce produit le meilleur navire de sa génération » rapporte M. Vincent Martinot-Lagarde, le directeur des programmes de DCNS.
Radar Héraclès et missile de croisière naval
Côté innovations, on retiendra le radar Héraclès, multifonctions, qui permet selon l’équipementier : « la détection d’un avion à 250 km ou d’un missile antinavire à plusieurs dizaine de kilomètres ». Une fiabilité et une performance déjà éprouvée par des frégates Singapouriennes. Pour la lutte anti-aérienne du navire, ce radar perché sur la mature unique permet également de guider jusqu’à mi-course plusieurs missiles Aster simultanément.
En fait de nouveauté, le missile de croisière naval (MdCN) embarqué pour la première fois sur l’Aquitaine dès 2014 pourrait à lui seul, ouvrir à la France des perspectives inédites dans la gestion politico-militaire de crises. Développé dans les années 70 et avec un usage croissant depuis la première guerre du Golfe en 1991, le missile de croisière était longtemps un monopole américain, et britannique dans une moindre mesure.
En France, le missile de croisière était exclusivement aéroporté avant qu’un programme entame sa « navalisation » avec des performances nouvelles. « Demain, ce ne seront plus uniquement l’armée de l’Air et l’aéronautique navale qui délivreront l’arme, explique le capitaine de frégate Martin, officier programme à l’état-major parisien mais bien 15 porteurs naval, les Fremm et les sous-marin Barracuda, forts de leur liberté de mouvement et s’affranchissant des conditions météorologique ». Avec un premier avantage de taille : « la Fremm pourra à tout moment programmer puis reprogrammer les objectifs du missile ». Une option irréalisable pour un avion en vol. Le Charles-de-Gaulle « ne sera plus la seule plate-forme navale capable de projection de puissance. Pour la première fois des bâtiments de premier rang pourront frapper des cibles à terre ».
De l’intimidation à la frappe
Cette munition est donc un outil offensif aux mains des autorités politiques et militaires, pour des emplois allant de la simple action d’intimidation, un arsenal pointé ostensiblement sur une menace, jusqu’à la frappe de rétorsion. Chaque bâtiment sera capable d’embarquer 16 munitions tirées depuis des lanceurs verticaux Sylver A50. Enfin, la portée de l’arme - de la classe des 1000 km - élargit considérablement la couverture géographique de nos zones d’intérêts, et sa mise œuvre se déroulera sans même divertir le navire de sa mission principale.
Malgré la réduction du format général des armées, les clignotants sont au vert pour les grands programmes navals, Dixmude, Terrible, Caïman et Barracuda. Avec eux, la Fremm témoigne de l’importance croissante de l’espace maritime dans la géostratégie mondiale. Et pas besoin de se perdre en conjectures : « pour nous, le programme Fremm est structurant puisqu’avec lui, nous construisons la colonne vertébrale de la Marine du XXIème siècle » témoignait le chef d’état-major, l’amiral Forissier, sur le chantier de l’Aquitaine à Lorient en 2010. « C’est grâce à ce programme que la Marine nationale restera une marine de premier rang ». Rien de moins.
EV Grégoire Chaumeil
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées