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Etude de l'IRSEM n°14 - 2012 : L'évolution du débat stratégique en Asie depuis 1945

Mise à jour  : 07/05/2012 - Direction : IRSEM

Etude de l'IRSEM n°14 - 2012 : L'évolution du débat stratégique en Asie depuis 1945, 

Pierre Journoud (dir.)

Périphérie marginalisée dans les études stratégiques françaises depuis la fin des guerres d’Indochine, l’Asie du Sud-Est (ASE) présente pourtant un intérêt majeur. Elle apparaît non seulement comme un enjeu, pour ce qu’elle donne à apprendre des stratégies, des engagements et des rapports de force entre puissances, mais aussi en tant qu’acteur et projet politique. Apparu du côté des Alliés à la fin de la seconde guerre mondiale, le concept d’ASE a vu sa connotation stratégique renforcée pendant la guerre froide. Il y a survécu sous les traits d’une association régionale, l’Asean, porteuse de nouvelles formes de multilatéralité dépourvues de dimension militaire propre. Pour réévaluer l’importance de cette région dans le débat stratégique, l’Irsem a réuni, en 2011, un groupe de travail pluridisciplinaire composé de spécialistes de l’ASE et de généralistes des relations internationales. Leurs travaux sont présentés dans l’Étude de l’Irsem n°14. Trois grands thèmes y sont abordés, selon une approche globale mais non exhaustive de la sécurité.

Est abordé en premier lieu le rôle des principales puissances extérieures qui ont pesé sur le destin de la région pendant et après la guerre froide. Anciennes puissances coloniales, la France et la Grande-Bretagne ont continué à nourrir un intérêt inégal mais réel pour la région, malgré leur repli consécutif à la décolonisation. Alors en proie à une forte rivalité avec la Chine, l’URSS ne s’en est préoccupée que progressivement, surtout après 1975 et l’échec américain au Vietnam. Un certain retour des États-Unis s’est effectué après la chute de l’URSS et, dans les années 2000, à la faveur de la « guerre contre le terrorisme ». Quant à la Chine, qui travaille à sa modernisation militaire, elle s’efforce d’imposer sa place dans le rapport de force régional, sans être encore en mesure d’assurer elle-même la sécurité du sous-continent.

Dans la deuxième partie, les auteurs justifient la nécessité d’étudier l’ASE pour elle-même. En guerre de façon presque ininterrompue jusqu’à la fin des années 1980, la région se présente comme un laboratoire stratégique, théâtre par excellence de la guerre irrégulière pendant la guerre froide et de ses avatars dans la « guerre contre la Terreur ». Le centre de gravité des tensions s’est déplacé, avec la fin de la guerre froide, de la péninsule indochinoise à la mer de Chine méridionale, où se posent désormais les conflits de souveraineté les plus aigus. Les facteurs d’instabilité régionale et la modernisation militaire de la Chine ont justifié une augmentation importante des budgets militaires des états d’ASE, qui s’apparente plutôt à un effet de rattrapage lié à la hausse de leur PIB qu’à une véritable « course aux armements ». Cette évolution reflète d’ailleurs l’une des caractéristiques de l’ASE, dont l’identité stratégique repose essentiellement sur le potentiel de développement économique, sans qu’il soit encore possible de savoir si les pays qui la composent parviendront à surmonter leurs divergences pour créer une communauté de destin apte à transcender à la fois les facteurs de morcellement internes et les rivalités des grandes puissances extérieures qui s’y exercent.

La troisième partie est centrée sur les menaces transnationales et les coopérations interétatiques mises en place y faire face. Dans un contexte de « maritimisation » croissante des enjeux économiques et stratégiques, et de tensions récurrentes entre États riverains, États utilisateurs, puissances maritimes et flottes commerciales, la gestion des détroits d’ASE – celui de Malacca voit transiter un tiers du commerce mondial – a donné naissance à des coopérations interétatiques ponctuelles, notamment contre la piraterie et le terrorisme. Mieux, le retour de la criminalité maritime depuis les années 1990, la recrudescence du terrorisme après 2001, l’insécurité alimentaire, sanitaire ou environnementale, ont conduit les membres de l’Asean à développer leur coopération, notamment par une meilleure prise en compte de la sécurité humaine. Si l’Asean a contribué à la consolidation nationale de ses états membres, au nom du principe fondateur de non-ingérence, elle est aussi devenue une communauté de sécurité stabilisatrice, grâce à l’exercice de la diplomatie préventive. Malgré ses échecs et ses faiblesses, notamment dans le financement de certains programmes, elle a favorisé un « minilatéralisme » efficace et su apparaître comme le pivot de dialogues politico-stratégiques institutionnalisés, à l’échelle asiatique (Asean+3/+6…), voire globale (ADMM+, ARF, ASEAN+8…), en faveur d’une sécurité collective multidimensionnelle. Il reste à savoir si elle saura le rester dans une période de concurrence croissante des plus grands – Chine, Inde, États-Unis.


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