Le 6 janvier 2021, le Commandement de la Défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) a conduit un raid aérien baptisé « Shaheen », depuis la métropole vers la base aérienne (BA) 188 « Colonel Massart » de Djibouti. Cet entraînement bilatéral du haut du spectre contribue à améliorer l’interopérabilité entre nos deux armées de l’Air dans le cadre de la Combined Joint Expeditionary Force (CJEF) franco-britannique, déclarée pleinement opérationnelle en 2020.
Deux Mirage 2000D de la 3e escadre de chasse, deux Mirage 2000-5 de l’escadron 1/2 « Cigognes » accompagnés de deux A330 Multi role tanker transport (MRTT) anglais ont ainsi rallié la corne de l’Afrique où une opposition air/air et air/sol simulée les attendait à leur arrivée.
C’est sous trois centimètres de neige que les deux équipages de Mirage 2000 D quittent la base aérienne (BA) 133 de Nancy, avant de retrouver, quelque part dans les nuages, leurs homologues de la BA 116 de Luxeuil pour une mission de longue haleine. Et pour cause. Près de 6h15 de vol les attendent. Afin de parcourir les 6 000 kilomètres qui les séparent de leur destination, deux MRTT de la Royal Air Force font office de citernes volantes afin que les quatre chasseurs ne se retrouvent jamais à sec. « Au total, quatre ravitaillements en vol sont nécessaires, explique le commandant Nicolas, mission commander (chef de mission) du raid “ Shaheen ”. Pouvoir mener cette opération de projection conjointement avec nos alliés britanniques est une vraie plus-value. » Après avoir survolé l’Etna, qui a lui aussi revêtu son manteau blanc pour l’occasion, ou encore la Vallée des rois en Égypte, le quatuor n’est plus qu’à quelques battements d’ailes du territoire djiboutien. Pour autant, il n’est pas encore question de poser les roues sur la piste brûlante de la BA 188.
PROJETER VITE ET LOIN
« Après ce long convoyage, nous allons participer à une mission tactique de haute intensité, détaille le commandant Nicolas. Notre objectif est de délivrer, fictivement, deux missiles de croisière Scalp sur un objectif donné. Dans le scénario de l’exercice, il s’agit d’une usine d’armement. Pour nous aider dans cette tâche, deux Rafale, déjà prépositionnés sur la BA 188, nous rejoignent en l’air. Le rôle de chacun est bien défini : Rafale et 2000-5 doivent escortés les High Value Assets (HVA – les équipements à haute valeur ajoutée), à savoir les Mirage 2000D qui sont équipés des missiles. »
Évidemment, pour y parvenir, il leur faut déjouer de nombreux obstacles. Un comité d’accueil peu amical, composé de deux Rafale et de deux Mirage 2000-5, endosse le rôle d’adversaires chargés de les empêcher de pénétrer l’espace aérien de Djibouti. De plus, des systèmes de défense sol/air leur mettent également des bâtons dans les roues. « Nous devons calculer le point de largage de nos missiles afin de leur faire suivre une route, en basse ou haute altitude, de telle sorte qu’ils évitent ces dits systèmes qui pourraient les neutraliser, indique le mission commander. Par ailleurs, afin de les saturer, nous devons tirer simultanément nos deux Scalp pour nous assurer qu’au moins l’un d’entre eux touche la cible. » Enfin, un Airboss, à savoir un officier qui, grâce à une recopie des échanges L16 et radio des participants, est chargé d’animer la phase d’exercice, d’enrichir ou de complexifier le scénario, afin de pousser les équipages dans leurs derniers retranchements.
UN VOLET TACTIQUE DE HAUTE INTENSITÉ
Au bout d’une heure de combat, malgré l’agressivité de la force adverse, les Mirage 2000D mettent dans le mille. Le raid, venu de France, peut enfin se poser avec la satisfaction du devoir accompli. « Lorsqu’on descend du cockpit, nous sommes rincés », plaisante le mission commander. Et on le comprend. Pour réaliser une telle opération, il faut être au point physiquement et mentalement pour gérer successivement une phase de transit longue puis un volet tactique complexe. « Il faut de l’endurance, mais aussi savoir faire preuve de réactivité, estime le commandant Nicolas. Je suis très content d’avoir pu emmener les quatre avions à bon port. »
Il est plus de 18 heures lorsque les équipages foulent le tarmac. Dehors, la température affiche encore 25 degrés. La neige nancéienne paraît déjà bien loin… Après une courte nuit de sommeil, l’heure est maintenant au débriefing. Pour ce faire, le capitaine François de la BA 118 de Mont-de-Marsan a été appelé en tant que spécialiste de l’outil collaboratif tacview. « Ce logiciel permet aux pilotes de débriefer leurs entraînements, ici le raid “Shaheen”, en passant au peigne fin l’ensemble des actions réalisées et en restituant les trajectoires prises en trois dimensions », précise-t-il. Maintenant que les leçons sont tirées de cette expérience, les équipages métropolitains prennent part, aux côtés de Rafale B et C, de Mirage 2000-5 (escadron 3/11 « Corse »), d’hélicoptères Puma, d’avions de transport Casa ainsi que d’un A330 MRTT, à une campagne d’entraînement axée sur l’Entry Force jusqu’au 20 janvier.
Un commandement depuis Lyon Planifiée en amont par différentes unités du Commandement de la Défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), la mission « Shaheen » illustre parfaitement le savoir-faire de la chaîne de commandement et de conduite (C2) de l’armée de l’Air et de l’Espace. Depuis une salle d’opérations située à Lyon, les experts du C2 ont assuré le lien entre les équipages et les autorités responsables, en suivant l’exécution de la mission étape après étape, se tenant prêts à apporter un soutien en cas de situations dites « non-conformes ». Aussi bien pendant le convoyage que lors de la phase de combat à Djibouti, cet exercice de type raid conventionnel a permis d’éprouver la robustesse des systèmes de communications, la réactivité de la chaîne de commandement, et d’entraîner les équipages à s’adapter aux conditions réelles. |
Sources : Armée de lair et de lespace
Droits : Armée de lair et de lespace