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L’emblématique Jaguar A91 se pose à jamais au musée de l’Air et de l’Espace

Mise à jour  : 18/01/2021 - Auteur : Armée de lair et de lespace - Direction : Armée de l'Air et de l'Espace

Le dimanche 17 janvier 2021 est le trentième anniversaire, jour pour jour, des frappes initiales de l’opération Tempête du Désert menée par une coalition conduite par les États-Unis à l’encontre de l’Iraq. C’est aussi le jour où le Jaguar immatriculé A91 a rendu son dernier souffle à la suite de sa participation à l’un des premiers raids aériens de la coalition. C’est aujourd’hui que l’illustre aéronef rejoint officiellement le musée de l’Air et de l’Espace (MAE) comme ultime destination, après des années de service rythmées par des faits d’armes exceptionnels. Au-delà de ce dernier atterrissage, le Jaguar A91 laissera aux plus jeunes le souvenir impérissable de l’audace et du courage dont ont fait preuve nos Aviateurs lors de la première guerre du Golfe. 

    

Patrimoine unique, le Jaguar A91 sera dévoilé au sein du hall Concorde ce 17 janvier 2021 en présence de hautes personnalités : le général Vincent Lanata, ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air (CEMAA) ; le général Stéphane Abrial, également ancien CEMAA et actuel président du conseil d’administration du MAE ; le général Bruno Maigret, Commandant les Forces aériennes stratégiques (CFAS) des représentants des ambassades britannique et américaine ; une grande partie des pilotes ayant participé au premier raid ; et enfin, de nombreux élus politiques. La table ronde qui succédera à ce dévoilement permettra de donner la parole aux acteurs, opérationnels et politiques, du célèbre raid du 17 janvier 1991. Le général Abrial, dans son discours, insiste par ailleurs sur la symbolique de cet aéronef : « Les stigmates sur l’avion, que vous apercevez derrière moi, sont les signes toujours visibles de la dureté de ce combat, de la force d’âme des acteurs en présence. »

     

         

Le Jaguar A91 brille par sa robustesse. Et pour cause, il est l’un des rares avions militaires à avoir bénéficié d’une seconde vie.

       

Les premiers faits d’armes de l’A91 en Afrique

Fruit d’une collaboration industrielle franco-britannique, le Jaguar a été conçu par la société franco-britannique SEPECAT. Commandé en 200 exemplaires par l’armée de l’Air française, le Jaguar entre en service en 1972. Livré en 1977, l’A91 rejoint la 11e escadre de chasse sur la base aérienne 136 de Toul. Il fait ses premières armes au Tchad en 1978 en participant à l’opération Tacaud.

Début 1986, le 16 février, alors qu’il est engagé à Bangui (République centrafricaine), le Jaguar A91 échappe de peu à la destruction. Piloté par le capitaine Delecourt, il participe aux côtés de onze autres Jaguar à l’opération Trionyx dont le but est de neutraliser la piste de la base aérienne de Ouadi-Doum, dans le nord du Tchad, construite par les Libyens. Mais les impacts de leurs munitions provoquent des gerbes massives d’éclats qui frappent de plein fouet les derniers chasseurs. Victime de dix impacts, le Jaguar A91 est fortement endommagé. Grâce à l’expertise exceptionnelle des mécanos et malgré la rusticité du soutien logistique disponible localement, l’avion est remis en état.

    

        

La guerre du Golfe : fin de la carrière opérationnelle de l’A91

Cinq ans plus tard, l’A91 part à nouveau en opération avec le capitaine Hummel aux commandes dans le cadre de l’opération Daguet.

Le 2 août 1990, l’Iraq envahit son voisin, le Koweït. Une coalition commandée par les États-Unis est chargée de rétablir le droit international et la paix sous l’égide des Nations unies. Les premiers Jaguar français rejoignent les forces alliées le 14 octobre 1990,  puis l’A91 arrive deux mois plus tard. Le 17 janvier 1991, l’opération Desert Storm est lancée. L’objectif de la première mission à laquelle participent les Jaguar français est de détruire des stocks de munitions suspectés d’être chargés d’armes chimiques sur la base d’Al Jaber au Koweït, puis de neutraliser la piste. Deux formations de six Jaguar, dont l’A91, participent à ce raid à basse altitude. En s’approchant de leur objectif, les chasseurs-bombardiers sont pris à partie par une forte concentration de feux antiaériens avec des missiles SA-7 tirés à l’épaule et des armes de petit calibre. Quatre des douze Jaguar, dont l’A91, sont gravement endommagés. Un pilote est sévèrement blessé. Le lieutenant Bonnafoux, un des quatre pilotes des Jaguar touchés, témoigne : « J’étais dans le désert. Quand, soudain, Hummel a crié qu’il avait été touché. Ayant le visuel sur ce dernier, je lui lance : “ Mon pauvre vieux, si tu voyais ton avion, il est en feu ! ” Il me rétorque : “ Le tien aussi, pardi ! ” » Endommagés, les deux Jaguar atteignent miraculeusement, grâce à la dextérité de leurs pilotes, une base saoudienne où ils sont pris en charge immédiatement. Bilan : l’A91, touché au réacteur droit, est irrécupérable. « Mais cela aurait pu être bien pire ! » En effet, les Jaguar ont survolé, à moins de cinquante pieds, un espace situé entre deux des zones les mieux défendues du Koweït ; en d’autres termes, un véritable coupe-gorge. À la suite de cette première mission, les Jaguar abandonnent les profils de vol à basse altitude au profit de ceux d’attaque à moyenne altitude où ils sont moins vulnérables aux canons antiaériens et aux missiles à courte portée.

L’A91 incarne, avec ses nombreuses missions et les dommages qu’il a subis, l’engagement sans faille de l’armée de l’Air et de l’Espace dans les opérations extérieures.

     

       

La fierté d’une acquisition inédite

Mme Anne-Catherine Robert-Hauglustaine, directrice du MAE, historienne, docteure en histoire des sciences et des techniques et professeure à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, témoigne avec émotion : « C’est une première mondiale. Jamais un avion ayant connu les stigmates de la guerre récente et conservé en l’état de combat n’avait été exposé de la sorte. Son vécu fait sa particularité, et il participera à la continuité technologique que nous souhaitons honorer à travers la présentation de ces objets. Cette acquisition est également la première de toute une série d’autres d’avions légendaires dans les années à venir. Nous en sommes très fiers. »

L’avion a par ailleurs subi une procédure particulière. En 1991, l’A91 est d’abord jugé réparable. Mais l’idée est vite abandonnée. À partir de 1997, les premières demandes d’acquisition de cet exemplaire mythique se multiplient auprès du ministère des Armées. En 2018, le musée de l’Air et de l’Espace soumet à nouveau une demande, appuyée par le Centre d’études stratégiques aérospatiales (CESA). En juin 2020, la commission d’acquisition du ministère des Armées émet un avis favorable à son intégration dans les collections du musée. Le conseil d’administration se réunit le 15 décembre 2020 et vote le dépôt du Jaguar A91 au sein des collections du MAE. Depuis, les personnels du musée travaillent la scénographie qui fera honneur à cet avion, « blessé de guerre ». Dans les mois à venir, ils s’affaireront à la réalisation d’un film en partenariat avec le CESA, retraçant son parcours exceptionnel. « Vingt-trois ans entre la demande et l’arrivée de l’avion : c’est une période d’acquisition tout à fait raisonnable, voir exceptionnelle à mon sens. C’était un temps nécessaire au respect de l’histoire de cet avion », explique la directrice du MAE.

       

       

Le soutien indéfectible du CESA

L’arrivée du Jaguar A91 est le fruit d’un partenariat avec le CESA noué depuis plusieurs années et renforcé par l’arrivée d’un nouveau directeur, le général Julien Sabéné. « Le CESA, témoigne Anne-Catherine Robert-Hauglustaine, a joué un rôle déterminant dans le dépôt du Jaguar A91 au sein de notre musée. Ils ont fait un travail remarquable et ont mobilisé des ressources humaines, financières et de recherche colossales pour appuyer ce dossier. La décision a été considérablement accélérée par leur aide. C’est un partenariat sur la durée, sans aucun doute. Sans leur intervention, l’avion ne se trouverait pas actuellement entre nos murs. À mon niveau, l’arrivée de ce Jaguar est un temps fort et émouvant en temps qu’historienne. C’est une pièce qui a participé pour la première fois à la guerre récente sous couvert d’une coalition internationale », conclut la directrice.

Le Jaguar A91, chasseur incarnant un système d’armes rustique, adaptable à tout type d’environnement, et d’une fiabilité technique hors-pair à l’époque, peut enfin jouir d’une retraite bien méritée au sein du musée de l’Air et de l’Espace pour les années à venir.

     

Retrouvez le discours du général Bruno Maigret ce dimanche 17 janvier, commandant les Forces aériennes stratégiques et représentant officiel du chef d'état-major de l'armée de l'Air et de l'Espace (CEMAAE), le général Philippe Lavigne, à l'occasion de l'inauguration du Jaguar A91 :

Discours du général Bruno Maigret, commandant les Forces aériennes stratégiques (format pdf, 459.89 KB).


Sources : Armée de lair et de lespace
Droits : Armée de lair et de lespace