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BARKHANE : « Notre ennemi » - entretien avec le général de brigade aérienne Cyril Carcy, général adjoint au commandant de la force Barkhane

Mise à jour  : 30/06/2020 - Direction : Armée de l'Air et de l'Espace

Lancée le 1er août 2014, l’opération Barkhane fait face à un ennemi furtif, déterminé, en constante mutation et possédant une forte capacité de régénération. Cet ennemi, les personnels engagés dans la force Barkhane le connaissent bien et s’adaptent en permanence à ses modes d’action. Le général Cyril Carcy, adjoint aux opérations de Barkhane, répond à nos questions. 

       

Mon général, à quel type d’ennemi doit faire face la force Barkhane? 

       

L’ennemi auquel Barkhane et ses partenaires sont confrontés en bande sahélo-saharienne (BSS) présente deux visages qui correspondent aux deux franchises islamistes influentes dans le monde : Al Qaïda et Daesh. 

Le visage d’Al Qaïda s’exprime au travers du Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans (RVIM) créé le 1er mars 2017 par Iyad Ag Ghaly. Il s’agit d’un modèle identitaire visant à sauvegarder un mode de vie, assez proche de celui des Touaregs, mais aussi visant à préserver un espace permettant de se livrer aux pires trafics. Son empreinte est principalement située dans le centre et le nord du Mali. 

Daesh est représenté en BSS par deux principales katibas (en arabe – bataillon) : l’État islamique au grand Sahara (EIGS) sur le fuseau Ouest, et des milices de la secte terroriste Boko Haram avec sa branche Islamic State in West Africa Province (ISWAP, en anglais – État islamique dans la province d’Afrique de l’Ouest) sur le fuseau Est. La lutte contre ces dernières étant assumée par les armées tchadienne, nigérienne et nigériane. 

L’EIGS est un modèle internationaliste fondé sur une idéologie millénariste. Son empreinte est principalement située dans la région des trois frontières (Burkina Faso, Mali, Niger). Composé de jeunes gens qui se sont tournés vers le djihadisme faute de perspectives sociales, l’EIGS cherche à étendre son territoire de prédation pour augmenter son vivier de recrutement, ainsi que son financement au travers de la zakat (en arabe – aumône légale). 

Bien que les combats de Barkhane ou ceux des partenaires contre le RVIM dans le nord de la zone des trois frontières soient quotidiens, les efforts se portent actuellement contre l’EIGS. 

       

Quelles sont les caractéristiques de cet ennemi ? 

       

Un dénominateur commun aux deux franchises est celui de profiter du manque relatif d’État et de la faible empreinte sécuritaire pour pouvoir se développer. 

Néanmoins, les franchises Al Qaïda et Daesh ont bien du mal à mettre en œuvre une stratégie sur le long terme, compte tenu de la pression exercée par les forces sahéliennes au quotidien. 

En termes de profil type, le combattant ayant rejoint les rangs de l’EIGS peut être décrit comme un jeune illettré d’une vingtaine d’années. Il a rejoint le groupe dans un souci de protection face aux exactions d’autres ethnies. Il est doté d’une AK47 et d’une moto, deux biens fondamentaux qui lui confèrent un statut social et surtout une forme de pouvoir pour acquérir tout ce qu’il souhaite par la force. Il ne dispose d’aucun soutien financier, l’obligeant à se « nourrir sur la bête », en prélevant la zakat auprès de la population. Il pratique la religion musulmane sans forcément être radicalisé. 

Compte tenu de ces éléments, les groupes armés terroristes (GAT), qui restent très ponctuellement capables d’actions coordonnées regroupant quelques dizaines de combattants, font preuve d’une grande résilience. Ils bénéficient, en effet, d’une importante source de recrutement, du fait des trois facteurs omniprésents en BSS : la pauvreté, la faiblesse des structures éducatives et la marginalisation de certaines populations. 

      

Depuis le déclenchement de l’opération Barkhane, le 1er août 2014, la menace constituée par cet ennemi a-t-elle évolué ? 

       

Nous avons observé deux évolutions principales : géographique et idéologique. 

L’ennemi d’aujourd’hui occupe un espace semi-désertique et bénéficie d’oueds et de campements pour se dissimuler, alors que celui d’hier était traqué dans un environnement désertique et rocheux. 

Au plan idéologique, Barkhane combattait en 2014 un ennemi djihadiste qui revendiquait un modèle identitaire. Aujourd’hui, la Force doit réduire une franchise qui n’affiche aucune revendication, cherchant simplement à accroître sa zone de prédation contre la population déjà accablée par la pauvreté. 

      

Où en sommes-nous du combat contre l’EIGS ? 

       

L’EIGS a subi ces derniers mois une attrition très importante au travers des actions cinétiques cumulées de Barkhane, de la Force conjointe du G5 (FC-G5) Sahel et des forces partenaires, principalement maliennes, nigériennes et burkinabè. 

La présence permanente des soldats de Barkhane sur le terrain a permis de détruire de très nombreuses ressources (munitions, armes, motos, moyens de communication). L’EIGS doit faire face à des tensions financières et logistiques qui réduisent drastiquement sa mobilité et ses capacités de ravitaillement. 

L’EIGS est déstructuré, sous pression, la plupart du temps en position défensive, alors que les forces partenaires reprennent confiance en elles. La stratégie française au Sahel consistant à accompagner la montée en gamme des forces partenaires, tout en mettant les GAT à leur portée, atteint ses premiers objectifs. 

      

Où en sommes-nous de l’inflexion donnée par le sommet de Pau ? 

       

Le sommet de Pau a fixé le cadre d’une « Coalition pour le Sahel » reposant sur 4 piliers, que les efforts de coordination à tous les niveaux engerbent. 

Le premier est relatif à la concentration des efforts militaires dans la région des trois frontières, sous le commandement conjoint de la force Barkhane et de la FC-G5 Sahel. Ce commandement conjoint est efficace grâce notamment au mécanisme de commandement conjoint (MCC), véritable pierre angulaire de la coordination entre les deux principales forces sahéliennes. L’action cinétique combinée des deux forces contre l’EIGS sera maintenue pour obtenir des effets encore plus importants sur l’ennemi. 

Le deuxième pilier porte sur le renforcement des capacités militaires des États de la région qui passe par l’accélération des efforts de formation et les livraisons d’équipements aux forces partenaires. En matière de formation, la dynamique est de poursuivre l’élévation du niveau global de nos forces partenaires pour qu’elles deviennent, à terme, autonomes dans la prise en compte de la menace. Fortes d’années de partenariat militaire opérationnel avec Barkhane, nous constatons, depuis le sommet de Pau, un accroissement substantiel des succès tactiques remportés par les forces armées nationales et la FC-G5 Sahel. 

Concernant les troisième et quatrième piliers, relatifs au retour de l’État et au développement, il est important de noter que l’ennemi entretient l’instabilité des régions dans lesquels il s’implante, car cela lui permet de recruter plus facilement des populations qui n’ont pas d’autre issue. Face à cela, Barkhane, qui n’est que concourante aux actions menées dans ces domaines, maintient son appui aux efforts politiques de stabilisation et de développement, tout en y contribuant par la réalisation d’aides directes à la population. Ces dernières sont d’ailleurs réalisées, de plus en plus fréquemment, conjointement avec les forces armées partenaires. L’objectif est bien de prouver aux populations qu’il existe une alternative au système terroriste, qui est un modèle totalitaire fondé sur la terreur. 

      

        

Conduite par les armées françaises, en partenariat avec les pays du G5 Sahel, l’opération Barkhane a été lancée le 1er août 2014. Elle repose sur une approche stratégique fondée sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne (BSS) : Burkina-Faso, Mali, Mauritanie, Niger, et Tchad. Elle regroupe environ 5 100 militaires dont la mission consiste à lutter contre les groupes armés terroristes et à soutenir les forces armées des pays partenaires afin qu’elles puissent prendre en compte cette menace.

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Sources : EMA
Droits : armee de lair