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Les mulets de l’armée française

Mise à jour  : 07/12/2018

En 1975, les mulets disparaissaient définitivement des effectifs de l’armée française. Ces animaux réputés pour leur robustesse avaient rendu d’inestimables services aux troupes françaises durant plus d’un siècle. Ils participent aux campagnes de colonisation, aux deux guerres mondiales puis à la décolonisation et connaissent leur dernière utilisation opérationnelle courant la guerre d’Algérie. Ils ont constitué, sur des terrains difficiles, une part importante du transport logistique, permis l’évacuation d’innombrables blessés et servi de monture pour l’infanterie. Les unités dotées de ces animaux leur firent une part belle sur leurs insignes de tradition ou au travers de leur devise et l’humour y fut souvent présent.

Lors de la création des troupes alpines en Europe entre 1870 et 1890, le mulet s’impose naturellement pour armer le train régimentaire des bataillons de chasseurs alpins nouvellement mis sur pied. Les chasseurs ont eu l’occasion de se familiariser avec l’animal lors de la conquête de l’Afrique du Nord. Chaque compagnie est donc dotée d’un échelon de 7 mulets. Étonnamment, l’animal ne laissera pourtant que peu de traces dans les insignes de chasseurs alpins. En effet, le 86e bataillon est le seul à utiliser le mulet comme figure symbolique pour son insigne qui existe en deux versions : émaillé et non émaillé. À noter que le mulet est ici équipé de son bât de charge.

Dans le cadre du développement des troupes de montagne, des pièces d’artillerie sont spécialement développées et sont conçues pour être transportables à dos de mulets en plusieurs fardeaux ou pour les plus lourdes, tractées par des mulets. Le canon de 65 est ainsi fréquemment présenté, le tube en position de transport sur le dos d’un mulet. Les unités d’artillerie de montagne ou de l’armée d’Afrique dotées d’un groupe de montagne se montrent plus « reconnaissantes » envers l’animal en lui donnant une part importante dans leur symbolique régimentaire. Ces insignes de l’artillerie sont par ailleurs souvent très réussis tant visuellement que du point de vue de la réalisation à l’exemple de ceux des 56e, 93e, II/96e, 385e régiments d’artillerie et du 2e groupe du régiment d’artillerie colonial du Levant qui associent avec bonheur le mulet, le canon et un paysage de montagne. De nos jours, la 3e batterie du 93e régiment d’artillerie perpétue aujourd’hui le souvenir des mulets au travers de son insigne fortement inspiré de l’ancien insigne régimentaire.

Dès la Première Guerre mondiale, le train met sur pied des compagnies muletières autonomes chargées du ravitaillement dans les Vosges et sur le front d’Orient. Le train fera également venir en métropole des ânes d’Afrique du Nord de petite taille afin de pouvoir circuler dans les tranchées à l’abri des coups. Nous avons retrouvé l’insigne de l’une de ces compagnies d’âniers au travers d’un article extrait du bulletin des armées de la République. Les compagnies muletières créées par la suite, se dotent à leur tour d’insignes qui compte-tenu de leur spécialité, utilisent le mulet au travail équipé de son bât. Ces compagnies se choisissent également des devises en phase avec leur coeur de métier telles que : « bien faire laisser braire », « la 157e passe partout », « moins qu’un cheval, plus qu’un âne », ou encore reprenant la devise de Nicolas Fouquet « Quo non ascendam ».

Quelques unités du service de santé affectées à des divisions alpines ou les compagnies muletières de ramassage sanitaire furent également dotées de ces animaux. Ceux-ci servent alors au transport du matériel sanitaire ou à l’évacuation des blessés au moyen de civières pliantes ou de cacolets (sièges métalliques) fixés au bât. Réputés de caractère difficile (il faut plusieurs mois pour éduquer un mulet contre quelques semaines pour un cheval), la symbolique militaire n’a pas manqué de souligner cette caractéristique du mulet et des expressions de la langue française qui en découlent. Ainsi l’insigne du groupement sanitaire divisionnaire 86 (1940) ou de la 30e division d’infanterie (1956) illustrent le coup de pied de la mule. Tandis que la 15e compagnie muletière a manifestement choisit d’illustrer l’expression « tourner en bourrique » comme semble nous le montrer ce muletier penaud et sa mule hilare.

Le groupe vétérinaire 541 de Tarbes sera la dernière unité non seulement à être dotée de mulets opérationnels mais aussi à le faire figurer sur son insigne. Celui-ci rappelle les campagnes de la Libération et les souffrances partagées des hommes et de leurs fidèles bêtes de somme. Pourtant jusqu’en 2014, l’armée française compta encore dans ses rangs un unique mulet. En effet, « Bistouille » une mule retraitée des troupes de montagne allemandes était la mascotte du 110e régiment d’infanterie aujourd’hui dissous.


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