Les Journées de l’aérocombat ont débuté le 5 février à Pau. Cinq jours après avoir perdu cinq de ses officiers lors d’un vol d’instruction, le général Grintchenko, commandant le combat aéroterrestre, revient sur l’organisation de ces Journées, les évolutions de l’aérocombat au sein de l’armée de Terre et les enjeux à venir.
Comme chaque année, les Journées de l’aérocombat visent avant tout à resserrer la communauté ALAT. Cette dimension prend tout son sens quelques jours après le terrible accident de GAZELLE qui a couté la vie à cinq de nos pilotes. Aussi, nous nous rassemblerons solennellement en un dernier hommage à nos frères d’armes disparus, à leur engagement au service de la France et sous le béret bleu.
L’idéal du service, la fidélité aux camarades tombés font partie de l’esprit de l’ALAT, qui nous grandit. N’oublions pas ce en quoi ils ont cru et ce pour quoi ils étaient prêts à donner leur vie.
C’est donc un défi que l’ALAT doit à présent relever : celui de ne jamais les oublier et de ne jamais faillir à l’attention que nous devons à leurs proches. Cet engagement pris, nous pourrons nous tourner résolument vers l’avenir.
Les journées de l’aérocombat ne sont pas une création récente. Comme toutes les armes, l’ALAT organise depuis de très nombreuses années ce rendez-vous annuel essentiel, pour faire un point de situation et informer le plus grand nombre sur les événements passés et les actions prioritaires à conduire. Journées d’échanges et d’informations, elles permettent à la communauté aéronautique de l’armée de Terre de se retrouver, en associant l’interarmes et parfois l’interarmées.
Avec la création du pilier ALAT voulu par le chef d’état-major de l’armée de Terre en 2016, l’aéronef de l’armée de Terre a beaucoup gagné en cohérence et en cohésion. Ainsi, le général commandant de l’Aviation légère dispose de l’ensemble des leviers nécessaires à la conduite de son action, allant du recrutement des personnes exerçant les métiers de l’ALAT, à la formation initiale, en passant par l’évaluation du besoin en équipements, la préparation opérationnelle, la doctrine et le retour d’expérience.
Dès l’année dernière, j’ai tenu à mettre l’accent sur les liens forts qui unissent « ceux qui servent dans l’ALAT, ceux qui y ont servi ou ceux qui la soutiennent ». Ainsi la prise d’armes de rentrée qui s’est déroulée le 27 septembre dernier aux Invalides a été l’occasion d’organiser un forum historique portant sur le passé de l’ALAT et de réunir en particulier l’active, la réserve et les anciens.
Avec les Journées de l’aérocombat du 8 février, je veux mettre à l’honneur les liens que nous entretenons avec le monde industriel, représenté par les entreprises et bien sûr la Direction générale de l’armement (DGA). Il est assez rare de prendre le temps nécessaire pour se parler, voir, échanger et comprendre les besoins et les contraintes de chacun. A travers le thème de l’aérocombat, nous avons mis l’accent sur cet espace aéroterrestre qui fait partie du quotidien de l’armée de Terre et qui juxtapose beaucoup d’acteurs qui doivent être coordonnés pour que la manœuvre aéronef s’en retrouve grandie et renforcée, et non pas contrainte par des mesures de coordination mal dosées.
A l’heure où l’armée de Terre se présente comme une armée moderne et de haute technologie, notamment à travers le programme SCORPION, je pensais que nous devions exploiter au mieux les synergies qui existent ou que nous devons créer, entre ce qui vole et ce qui roule au profit de la manœuvre aérocombat.
Ce partenariat entre le monde combattant aéroterrestre et le monde industriel est vieux de plusieurs dizaines d’années. Il permet à l’ALAT française de bénéficier de matériels d’une très grande qualité dont le succès au combat est démontré au quotidien.
Les Journées de l’aérocombat 2018 sont donc l’occasion de maintenir la séquence d’information au profit de nos camarades mais aussi d’organiser plusieurs activités au profit direct des industriels. Ainsi, après une séquence d’échange sur le retour d’expérience d’opérations récentes, nous avons organisé un dîner-débat et une exposition d’équipements. L’objectif de ces journées est de mener une réflexion sur l’action de l’aérocombat, c’est-à-dire de l’ALAT intégrée à l’action opérationnelle de l’armée de Terre aujourd’hui, mais aussi demain dans le cadre du programme et du combat SCORPION.
Enfin, cerise sur le gâteau, organiser ces journées à Pau avec le général Bréthous, le commandant des forces spéciales Terre, permet de souligner la connivence qui existe entre l’ALAT et les Forces spéciales. Je caractérise souvent l’aéronautique de l’armée de Terre comme « une et indivisible, riche de ses différences » ; c’est ce que nous montrerons durant cette semaine dans ce lien de complémentarité naturel avec les Forces spéciales et également avec le Groupement aéromobilité de la section technique de l’armée de Terre (GAMSTAT) qui a la mission de tester et d’intégrer sur nos appareils les nouveaux équipements.
Globalement, ma préoccupation est que cette métamorphose soit cohérente avec celle de nos hélicoptères, pour que la modernisation des forces terrestres ne sépare pas à nouveau, pour des questions essentiellement de compatibilité technique, ce que nous avons eu beaucoup de difficultés à réunir. C’est un vaste chantier qui demande une très grande attention.
L’ALAT s’inscrit dans le programme SCORPION tout particulièrement avec la montée en puissance de sa numérisation, pierre angulaire du combat SCORPION. Ainsi, si le renouvellement des parcs d’aéronefs a débuté avec la livraison du premier TIGRE en 2005 et se poursuit avec celle des CAÏMAN, le développement des équipements de numérisation, entamé depuis les années 2000, s’inscrit dorénavant en totale cohérence avec ceux de l’armée de Terre.
Le système d’information du combat de Scorpion (SICs) équipera prochainement l’ALAT ainsi que le poste « contact » et l’interopérabilité devra être maintenue sans rupture afin que l’aérocombat puisse continuer d’être au plus près de ses camarades de l’interarmes sur chaque théâtre d’opérations.
Par ailleurs, l’aéronef de l’armée de Terre s’inscrit également dans SCORPION dans l’amélioration de ses équipements d’autoprotection, indispensables à la protection des équipages qui vont au contact de l’ennemi.
Enfin, le combat SCORPION va développer tout particulièrement l’engagement collaboratif. L’ALAT s’inscrit parfaitement dans cette orientation nouvelle, à la fois en raison de sa capacité à réagir à une mission nouvelle en cours d’action mais aussi car elle dispose d’armements offrant d’excellentes capacités de tirs collaboratifs, comme cela a été déjà mis en œuvre en opérations. Concrètement, une munition tirée par un véhicule terrestre doit pouvoir être guidée par un aéronef, et vice-versa.
L’enjeu majeur de ce commandement pour la décennie à venir est de garantir au chef d’état-major de l’armée de Terre de continuer à disposer d’une ALAT de combat opérationnelle pour faire face aux nombreux défis et engagements auxquels l’armée de Terre sera confrontée. Cela signifie que la montée en puissance de l’aviation de l’armée de Terre passe par une numérisation totale en phase avec le besoin opérationnel.
En 2015, le ratio entre appareils d’ancienne et de nouvelle génération était de 2/3 d’appareils d’ancienne génération (GAZELLE, PUMA) pour 1/3 de nouvelle génération (TIGRE, NH90, CARACAL, COUGAR RENOVE). En 2019, il sera de 50/50 et inversé en 2022 soit 1/3 d’ancienne génération pour 2/3 de nouvelle génération.
Alors que l’ALAT a en permanence plus d’une soixantaine d’aéronefs en posture opérationnelle (projection ou alerte), cette mutation constitue un véritable défi. En effet, outre la prise en main des appareils, ce changement de génération implique une révision globale des organisations et des procédures existantes car la complexité des nouveaux appareils exige en particulier des ressources humaines supplémentaires avec la création de métiers qui étaient hier totalement inconnus.
C’est pourquoi j’ai cadré cette dynamique de modernisation à travers un plan particulier, le plan ALAT « au contact », qui a été validé par le CEMAT l’année dernière. Il fixe les objectifs à atteindre en termes de ressources humaines mais aussi d’organisation, de procédures et de doctrine afin que cette évolution ne remette pas en cause l’efficacité opérationnelle attendue des hélicoptères de combat.
Par ailleurs, en parallèle de cette mutation, l’ALAT poursuit sa montée en puissance au diapason des forces terrestres pour être au rendez-vous de l’engagement du premier groupement tactique interarmes (GTIA) SCORPION puis de la brigade SCORPION dans les prochaines années. Ceci implique une attention spéciale afin que la chaîne de commandement demeure parfaitement interopérable avec l’interarmes et l’interarmées. Le COMALAT s’y emploie avec une grande vigilance.
De façon globale, les études se poursuivent afin d’appréhender, en totale cohérence avec les forces terrestres et le Centre de doctrine et d’enseignement du commandement (CDEC), le combat SCORPION dont les caractéristiques, mettant en exergue les engagements collaboratifs, nécessitent d’anticiper et de mettre en œuvre les besoins en formation et en préparation opérationnelle.
Enfin, sur le plan opérationnel, tout en maintenant nos savoir-faire en France au profit des forces de sécurité intérieure nous permettant de porter assistance à nos concitoyens éprouvés par une catastrophe, nous devons continuer à exceller dans le combat de contre-insurrection, notamment en Afrique, tout en étant prêts à nous engager, seuls ou en coalition, dans des combats de haute intensité, face à un ennemi aussi fort, voire plus fort que nous : vaste sujet !
Comme vous le comprenez, cette quadrature du cercle demande de bien connaître son environnement et nécessite beaucoup d’imagination pour trouver les raccourcis nous permettant de disposer d’outils de supériorité. Ce besoin légitime pleinement l’organisation de ces Journées de l’aérocombat !
Droits : Armée de Terre 2022