Lorsque, le 2 août 1990, Saddam Hussein envahit le Koweit, la réaction de la communauté internationale est immédiate : le même jour la résolution 660 du Conseil de sécurité des Nations Unies « exige que l’Irak retire immédiatement et inconditionnellement toutes ses forces ». Pas moins de neuf autres résolutions sont adoptées entre le 6 août et le 29 novembre, marquant un durcissement progressif à l’égard de l’agresseur (en particulier dans le domaine de l’embargo). La dernière « autorise les États membres qui coopèrent avec le gouvernement koweïtien, si au 15 janvier 1991 l’Iraq n’a pas pleinement appliqué les résolutions susmentionnées..., à user de tous les moyens nécessaires pour faire appliquer la résolution 660 ». Dès lors, le compte à rebours est lancé.
La France, qui participe aux mesures politiques, diplomatiques et économiques depuis le début, s’associe aussitôt à la création, autour des États-Unis (qui ont lancé dès l’été une grande opération défensive – Desert Shield – en Arabie saoudite), d’une force multinationale, qui atteint, en janvier 1991, 700 000 hommes, dont 540 000 Américains. Pour renforcer les premiers éléments détachés dans la région (moyens navals, aériens et hélicoptères en particulier déployés à partir du 10 août, et un escadron du 1er régiment de hussards parachutistes aux Émirats Arabes Unis), Paris met progressivement sur pied à partir du mois de septembre 1990 une division légère blindée, d’abord sur la base de la 6e DLB de Nîmes, puis par prélèvements sur de nombreuses autres unités de la Force d’Action Rapide (FAR) comme du corps de bataille centre Europe. Au total, dans le seul domaine des effectifs, plus de trente régiments différents participent à la constitution de la force projetée.
À l’ouest du dispositif allié, les Français (environ 12 000 hommes) sont aux ordres du XVIIIe corps américain, mais ils ont eux-mêmes le commandement opérationnel d’une brigade parachutiste et d’une brigade d’artillerie américaines (4 300 hommes). Pendant de longues semaines d’attente, les journées sont en grande partie consacrées à parfaire l’instruction, en particulier dans le domaine NBC (nucléaire, bactériologique et chimique) puisque plane la menace d’une attaque chimique que l’on ne peut minorer.
Les opérations aériennes commencent le 17 janvier 1991. Le 24 février, les troupes terrestres passent la frontière saoudienne. Sur l’aile gauche du dispositif allié, les Français sont organisés en deux groupements : à l’ouest, le 1er Spahis, le 1er REC et le 2e REI ; à l’est le 4e Dragons et le 3e RIMa, avec pour mission générale de remonter vers As Salman et l’Euphrate. En à peine plus de deux jours, tous les objectifs fixés sont dépassés, les modes d’action étant ceux élaborés pour la FAR qui allient puissance et vitesse. As Salman et son aéroport sont capturés et la 45e division irakienne est rayée de l’ordre de bataille (des milliers de prisonniers, une cinquantaine de blindés détruits). Après quatre jours d’offensive, l’opération cesse : les Français sont alors ceux qui ont pénétré le plus vite et le plus loin en territoire irakien.
Au cours des semaines et des mois qui suivent, les forces françaises participent notamment à la dépollution des plages minées de Koweit-City. Au fur et à mesure de leur retour dans l’hexagone, les régiments sont très chaleureusement accueillis dans leurs garnisons respectives : de ce point de vue également, Daguet correspond à un changement d’image des armées dans la population. Au bilan, la projection de quelques 12 000 hommes et de leurs matériels (en particulier plus de 130 hélicoptères et 500 véhicules blindés de différents types) à 7 000 km de la métropole a certes été possible, mais au prix de nombreuses difficultés qu’il a fallu résoudre en conduite (recomplètement des unités avec du personnel venant de toute l’armée de Terre, nécessité de prélever des équipements dans de nombreux régiments différents, etc.). Daguet marque ainsi le début d’un nouveau processus d’adaptation de l’outil militaire français avec des réorganisations successives dans différents domaines (la création du commandement des opérations spéciales − COS− date de 1992).
L’armée de Terre déploie les premiers drones avec le système M.A.R.T (Mini avion de reconnaissance télépiloté) nés du programme « Scorpion » (illuminateur laser afin de guider des munitions vers leurs objectifs) de 1979. Ceux-ci réalisent des missions d’acquisition de renseignement et de guidage de tirs d’artillerie. Il ouvre la voie au développement du CL-289, du Brevel et du Crécerelle. Cet engagement pose également la question de la délicate mise en place d’un soutien logistique satisfaisant et finalement de la pérennité du service national. À ces différents titres, l’opération a joué le rôle d’un accélérateur, aussi bien dans la prise de conscience collective des besoins des armées que dans les évolutions doctrinales de la fin du XXe siècle. Enfin, parallèle à l’implosion de l’Union soviétique et du Pacte de Varsovie, elle marque symboliquement une nouvelle forme d’engagements extérieurs qui, dès lors, vont se multiplier tout au long des années 1990 et 2000.
Article paru dans Soldat de France - Juin 2021 - LCL(r) PORTE
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