Si la conquête de l’espace a débuté le 4 octobre 1957 avec le satellite soviétique Spoutnik 1, la France n’est pas restée à l’écart de cette aventure. Du premier satellite français nommé « Astérix », lancé le 26 novembre 1965 à partir d’une fusée Diamant, jusqu’au lancement de Hélios 2B prévu le 9 décembre 2009, en passant par son rôle moteur dans le programme Ariane (dont on fêtera le 24 décembre prochain le 30e anniversaire du 1er lancement) elle a su rester parmi les nations « spatiales » de premier plan, dans le contexte d’un accès élargi à de plus en plus de pays, comme l’explique Jacques Villain, historien de la conquête spatiale.
La France, avec la publication d’un nouveau « Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale », a défini sa nouvelle stratégie. Cette dernière inclut une cinquième grande fonction intitulée « Connaissance et anticipation » et souligne tout l’intérêt, pour les armées, d’un effort « sur l’espace, facteur déterminant de l’autonomie stratégique » (p. 135).
« Pourquoi une nouvelle fonction stratégique ? »
La loi de programmation militaire 2009-2014 consacre, cette année et dans les cinq prochaines, plus de 100 milliards d’euros pour les équipements. Dans cet ensemble, l’effort dans le spatial est l’une de ses priorités : le budget annuel qui lui est dédié est doublé. Conséquence directe du Livre Blanc, un Commandement interarmées de l’espace est créé et sera, dès 2010, placé sous l’autorité du chef d’état-major des armées (CEMA).
« Le commandement interarmées de l’espace » ,
L’enjeu est en effet « l’autonomie » de la France en matière de renseignement militaire, comme le rappelle le chef d’état-major des armées, le général Jean-Louis Georgelin.
« Le renseignement d’intérêt militaire contribue à notre autonomie »
« Les moyens basés dans l’espace, affranchis des contraintes qui pèsent sur les survols aériens, permettent de couvrir un large éventail de besoins, depuis la veille stratégique jusqu’à la planification et la conduite des opérations », souligne le Livre Blanc (p. 135). Les militaires français présents sur de nombreux théâtres d’opérations, comme en Afghanistan, utilisent les données satellites dans leur travail quotidien.
Vidéo : « Le renseignement spatial militaire »
Mais c’est à Creil, siège de la Direction du renseignement militaire (DRM), que sont d’abord transmises et traitées les images provenant des satellites français.
« Le pôle renseignement militaire de Creil, centre du monde »
Toutefois, la France n’opère pas seule. Avec ses partenaires européens, elle « développe un certain nombre de programmes » qui permettront « d’avoir à la fois du renseignement image et radar », explique le ministre de la Défense, Hervé Morin. Déjà en 2003, la Commission européenne avait publié un livre blanc pour promouvoir la mise en œuvre d’une réelle politique spatiale entre pays membres.
« L’Europe veut mutualiser ses moyens » (PDF)
En juillet 2008, la présidence française de l’Union européenne a défini comme prioritaire le développement des capacités européennes du renseignement militaire spatial.
Vidéo : « L’observation spatiale militaire : le Centre satellitaire de l’Union Européenne (CSUE) »
Une décision qui se décline concrètement en programmes. En France, ceux-ci sont conduits par la DGA.
« DGA, architecte de l’espace pour la Défense » (PDF)
Ces programmes sont le support de la coopération. Hélios 2 par exemple (qui comprend deux satellites A et B) fournit à la France des images de haute et très haute résolution (notamment en infrarouge). Ces renseignements sont complétés grâce à une coopération avec l’Allemagne et son satellite radar militaire SAR-Lupe, et l’Italie par le biais de Cosmo-Skymed, un satellite radar dual, c’est-à-dire destiné aux domaines civil et militaire. Hélios 2 a été financé par la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Belgique et la France.
« Hélios, des yeux pour le renseignement en Europe » (PDF)
Le 9 décembre, Hélios 2B sera lancé de Kourou, en Guyane, pour travailler de concert avec son jumeau Hélios 2A. Il permettra aux militaires français de doubler leur capacité en images destinées au renseignement.
En 2010, Pléïades, un système dual de satellite d’observation complétera le dispositif.
« Pléiades, deux satellites pour les yeux d’Orphée »
Mais ces six pays, à travers la signature d’une lettre d’intention commune, préparent déjà la prochaine génération de capteurs spatiaux. MUSIS (pour MUltinational Space based Imaging System) succèdera ainsi aux systèmes Hélios 2, Cosmo-Skyned et SAR-Lupe à partir de 2015. Un pas lui aussi accompli durant la présidence française de l’Union européenne.
« MUSIS : la surveillance depuis l’espace »
J.Fouineau
Sources : Ministère des Armées