Accueil | Portail | Articles - Archives | Dans le golfe d'Aden, l'Aconit au secours de naufragés Portail ... Articles - Archives | Dans le golfe d'Aden, l'Aconit au secours de naufragés

Dans le golfe d'Aden, l'Aconit au secours de naufragés

Mise à jour  : 28/06/2010 - Direction : DICoD

Mercredi 1er juillet la frégate Aconit de la Marine nationale, qui patrouille dans le golfe d'Aden dans le cadre de la mission Atalante, a porté secours à l'équipage d'un boutre indien le « Al Tarek » avant que ce denier ne coule avec sa cargaison. Les 13 membres d'équipages ont été remis aux autorités yéménites le 2 juillet dans l'après-midi.

Mercredi 1er juillet 2009, 5 h. En patrouille dans le golfe d'Aden la frégate Aconit de la Marine nationale reçoit un appel de détresse d'un petit bateau de transport le « Al Tarek ». Ce boutre qui bat pavillon indien transporte 2 300 chèvres entre Bossasso (nord de la Somalie) et Mukallah (Yémen). Il est à plus de 60 nautiques des côtes et ses réservoirs sont quasiment à sec. Des creux de 2 mètres auxquels s'ajoutent des vents de 50 km/h font paniquer son équipage de 7 marins indiens, 5 somaliens et 1 yéménite.

« Moins de trente minutes après avoir reçu l'appel nous avons lancé une opération de search and rescue [recherche et sauvetage], explique le Capitaine de vaisseau Guillaume Goutay. Cette situation est dangereuse pour un boutre et surtout son équipage car l'arrêt des moteurs entraîne l'arrêt des pompes de cales qui n'évacuent plus l'eau. Ce bateau va dériver et aussi lentement s'enfoncer dans l'eau jusqu'à couler ».

Première phase de l'opération : l'Aconit rejoint la zone où navigue le « Al Tarek ». A 7h30 l'hélicoptère Panther piloté par les lieutenants de vaisseau Emmanuel Berton et Michael Joly vont hélitreuiller sur le boutre trois membres d'équipage qui vont aider les marins somaliens et indiens en détresse. Sont présents le Maître William Hubert, plongeur et chef de l'équipe technique de l'hélicoptère et les Second-Maître Wassim Lamouchi et Alexandre Destefanis respectivement traducteur (langue arabe) et mécanicien.

L'équipe d'inspection confirme la panne sèche du « Al Tarek » et préconise un ravitaillement en gasoil. En passerelle le capitaine de vaisseau Goutay décide de la suite des opérations. « J'ai le choix entre plusieurs modes d'action, détaille-t-il. Je peux ravitailler le boutre en utilisant l'hélicoptère, en utilisant l'embarcation drome opérationnel (EDO) ou encore en tendant une aussière entre lui et la frégate. Je choisis toujours celle qui est le moins risquée pour mes hommes. Et dans ce cas précis c'est l'hélicoptère le plus sûr ! ».

Malheureusement le Panther est indisponible suite à des avaries techniques mineures que les mécaniciens de la flottille 36 F de Hyères s'appliquent à réparer.

A 9h25 c'est donc l'option : aussière entre les deux bords qui est mise en oeuvre. « Nous avons du avorter cette tentative car les conditions de mer ne nous permettaient pas d'assurer le transfert des bidons d'essence », commente le commandant.

Finalement un peu avant 11h l'hélicoptère est de nouveau opérationnel et peut assurer le ravitaillement. Pas moins de 5 allers-retours seront nécessaires pour transborder les 700 litres de gasoil et récupérer les membres d'équipages.

A 13 h le boutre reprend sa route direction plein nord vers Mukkalah. Cependant à 13h57 nouvel appel du Al Tarek. Il ne s'est éloigné que de 5 nautiques (une dizaine de kilomètres) et prend l'eau par l'arrière. Les pompes ne suffisent pas à l'évacuer. A 15h07 le Panther décolle avec à son bord une équipe d'intervention composée du Maître principal André Dap, chargé de la prévention et de la sécurité sur l'Aconit, le Maître William Hubert, le Second-Maître Alexandre Destefanis et le capitaine de corvette Sébastien Goinere, le chef machine de la frégate. Le bilan est lourd : une des pompes du cargo indien est hors service et l'eau monte rapidement. « L'équipage était résigné à abandonner le navire, témoigne le Maître Hubert. Ils avaient rassemblé leurs affaires personnelles et étaient assez agités. Nous les avons calmé et avons diagnostiqué la situation. Si l'Aconit nous livrait une pompe supplémentaire nous pourrions évacuer le trop plein d'eau et permettre au boutre de continuer sa route ».

Le commandant Goutay décide donc de leur envoyer une pompe Godiva qui avec son débit de 20m3 par heure écopera le trop plein d'eau. L'hélicoptère charge la pompe et s'envole à 16h41. Moins de dix minutes plus tard la godiva est sur le boutre. Comble de malchance pour le navire indien la pompe est arrivée trop tard et l'eau a noyé le moteur. L'avis technique du commandant Goinere est sans appel : « nous ne pourrons pas faire redémarrer le « Al Tarek ». Il faut évacuer ! ».

« A 18h41 j'ai donné l'ordre d'évacuation. Le Panther qui était en alerte a immédiatement décollé », explique le capitaine de vaisseau Goutay. Après quatre navettes les militaires et marins étrangers ont rejoint l'Aconit tous sains et saufs. « Le treuillage a été une opération difficile du fait de mauvaises conditions météorologiques : vent fort, mer formée qui empêche de se concentrer sur des bons repères visuels, détaille le capitaine Michael Joly. Mais toute l'opération s'est faite sans heurts, les marins étaient calmes. Nous sommes fiers de leur avoir prêtés assistance ». A 18h52 le Panther appontait pour la dernière fois de la journée.

Le marin yéménite, les somaliens et indiens sont pris en charge par l'équipage. Après une douche, une visite médicale et un recensement ils ont pris leur quartier dans le hangar aviation. Soulagés que leur mésaventure se termine sur l'Aconit ces hommes dont le plus âgé a 70 ans n'en sont pas moins tristes d'avoir perdu les 2 300 chèvres d'une valeur de 20 à 25 dollars la tête. Ce qui est une fortune pour ces hommes qui ne gagnent que 150 euros par mois.

Alors qu'ils savourent le calme à bord de la frégate française leur bateau sombre. A 19h52 le commandant officialise pour l'ensemble du bord que l'« Al Tarek » a coulé et qu'il flotte entre deux eaux ce qui le rend très dangereux pour les autres navires. Cette menace est définitivement écartée après un vol de reconnaissance du Panther sur zone le jeudi 2 juillet en début de matinée.

Ce 2 juillet à 12h10 le commandant Goutay reçoit un message des autorités yéménites pour dire qu'elles vont accueillir les 13 rescapés du naufrage. A 15 h l'Aconit arrive à Mukallah. Les marins étrangers regagnent alors terre en EDO. La mission est terminée. L'Aconit reprend sa patrouille dans le golfe d'Aden.

Arnaud Hunter - Rousselle


Sources : Ministère des Armées