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Florence Parly s’exprime devant les sénateurs de la commission de la Défense nationale et des forces armées

Mise à jour  : 26/04/2020 - Direction : DICoD

Retrouvez le propos liminaire de la ministre des Armées lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées du Sénat, vendredi 10 avril, avec la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq.

 

« Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les Sénateurs,

Avant de commencer, Geneviève Darrieussecq et moi-même voulions vous adresser à tous mes vœux de santé, pour vous et pour vos proches. Je sais que la maladie est entrée dans votre quotidien d’élu et je vous adresse tout mon soutien.

Nous vivons tous des moments extrêmement difficiles. Nous ne savons pas encore à quel moment nous pourrons considérer cette crise derrière nous, mais nous savons que le chemin est encore long. Dans ce climat particulier, il est essentiel que les Français soient informés et tenus au courant de nos actions. Alors, je crois que cette séance y contribuera, je vous remercie de l’avoir organisée et d’être aussi nombreux aujourd’hui.

Cette crise nous plonge dans l’inconnu. Mais pour les armées, l’inconnu, ce n’est pas l’inattendu. L’inconnu, c’est le quotidien du militaire: il est formé pour parer l’imprévisible. Cette capacité d’adaptation, elle est essentielle en opération. Et elle est particulièrement utile dans notre lutte contre le Covid-19.

C’est pourquoi le 25 mars dernier, le Président de la République a lancé une opération dédiée, l’opération Résilience pour apporter de la cohérence, pour apporter de la coordination et du commandement à l’ensemble de nos missions. Cette opération s’articule autour de trois piliers essentiels :

  • tout d’abord le soutien médical et sanitaire, qui représente les deux- tiers des missions de l’opération Résilience : c’est la mobilisation des hôpitaux d’instruction des armées, c’est l’hôpital de campagne déployé à Mulhouse ou encore les nombreuses évacuations médicalisées qui ont été réalisées par avion Morphée, hélicoptères ou porte-hélicoptères.
  • deuxièmement, le soutien logistique : des renforts pour les hôpitaux, du transport de matériel médical ou tout simplement des distributions de colis alimentaires dans les quartiers défavorisés, comme c’est le cas à Mayotte.
  • et enfin les missions de surveillance et de protection, que ce soit des biens – par exemple des entrepôts contenant du matériel de soin – ou de personnes, lorsqu’il s’agit de protéger l’arrivée des deux TGV médicalisés qui ont récemment déplacé des patients sur le territoire national.

En guise de premier bilan, je vous donnerai quelques chiffres. Aujourd’hui, Résilience c’est :

  • 139 patients et 130 soignants déplacés sur le territoire et vers l’étranger pour soulager les hôpitaux les plus éprouvés ;
  • 6 125 personnes accueillies au titre du Covid-19 dans les hôpitaux d’instruction des armées. Aujourd’hui, 297 patients Covid-19 sont actuellement hospitalisés dans un hôpital militaire, dont 121 en réanimation ;
  • 1 hôpital de campagne construit de toutes pièces en une semaine qui a accueilli au total 40 patients en réanimation à Mulhouse ;
  • 2 porte-hélicoptères qui viendront en aide à nos outre-mer, le Mistral à Mayotte et à la Réunion, le Dixmude aux Antilles – en plus de celui qui a permis l’évacuation de nos concitoyens de la Corse vers Marseille ;
  • des militaires mobilisés au plus près des territoires partout où cela est nécessaire pour venir au soutien des Français.

Je voudrais également insister sur l’action de la Direction Générale de l’Armement, qui est peut-être moins visible mais tout aussi importante, et qui met son expertise technique et sa capacité d’innovation au service de la lutte contre le Coronavirus. Depuis la mi- mars, l’établissement de Vert-le-Petit, spécialisé dans le NRBC, s’est mobilisé pour définir un cahier des charges de masques à usages non médicaux, puis dans un second temps, pour tester les produits proposés par les industriels. A ce jour, ce sont près de 400 équipements ou matériaux qui ont été testés dans ce laboratoire de la DGA. La DGA a donc eu un rôle majeur dans l’émergence d’une offre de masques à usages non médicaux, dont vous savez tous l’importance dans la situation actuelle.

La DGA a également à travers l’Agence de l’innovation de défense apporté son soutien financier à plusieurs PME proposant des tests de diagnostic virologique ou sérologique – on y reviendra peut- être dans le cadre des questions.

L’opération Résilience s’inscrit en plus de nos autres opérations dont nous assurons la continuité. Alors : est-ce que le Covid-19 change nos plans et nos prévisions ? Oui, parfois. Est-ce qu’il nous dévie de nos objectifs et nos missions ? Non.

Le Covid-19 ne met pas à mal les combats que nous menons pour les Français. De la même façon que le Covid-19 ne fait pas disparaitre les menaces qui pèsent sur la France.

La lutte contre le terrorisme est et reste une priorité, à l’intérieur, comme à l’extérieur : c’est pourquoi l’opération Résilience est bien distincte de l’opération Sentinelle, qui continue de se concentrer sur sa mission de lutte contre le terrorisme. C’est pourquoi, également, nous continuons de maintenir notre engagement au Sahel et au Levant.

Au Sahel, vous le savez, la France a un rôle de leader : nous avons réussi à fédérer nos partenaires, puisque nous avons lancé officiellement la Task Force Takuba le 27 mars dernier et malgré l’épidémie, la coalition pour le Sahel est sur de bons rails. J’ajoute que nos alliés européens sont bien restés présents, à nos côtés.

A ce stade, personne ne sait encore dire comment le continent africain encaissera l'épidémie. Nous allons peut-être devoir nous devrons faire évoluer nos modes d’actions pour soutenir les pays africains dans la lutte contre le Covid-19. Mais nous maintiendrons la pression sur les terroristes et nous continuerons à accompagner nos partenaires au combat.

Pour ce qui est des relèves puisque vous avez mentionné ce point Monsieur le Président, les unités ont été relevées en février, juste avant que la crise ne touche la France. Le mandat actuel pourrait être – je dirais bien « pourrait être » – prolongé d’un ou deux mois si la crise sanitaire se poursuivait jusqu’à l’été. Pour ce qui est du poste de commandement de la force Barkhane, la relève est intervenue plus récemment, elle a donc été adaptée avec des mises en quatorzaine au départ.

La santé de nos militaires est aujourd’hui, comme hier, ma priorité. La stratégie sanitaire est simple : prendre en charge rapidement tout militaire déployé pour le protéger et éviter une contamination de masse. Nous avons rapatrié plusieurs militaires la semaine dernière et le Charles-de-Gaulle qui devait achever sa mission le 24 avril rentrera à Toulon d’ici quelques jours, de façon anticipée.

Au Levant, les forces irakiennes ont suspendu leurs activités – vous savez que nous y avons des activités de formation – et donc, nous avons rapatrié l’ensemble de nos formateurs. Cette suspension est temporaire. En aucun cas nous n’abandonnons notre objectif, qui est de défaire durablement Daech au Levant ; nous disposons toujours de capacités de surveillance et de frappe de Daech, partout où il se terre. La base H5 située en Jordanie, qui est une base aérienne, est toujours opérationnelle, et les avions de l’armée de l’air volent tous les jours.

Dans le Golfe, l’épidémie a affecté certaines relèves qui ont dues être repoussées, non pas parce que nos forces y étaient contaminées, mais parce que les frontières ont été fermée : c’est notamment le cas de la Task Force Jaguar que nous avons déployée en Arabie Saoudite à la suite des attaques subies en septembre de l’année dernière. En mer, la mission Agénor, de surveillance maritime dans le détroit d’Ormuz se poursuit avec notre partenaire néerlandais.

Enfin, dans le Golfe de Guinée, l'opération Corymbe, dont l’objectif est de contribuer à la sécurité maritime, a été suspendue en raison de la fermeture des ports de la région. Nous sommes en ce moment même en train de discuter avec un pays de la région pour obtenir l’autorisation d’organiser des escales techniques, ce qui nous permettrait de relancer l’opération.

Les autres opérations, et la préparation opérationnelle qui les précède, se poursuivent au prix d'adaptations temporaires, avec notamment des quatorzaines systématiques avant le départ en mission.

Enfin, nos armées poursuivent sans relâche leurs missions permanentes de protection des Français, qu’il s’agisse de la dissuasion nucléaire, de la défense de nos espaces aériens et maritimes, de la lutte contre la menace cyber, ou encore de Sentinelle.

Je voudrais également vous dire un mot, bien sûr, de l’Europe. Alors que nous sommes tous, et tous en même temps, éprouvés par cette crise Covid-19, la solidarité européenne s’est exprimée à de nombreuses reprises et je voudrais le souligner, car c’est peu dit : je pense notamment à la solidarité exprimée par l’Allemagne, au Luxembourg, à l’Autriche et à la Suisse, qui ont accueilli dans leurs hôpitaux des patients français.

J’échange très régulièrement avec l’ensemble de mes homologues : lundi dernier, nous avions une réunion informelle des ministres de la défense, quelques semaines auparavant, fin mars, je m’étais entretenue avec les membres de l’Initiative européenne d’intervention, réunion au cours de laquelle nous avons envisagé une coopération européenne dans les Antilles, avec les Pays-Bas et le Royaume-Uni - puisque nos trois pays acheminent des moyens dans la régions - qui se traduit par la mise sur pied d’une cellule de coordination tripartite à Fort de France.

Nous savons que l’Europe est capable de créer des projets concrets pour défendre ses intérêts. C’est dans cet esprit que, avec mon homologue allemande, nous avons adressé un courrier au haut représentant Josep Borrell pour lui dire notre détermination à faire de cette crise une opportunité pour renforcer la solidarité européenne.

Plus généralement, il me semble qu’il faut faire l’effort de nous projeter : quelles valeurs voudrons-nous avoir défendu tout au long de cette crise ? Le repli sur soi ou la coopération ? L’oubli de nos partenaires ou la solidarité européenne ?

Ces questions, nous en connaissons les réponses. Alors soyons à la hauteur. Car notre solidarité européenne apparaît peu à peu, mais de plus en plus, comme un rempart nécessaire, en particulier face aux influences de puissances extérieures, prêtes à instrumentaliser la crise sanitaire actuelle pour renforcer leur emprise non seulement dans notre voisinage, mais également sur les pays européens eux-mêmes.

L’Union européenne devra donc jouer un rôle important pour nous aider à sortir de la crise, et progresser vers une Europe plus résiliente, et plus souveraine.

Un mot également, de la continuité de l’activité de l’industrie de défense. Elle est essentielle à nos opérations, et lorsqu’elle peut continuer, elle doit continuer. Naturellement, elle doit continuer dans le respect des consignes sanitaires du gouvernement. Compte tenu de la période et de la récession économique qui s’annonce, le ministère, premier investisseur de l’Etat, sera évidemment un acteur clé, et nous aurons une responsabilité particulière à cet égard.

Enfin, et pour tenter de répondre à une question que vous avez déjà exprimée, je voudrais terminer sur la question du nombre de cas de Covid-19 au sein du ministère :

Le recensement des cas est une question, qui n’est pas tout à fait simple. D’abord, en raison du caractère évolutif de l’épidémie et, comme vous le savez, en raison d’un nombre important de cas asymptomatiques ou peu symptomatiques. Le ministère ne fait pas exception au reste du pays, tous les malades potentiels ou bien leurs cas contacts ne sont pas testés, pas plus qu’ils ne le sont dans le reste de la population. Enfin, les agents du ministère sont pris en charge par le Service de santé des armées, mais aussi par le service de santé public en général : un militaire qui a des symptômes peut tout à fait consulter un médecin généraliste du monde civil. Dans tous les cas, le secret médical doit être préservé. Nous mettons en œuvre, dans les limites de ces incertitudes, les méthodes les plus rigoureuses pour assurer le suivi du nombre de cas au sein de ministère.

Je saisis donc l’opportunité de notre échange pour vous donner quelques éléments.

Nous distinguons, 3 catégories différentes de chiffres :

  • les cas confirmés, c’est-à-dire les personnes qui ont été testées positives au Covid-19, suivis de près par le Service de santé des armées qui assure un suivi épidémiologique au sein du ministère ;
  • les cas déclarés : le commandement recense les personnels qui se sont déclarés comme étant malades ou absents de leurs postes et dont nous savons que la cause de l’absence est liée au virus. Ce n’est pas une information dont nous disposons à 100%. Autant les cas confirmés, nous avons une certitude, autant dans cette catégorie, la précision de l’information est moindre ;
  •  et enfin les cas probables et les cas possibles : ceux qui ont été en contact avec des personnes infectées ou ceux qui présentent des symptômes, sans pour autant avoir été testés positivement, en tous cas, à ce stade.

Ce que je peux donc vous dire, à la date d’hier soir, c’est que nous avons, au ministère des Armées, 369 cas confirmés de Covid-19, 867 cas déclarés et enfin, nous estimons à 3 800 le nombre de cas probables et possibles.

J’ai chargé le Service de santé des armées de présenter ces chiffres dans un très grand détail dans les prochains jours, afin que chacun, parlementaire, citoyen, puisse connaître en toute transparence, la situation sanitaire de nos armées, directions et services, encore une fois en tenant compte des limites qui sont nombreuses et inhérentes à la situation actuelle.

Voilà ce que je pouvais vous dire aujourd’hui, je vous remercie de votre attention et Geneviève Darrieussecq et moi-même nous tenons prêtes à répondre à vos questions. »

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Sources : Ministère des Armées