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Thon rouge et communauté européenne

Mise à jour  : 28/06/2010 - Direction : SIRPA Marine

Sac à bord de la Vedette Côtière de Surveillance Maritime (VCSM) P620 SEVRE (1) pour une marée de cinq jours. Une énumération non exhaustive de nos lieux d'intervention comme Belle île, Noirmoutier, le golfe du Morbihan mais aussi la Trinité sur Mer sans oublier Le Croisic, la Turballe laisserait penser à une croisière touristique.

Théorie des missions et réalités du terrain

Ce serait oublier les missions maritimes de la gendarmerie ainsi prosaiquement définies: «surveillance de l'exécution des arrêtés des préfets maritimes et de l'application des conventions internationales, maintien et rétablissement de l'ordre avec l'exercice des pouvoirs de police judiciaire, défense et sûreté des approches maritimes, missions comme le sauvetage et l'assistance au titre de la coordination des actions de l'état en mer».

La réalité de cette période de réserve a été un panachage entre clichés de cartes postales (Houat et Hoédic), colère des marins pêcheurs face au prix du gazole et aux plans de pêche (quotas), constats de braconnage (araignées), interventions sur requêtes.

Quinze minutes après avoir quitté notre base de Pornichet (44), l'adjudant LAHEURTE, sur ordre du Cross d'Etel, prend le cap de Pénerf (56) pour repêcher un noyé. Présent lors de cette opération, je soulignerai uniquement l'attention, l'écoute et le respect portés par l'équipage aux proches de ce marin pêcheur. L'enquête judiciaire ne se limite pas à un simple rapport et au transport du corps dans un sac mortuaire noir à flanc de zodiac !!!

Les heures suivantes ont été moins éprouvantes mais aussi intenses, mouvements sociaux des pêcheurs obligeant.

Le thon rouge : attente locale et exigences européennes

La Turballe, cinquième port de pêche français toutes espèces confondues, a le privilège d'être un des ports autorisé par un arrêté du 17 juillet 2007 pour le débarquement et le transbordement du thon rouge. 60 chalutiers, du pélagique de 26 mètres au petit traditionnel côtier approvisionnent la criée: merlans, soles, seiches, dorades, lottes, maquereaux, sardines, bars… et les thons rouges!!!

Sujet délicat que ces «thunnus thynnus» dont la diminution du stock halieutique a motivé le 28 avril 2008 la publication de la circulaire DPMA/SDPM/C2008-9611 (14 annexes). Son objet bien explicite s'intitule «mise en oeuvre et contrôle des dispositions communautaires relatives à la pêche du thon rouge en Atlantique et Méditerranée». En effet, cette campagne 2008 de contrôle des pêches du thon rouge se déroule dans le cadre du nouveau règlement communautaire. Elle est marquée par un quota national, un contrôle renforcé au débarquement, l'organisation d'un dispositif de surveillance coordonné entre États membres concernés. Si la mise en oeuvre du plan de déploiement est commune, les moyens de contrôle participants demeurent sous contrôle opérationnel national.

Le contrôle des pêches, un ensemble riche en procédures

C'est à cette ultime étape, appelée poétiquement POLPEC (POLice des PEChes) qu'intervient la SEVRE. Comme ses 23 autres sisterships qui appartiennent elles aussi à la Marine nationale, cette vedette est armée par un équipage de huit Gendarmes Maritimes. Ce récent programme de 27 millions d'euros a été financé en partie par la Commission Européenne en raison de leur participation aux missions de police des pêches.

Au mouillage, la lecture attentive des 68 pages de la circulaire 2008 est une «détente» obligée des Marins du bord qui sont aussi Gendarmes!!! Afin de ne pas dépasser les 5.307 tonnes allouées à notre pays, une fiche de compte rendu de contrôle en mer liste les nombreux points de vérification comme l'inscription sur le registre CICTA (2) (www.iccat.int), la présence d'une balise VMS (obligatoire sur les navires de plus de 15 mètres hors tout pour vérifier leur position), le maillage des engins de pêche, la taille et le poids des prises, le permis de pêche spécial, la tenue du rapport de captures, le journal de bord des Communautés européennes, le préavis de débarquement… Un vademecum de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture à destination des professionnels détaille leurs obligations !!! Bien entendu, des procédures aussi complètes listent les contrôles à terre et les sanctions possibles.

Le 22 mai était publié dans le Journal officiel de l'Union européenne, un court règlement diminuant de 8% le quota 2008 pour la France suite à notre «sur-pêche» en 2007 et ce au profit de pays méditerranéens.

Du merlu mais pas de thon !!!

Fort de toutes ces intéressantes lectures menées la nuit lors de mon quart de mouillage, j'ai accompagné mes «collègues» pour des contrôles en mer.
Un petit déjeuner copieux, une mer calme et dégagée, un soleil printanier, quelques «petits pêchoux» au travail, les conditions météorologiques étaient parfaites ce matin. Une préparation minutieuse avait permis de bien identifier plusieurs «cibles» et de connaître avec l'aide du CROSS leur pedigree. Avec l'uniforme du gendarme en mer, armement (pistolet HK) non inclus pour moi mais remplacé par un sifflet de fonction, nous embarquons à 3 sur la drome (zodiac) de la SEVRE arborant la flamme «contrôle des pêches».
En nous présentant avant de monter à bord, le sourire affiché par le patron pêcheur confirme que notre présence sur zone était déjà connue. Sans tomber dans une familiarité déplacée, le rusé marin nous accueille en se lamentant sur le poisson qui se vend mal, les distributeurs exploiteurs, les énarques européens, le prix du gazole, les chalutiers industriels des pays du nord sans foi ni loi et les quotas infondés. Attitude ferme, réservée et courtoise de mes «collègues».

A son bord, nous trouvons du HKE (merlu), du MAC (maquereau) mais pas de BFT (thon rouge). Le chalut étant remonté, un contrôle du maillage est réalisé avec une jauge CE, un des nombreux outils qui lestent le sac «police des pêches». Aucune infraction constatée, ce qui n'empêche pas la rédaction de la fiche de compte-rendu contresignée par le responsable du chalutier.

De l'araignée et des PV

Un zodiac au mouillage attire l'oeil exercé du chef de quart. Pas de bouée informant de la présence de plongeurs mais un plancher totalement couvert d'araignées fraîchement pêchées!!! Deux apnéistes surpris par notre comité d'accueil essayent de nous convaincre qu'ils ne connaissaient pas leur quota autorisé. Peine perdue, les bestioles retrouvent leur élément naturel et les pêcheurs amateurs repartent avec un constat d'infraction nécessaire à toute enquête préliminaire.

Joshua et Boutakoff : rencontre avec des icônes

Les plaisanciers étant rares en semaine et à cette saison, nous alternons contrôles pédagogiques dont le mythique JOSHUA (3) de MOITESSIER (4) et entraînement du bord. Au programme le traditionnel homme à la mer avec sa non moins fameuse méthode de l'amiral BOUTAKOFF (5) et l'avarie de barre. Ce dernier exercice nécessite de sortir du peak arrière une grande barre franche en aluminium, exploit réalisable par petit temps mais que je ne tenterai pas dans d'autres conditions.

Le retour est consacré à un début de rédaction des compte-rendus destinés aussi bien aux autorités «gendarmeries» que «marines».

Riche de souvenirs, je quitte l'équipage pour des aventures professionnelles moins exotiques !!!

Le 24 mai 2008

François DIDIERJEAN (CF de réserve)

PS : 16 juin 2008, la Commission européenne ferme de manière anticipée la pêche du thon rouge à la senne en Méditerranée du fait du risque de dépassement des quotas. La date originellement prévue était celle du 30 du même mois.

Notes

  1. La SEVRE, longueur de 20 mètres, largeur de 5,29 mètres, tirant d'eau de 1,50 mètre, deux moteurs diésel d'une puissance unitaire de 1.000 chevaux, vitesse supérieure à 25 noeuds.

  2. CICTA : Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique. Le registre CICTA liste les navires autorisés à pêcher le thon rouge.

  3. JOSHUA, ketch en acier de 12 mètres construit en 1961. Il a été ainsi baptisé par Bernard MOITESSIER en hommage à Joshua SLOCUM, premier homme à boucler le tour du monde en solitaire. Ce voilier est classé monument historique.

  4. Bernard MOITESSIER, navigateur français (1925-1994) appartient à la légende de la mer. En 1968, il participe à la première course autour du monde en solitaire et sans escale. Mais, alors qu'il est en tête, il renonce à couper la ligne d'arrivée, abandonne la course et entame, toujours sans escale, un nouveau tour du monde.

  5. Manoeuvre inventée par l'amiral BOUTAKOFF effectuée dans le cas d'un homme à la mer.


Sources : ©Marine nationale
Droits : Ministère des armées