La Marine nationale en Alsace, 136 ans d'histoire.
La présence de la "Royale" en eau douce sur le Rhin peut étonner. Pourtant, la Marine, à vocation côtière et hauturière, a navigué par le passé sur les plus grands fleuves. En effet, les évènements ont maintes fois nécessité de faire appel au savoir-faire des marins, qui ont toujours fait preuve d'une grande capacité à s'adapter à de nouvelles conditions de navigation.
La défense de Strasbourg en 1870
A la déclaration de guerre, le contre-amiral Exelmans, fils du Maréchal du premier Empire, a pour mission de créer une flottille sur le Rhin constituée de canonnières démontables dénommées "batteries flottantes" armées d'un canon de calibre 150 mm. Chaque canonnière et son équipage est transportée en train. La faible vitesse de ces bateaux, 7 noeuds à comparer au courant du fleuve qui atteint parfois 6 noeuds, et surtout la précipitation des évènements (bataille de Froeschwiller) conduisent l'Amiral à participer à la défense de Strasbourg à terre. Il se voit confier 3000 hommes peu aguerris. Le front nord et en particulier la presqu'île du Contades lui est attribué. Les 43 marins du premier train sont placés aux avant-postes dans la Lunette 56, sous les ordres du lieutenant de vaisseau Chopart. Leur combat ne prend fin qu'avec la reddition de Strasbourg. Leur ténacité et leur combativité sont unanimement reconnues, y compris par les Allemands.
1918, le pavillon français flotte de nouveau sur le Rhin
La Flottille du Rhin est constituée le 8 décembre 1918. Elle comprend 15 officiers et 352 marins placés sous les ordres du Capitaine de corvette Darlan (futur chef d'état-major de la Marine et Amiral de France). Ils arment 26 bateaux basés à Strasbourg, Ludwigshafen et Coblence.
La flottille reçoit la mission de participer aux opérations militaires éventuelles et au contrôle fixe et mobile du trafic commercial dans le cadre fixé par la Commission Interalliée de Navigation de Campagne. De plus, les difficultés de navigation nécessitent la création d'une école de pilotage. Les instructeurs proviennent de la fameuse école de pilotage de Saint-Servan, instituée en 1865 pour former les pilotes des contre-torpilleurs de la défense côtière.
A partir de 1923, l'occupation de la Ruhr par les troupes franco-belges conduit à augmenter les effectifs qui atteignent plus de 800 marins. La résistance passive des bateliers et des cheminots allemands laisse à l'abandon dans les ports des quantités considérables de vivres et de charbon destinées à la France. Alors, les marins arment les remorqueurs et les chalands, ils rétablissent progressivement le trafic sur le "Rhein-Herne-Kanal" - ce qui contribue au rétablissement de l'exploitation des mines de charbon de la Ruhr. Entre Saint-Goar et Bingen, les pilotes militaires français remplacent les pilotes allemands et assurent la traversée délicate du Gebirge. La station française de pilotage de Saint-Goar est créée ; elle forme également des pilotes civils. L'officier principal des équipages L'Hotellier gagne son surnom de "capitaine Lorelei". Ce navigateur hors pair a dressé les cartes du fleuve, il a rédigé un
Manuel du batelier du Rhin. Son successeur, Léon Merlin, complète l'oeuvre entreprise en rédigeant en 1930, en langues française et allemande, le
Guide du batelier du Rhin.
En juin 1930, la Rhénanie est évacuée, la flottille perd peu à peu de son importance, elle demeure présente à Strasbourg avec quelques vedettes.
1945, retour de la Marine nationale sur le Rhin
A partir du 3 avril 1945, les Forces Maritimes Françaises du Rhin ont pour attributions la surveillance, le contrôle et la police de la navigation. L'officier des équipages Léon Merlin est rappelé en activité pour former les pilotes de la deuxième génération. La Marine compte alors près de 500 marins sur le Rhin et ses affluents, armant une cinquantaine de bateaux divers. Leur domaine s'étend de Bâle à Lauterbourg. L'état-major est basé à Strasbourg, la flottille est installée à Bingen. L'école de pilotage reprend ses quartiers à Saint-Goar.
En 1949, les missions civiles de police et de contrôle de la navigation sont rendues aux autorités allemandes. Les Forces Maritimes du Rhin (FMR) assurent dorénavant et exclusivement des missions militaires au profit des troupes d'occupation, qui doivent être ravitaillées en cas de conflit et rupture des ponts. Le franchissement du Rhin par des chalands devient la mission majeure.
De 1952 à 1955, un programme d'aménagement de deux flottilles est réalisé. La flottille nord a pour port base Coblentz-Lutzel, elle dispose de 38 bateaux. La flottille sud demeure à Kehl, elle compte 42 bateaux. L'effectif des FMR atteint 312 marins français et 238 ouvriers, employés et mariniers allemands.
Les accords de Paris du 23 octobre 1954 donnent un nouveau statut aux forces alliées stationnées en Allemagne. La flottille nord est ainsi transférée en 1957 à la " Fluss pionier " de la Bundeswehr. La " Royale " entretient sa capacité à naviguer et à franchir le Rhin jusqu'en 1966, année où des choix budgétaires imposent la dissolution des FMR, les responsabilités et les moyens correspondants sont alors confiés au 32ème régiment du Génie (armée de Terre).
Aujourd'hui
L'ancien bâtiment école des FMR, l' Amiral Exelmans, montre toujours le pavillon sur le Rhin. Son équipage appartient au 1er régiment du Génie ; il est commandé par l'adjudant-chef Mohr.
CF François Reynaert
Sources : Marine nationale
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