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Interview du capitaine de vaisseau Guillaume Goutay, commandant la frégate Aconit engagée à l'été 2009 dans Atalante

Mise à jour  : 28/06/2010 - Direction : SIRPA Marine

Entretien avec le capitaine de vaisseau Guillaume Goutay, commandant la frégate Aconit engagée à l'été 2009 dans l'opération EUNAVFOR Somalia/Atalanta. La piraterie et les opérations de lutte menées au large de la Corne de l'Afrique sont au coeur des discussions.

Votre frégate, l' Aconit, participe à l'opération de lutte contre la piraterie Atalanta, pouvez-vous nous en dire davantage sur votre théâtre d'opérations?

Les récentes attaques des pirates se concentrent dans le golfe d'Aden. C'est une zone maritime dans laquelle transite 20 % du commerce mondial et 30 % des approvisionnements européens en pétrole, le passage obligé entre l'Europe et l'Asie. Quant aux récents actes de piraterie, on a constaté l'augmentation du rayon d'action des pirates qui désormais s'attaquent à des cibles se trouvant jusqu'à 550 nautiques des côtes africaines, soit à plus de 1 000 kilomètres des terres. Outre leur caractère intolérable au regard des atteintes qu'ils portent à la sécurité de la vie humaine, les actes de piraterie ont également des répercussions négatives sur le développement des économies - qu'elles soient locales, régionales ou mondiales. Autant de menaces inacceptables pour l'économie, comme pour l'environnement lorsque ce sont des navires pétroliers qui sont visés. Enfin ces menaces contribuent également à accentuer la déstabilisation de cette région.

À l'échelon national, européen et international, la lutte contre la piraterie s'est organisée dès l'automne 2007. Cette lutte, d'abord juridique et diplomatique, est rapidement devenue militaire. Pouvez-vous nous donner plus de précisions?

Dès septembre 2007, la France avait annoncé, à l'occasion de l'assemblée générale des Nations-Unies, son intention de déployer des moyens militaires pour protéger les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) à destination de la Somalie. Depuis, elle joue un rôle moteur dans la lutte contre la piraterie. Avec les États-Unis, la France est à l'origine de l'adoption, dès le 2 juin 2008, de la résolution 1816 au Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations-Unies (CSNU). Cette résolution autorise notamment des États à agir contre la piraterie dans les eaux territoriales somaliennes. Trois mois plus tard, les États-Unis et la France font voter une nouvelle résolution - la 1838 - renforçant la résolution du 2 juin et appelant tous les États à agir contre la piraterie au large des côtes somaliennes. À l'échelon de l'Europe, la France est aussi une nation leader puisqu'elle a été à l'initiative, en septembre 2008, avec l'Espagne, de la création d'une cellule de coordination de lutte contre la piraterie maritime (EU NAVCO). Suite logique de cette action, le Conseil européen adopte, le 10 novembre 2008, l'action commune qui prépare le lancement de l'opération militaire EU NAVFOR Somalia/Atalanta. Auparavant,

Acteur-clé en matière de lutte contre la piraterie, quels moyens militaires l'État français met-il réellement en place?

Depuis décembre 2008, la France participe activement à l'opération européenne Atalanta, en déployant en permanence au minimum une frégate avec un hélicoptère embarqué pendant toute la durée de l'opération et en faisant participer, en soutien associé, un avion de patrouille maritime ATL2, basé à Djibouti. Ces moyens sont régulièrement renforcés de façon ponctuelle par un ou deux autres bâtiments et des aéronefs complémentaires qui opèrent soit depuis Djibouti, soit depuis le Kenya, soit encore à partir des Seychelles. La France propose également un soutien logistique permanent à l'opération grâce à son dispositif prépositionné dans la République de Djibouti. Les pays participants peuvent ainsi s'appuyer sur les infrastructures aéroportuaires de la base des forces françaises à Djibouti (FFDJ) qui peut fournir de surcroît un soutien en termes de santé avec l'hôpital Bouffard.

Quelles sont les autres dimensions de cette action militaire visant à lutter contre la piraterie?

La prévention est également un volet important de notre action. Depuis décembre 2001, la France a mis en place un protocole de contrôle naval volontaire (CNV), établi entre les armateurs et la Marine. Tout navire français ayant souscrit au CNV et transitant dans la zone couverte par le protocole, comme en mer Rouge, dans le golfe d'Aden, celui d'Oman ou le golfe Arabo-Persique, reçoit des informations sécuritaires relatives au «théâtre», ainsi que des recommandations liées aux menaces éventuelles. De leur côté, les armateurs s'engagent à communiquer la position de leur navire, ainsi qu'à rapporter toute observation utile concernant des activités suspectes. Cela a été le cas, par exemple, pour les navires du Programme alimentaire mondial (PAM). Avec l'appui de la Marine, la France a mis en place le premier dispositif d'accompagnement de ces navires chargés d'acheminer du fret humanitaire vers la Somalie, de novembre 2007 à janvier 2008. D'autres nations ont pris le relais jusqu'en décembre 2008. Aujourd'hui, c'est la force européenne Atalanta qui assure la protection des navires PAM.

Texte et photos : Stéphane Dugast


Sources : ©Marine nationale
Droits : Ministère des armées