De la lande bretonne aux installations des sous-marins nucléaires, la presqu’île de l’Ile Longue a connu une singulière histoire. Retour sur les différentes étapes de sa transformation.
L’Ile Longue, l’Enez Hir des Bretons, ce petit bout de terre dans la rade de Brest, relié à la presqu’île de Rostellec par une chaussée de sable et de cailloux qui, il n’y a pas si longtemps encore - jusque dans les années cinquante - était submergée lors des grandes marées, a connu une histoire que nous pouvons qualifier d’exceptionnelle.
Peuplée de petits agriculteurs et pêcheurs de sardines, l’Ile Longue fut aussi un centre important d’exploitation de carrières et ce depuis au moins le XVIIe siècle. Ces pavés, dits «Ile Longue», très renommés, «habillent» non seulement les rues et quais de Brest, Quimper, Landerneau mais aussi de La Rochelle, Rochefort, Bordeaux…
De part sa position, l’Ile Longue joue un rôle important dans la défense de la rade de Brest et ce, jusqu’au début du XXe siècle. La Toponymie fait état du vocable « Ar Vur » : le mur, ce qui explicite l’existence d’une probable fortification, mais il faut attendre le XVIIe siècle et Vauban, pour que l’on puisse véritablement parler de système de défense. Tout au long des siècles, les fortifications de l’Ile Longue évoluent en fonction des améliorations constantes des techniques d’armement et des vicissitudes de la politique internationale.
L’année 1929 voit l’installation d’un poste de réglages de torpilles détruit lors de la construction de la base des S.N.L.E et, la seconde guerre mondiale une mise en place d’une batterie allemande anti-aérienne.
L’Ile Longue c’est aussi la présence d’un camp d’internement durant la première guerre mondiale. Quelques jours après la déclaration de guerre, le paquebot hollandais Nieuw Amsterdam en provenance des Etats-Unis d’Amérique vers les Pays Bas et soupçonné de contrebande au bénéfice des empires centraux, est arraisonné par un bâtiment français. A son bord, des passagers civils d’origine allemande, autrichienne, hongroise : des intellectuels, des membres de la bourgeoisie, des patriotes qui cherchent à regagner leurs pays respectifs. Ce paquebot arrive au port de Brest le 3 septembre 1914. Que faire de ces civils que l’on ne peut considérer comme des prisonniers de guerre ? Très vite, le site de l’Ile Longue attire l’attention des autorités. Il ne reste plus qu’à construire le camp la composition sociale des internés explique l’existence très active d’ateliers, de clubs sportifs, d’école et de centres d’apprentissage.
Le camp compte des prisonniers célèbres : Carl W.H. Doetsch, ethnologue au Togo, Georg Wilhelm Pabst, futur cinéaste (considéré avec Fritz Lang comme l’un des plus grands cinéastes de l’entre-deux guerres), animateur de théâtre à L’Ile Longue, Johannes Mättig, franc-maçon qui a créé la loge « Des chaînes vers la lumière » à l’Ile Longue, Hermann Von Boetticher écrivain et dramaturge, auteur de la pièce biblique « Jephta » écrite à l’Ile Longue.
Ces internés civils sont bientôt rejoints par des prisonniers de guerre. La vie au camp est rythmée par un emploi du temps bien défini mais qui n’empêche pas des moments de détente et surtout une activité culturelle intense : troupe de théâtre, concerts, parution d’un journal « Die Insel Woche » (« La Semaine de l’Ile ») journal qui, malgré la censure fait paraître quelques articles « subversifs ».
La fermeture du camp est définitive le 31 décembre 1919. Les installations sont détruites mais les vestiges sont encore visibles en 1966 et de nos jours, grâce à la conservation de baraques des ex chantiers de construction navale du Fret (mettre photo baraque actuelle).
Après une occupation allemande durant la seconde guerre mondiale, l’Ile longue entre dans une période de tranquille sommeil… Jusqu’au 15 février 1965, où en rentrant d’une visite sur le site de l’École navale à Lanvéoc Poulmic, le général de Gaulle déclare : « La géographie a peut-être fait de Brest un haut lieu de notre destin ». Cette phrase qui pour des néophytes peut sembler anodine, scelle en fait l’avenir de l’Ile Longue.
Après la période douloureuse des expropriations, les travaux peuvent commencer. À l’époque, c’est le plus grand chantier d’Europe, une simple comparaison peut suffire à se représenter la dimension du chantier : les éléments métalliques utilisés représentent le poids de la Tour Eiffel ! Un seul impératif : tenir les délais Le premier comilo (commandant de l’Ile Longue), le capitaine de frégate Ladsous prend officiellement ses fonctions le 05 janvier 1970 et malgré la poursuite des travaux, la base opérationnelle de l’Ile Longue accueille son premier sous-marin le 25 septembre 1970 : Le Redoutable.
Geneviève Emon Naudin
Sources : © Marine nationale
Droits : Ministère des armées