Le 31 octobre 2011 marque la fin des opérations de l’Otan en Libye. Les avions de l’armée de l’air présents sans interruption depuis le 19 mars 2011, ont rejoint leurs bases après sept mois d’engagement particulièrement intenses. Mission accomplie. Zoom sur les temps forts de l'opération Harmattan.
Lancée le samedi 19 mars 2011, l’opération Harmattan mobilise six bases aériennes et engage une trentaine d’aéronefs. Des Rafale, des Mirage 2000, des ravitailleurs C135 et un avion radar E-3F sont entrés en action au-dessus de la Libye.
À l’issue du sommet de Paris, qui s’est tenu à l’Élysée le 19 mars 2011, en présence des représentants de la Ligue Arabe, de l’Union européenne, des États- Unis et des Nations Unies, le président de la République a annoncé le début des opérations militaires en application de la résolution 1973. «Ensemble, nous avons décidé d’assurer l’application de la résolution du Conseil de sécurité de l’organisation des Nations Unies, a déclaré Nicolas Sarkozy, président de la République. Nos forces aériennes s’opposeront à toute agression des avions du colonel Kadhafi contre la population de Benghazi. D’ores et déjà, nos avions empêchent les attaques aériennes, d’ores et déjà d’autres avions, français, sont prêts à intervenir contre les blindés qui menaceraient des civils désarmés.» Selon Nicolas Sarkozy, le colonel Kadhafi peut «encore éviter le pire» en respectant la résolution 1973, du conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 17 mars 2011. «La porte de la diplomatie se rouvrira lorsque les agressions cesseront», a-t-il ajouté.
Le ministre de la Défense et des anciens combattants français, Gérard Longuet, a déclaré, dans un communiqué, avoir, sous les ordres du président de la République, chef des armées, «engagé la mise en œuvre d’opérations aériennes militaires au-dessus de la Libye». «L’engagement, dès aujourd’hui, de ces moyens militaires français, doit permettre de protéger la population civile des attaques des forces du colonel Kadhafi, par la mise en place, notamment, d’une zone d’exclusion aérienne dans l’espace aérien libyen», précise le communiqué.
L’armée de l’air participe, aux côtés de ses alliés, à l’une des plus importantes missions depuis l’opération Desert Storm, en 1991.
Les deux premiers pilotes français à avoir survolé la Libye reviennent sur cette journée pas comme les autres. Interview dans la salle d’opérations de l’escadron 1/7 «Provence» de Saint-Dizier.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la mission que vous venez de réaliser ?
Capitaine F : Nous avons réalisé une mission de reconnaissance d’objectifs sur la côte libyenne autour de Benghazi. Au total, la mission aura nécessité près de sept heures de vol et plusieurs ravitaillements en vol.
En quoi consiste une mission de reconnaissance NG ?
Lieutenant-colonel T : Notre pod de reconnaissance NG réalise des prises de vues de jour comme de nuit, à haute, moyenne et très basse altitude grâce à des capteurs optiques performants. Les capteurs optiques sont placés dans une nacelle intégrée sous le Rafale et tournent à 180 degrés. Chaque mission de reconnaissance associe des pilotes, des officiers renseignement et des interprétateurs image. Des objectifs, en termes de renseignement, sont fixés au préalable et traduits par des spécialistes en objectifs concrets sur la zone.
Capitaine F : Les officiers renseignement et les interprètes image participent à la préparation de la mission afin que le pilote puisse adapter la prise de vue, pour que la résolution de nos clichés corresponde à ce qui est demandé. Ensemble, ils préparent les détails de chaque prise de vue toute la nuit. Ils nous ont briefés ce matin, lorsque nous sommes arrivés à l’escadron.
Vous êtes les premiers à avoir décollé pour réaliser cette mission. Comment se sent-on juste avant de partir ?
Lieutenant-colonel T : Je crois que nous ne réalisons pas forcément car le maître mot, du début de la journée jusqu’à la fin, c’est la concentration. Nous n’avons pas ressenti trop de tension en partant, mais il est vrai qu’il y avait beaucoup d’émotion. Nous avons été soutenus par l’ensemble de l’escadron. On sent que tout le monde a conscience que ce n’est pas un jour comme les autres.
Capitaine F : Il faut avant tout bien dormir la veille pour être en forme. Cela implique beaucoup de préparation. Mais à l’approche des côtes libyennes, en son for intérieur, on se dit «c’est pour de vrai». On est très occupé dans l’avion, on regarde partout. Il ne faut pas se relâcher.
Quel a été votre ressenti sur la route du retour ?
Lieutenant-colonel T : Pour résumer cette journée, nous sommes au cœur de notre métier. Nous sommes entraînés pour être prêts aujourd’hui et les jours qui vont suivre s’il y en a. Cette réussite, c’est celle de tout le monde !
Capitaine F : On décompresse avant tout. Ce qui était assez émouvant, c’était de croiser dans le ciel les collègues, les Mirage 2000-5 de Dijon et les deux autres Rafale de Saint-Dizier, qui partaient sur la zone.
Quel souvenir garderez-vous de cette mission ?
Lieutenant-colonel T : En arrivant, nous étions un peu perdus avec la fatigue du vol. Sept heures, c’est éprouvant. Mon plus beau souvenir ? C’est d’avoir réalisé cette mission avec le capitaine F. Nous avions une complicité particulière et là, je crois que nous allons en avoir une encore plus forte.
Capitaine F : Lorsque je me suis levé de mon cockpit après m’être posé, j’ai un peu vacillé. Mon meilleur souvenir, c’est également d’avoir réalisé cette mission avec mon camarade. Cette opération fut ma première mission opérationnelle dans de telles circonstances. Je ne l’oublierai jamais.
Propos recueillis par le lieutenant Charline Redin.
Retour sur la montée en puissance de l’opération Harmattan, nom donné à la participation militaire française aux opérations aériennes multinationales au-dessus de la Libye.
En début d’après-midi, la France a engagé des moyens pour faire respecter une zone d’exclusion aérienne dans la région critique de Benghazi, en application de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies et en coordination avec ses partenaires, notamment britanniques, américains et de la Ligue arabe.
Les avions de l’armée de l’air sont engagés dans le ciel libyen. Ils conduisent des missions d’interdiction aérienne pour faire respecter la zone d’exclusion aérienne dans la région de Benghazi et empêcher les vols des aéronefs du colonel Kadhafi, ainsi que des frappes sur des cibles militaires identifiées au sol qui peuvent menacer la population civile. Pour réaliser ces missions, le dispositif comprend également des moyens de reconnaissance, de contrôle aérien et de détection, ainsi que des moyens de ravitaillement. «Le principe du ravitaillement en vol consiste, pour un aéronef, à «s’accrocher» au tanker qui va lui délivrer, via une perche, du carburant. L’opération ne dure que quelques minutes, chaque avion pouvant recevoir près d’une tonne de carburant par minute. Mais la manœuvre est complexe, car le tanker et l’avion ravitaillé doivent maintenir un cap et une vitesse similaires, malgré les conditions extérieures», explique un opérateur de ravitaillement en vol, communément appelé boomer. Et d’ajouter que : «Le Boeing C135 permet aux aéronefs qui opèrent au-dessus de la Libye d’augmenter notablement leur temps de travail sur la zone contribuant ainsi au bon déroulement de l’opération Harmattan».
Au total, une vingtaine d’aéronefs sont engagés le samedi après-midi (huit Rafale, deux Mirage 2000-5, deux Mirage 2000 D, des avions ravitailleurs C 135, un avion-radar E-3F) ainsi que deux frégates antiaérienne et de défense aérienne de la marine nationale (le Jean Bart et le Forbin) positionnées au large de la Libye. «L’avion radar E-3F surveille la zone libyenne pour informer nos autorités de la situation des activités aériennes, souligne le colonel R. Il fait un vol par jour de 10 à 12 heures.» Et de préciser que «l’avion radar assure la mission de surveillance pour déterminer l’activité aérienne des forces libyennes. Il tient également le rôle de coordinateur des aéronefs français, c’est-à-dire qu’il dirige les avions, leur signale d’éventuelles menaces, et coordonne les ravitaillements en vol. En somme, l’E-3F est l’autorité de contrôle pour l’ensemble des moyens engagés».
Ce samedi, les aéronefs de l’armée de l’air opèrent depuis les bases aériennes d’Avord, de Nancy, de Saint-Dizier, de Dijon, et d’Istres. Celles d’Évreux et d’Orléans sont engagées dans la manœuvre logistique pour la montée en puissance des bases aériennes et du groupe aéronaval. Les avions mobilisés dans l’opération Harmattan ont notamment conduit des frappes et détruit quatre véhicules blindés des forces du colonel Kadhafi. En fin de journée, une vingtaine d’aéronefs avait déjà réalisé plus de 130 heures de vol.
À la suite des opérations lancées le 19 mars, une quinzaine d’aéronefs de l’armée de l’air, dont six Rafale, quatre Mirage 2000 D, des avions ravitailleurs C135 et un E-3F, ont réalisé de nouvelles missions de reconnaissance et de défense aérienne dans la zone de Benghazi ainsi que de contrôle aérien, de détection et de ravitaillement.
Le dispositif français poursuit sa montée en puissance avec l’appareillage du porte-avions Charles de Gaulle ainsi que la montée en puissance de la base aérienne de Solenzara, en Corse, constitue une étape supplémentaire de la mise en place du dispositif français dans cette intervention militaire internationale. Elle accueille, le dimanche 20 mars, des avions de combat de retour de mission en Libye.
En trois jours d’opérations, les avions ont réalisé plus de 55 sorties, avec pour objectifs de faire respecter la zone d’exclusion aérienne dans la région de Benghazi et d’effectuer de nouvelles frappes sur des cibles militaires identifiées au sol qui menacent la population.
L’ensemble des avions de combat conduisant des missions de supériorité aérienne et de frappes (Mirage 2000D, 2000-5 et Rafale), en provenance de nombreuses bases aériennes, sont désormais repositionnés sur la base de Solenzara, en Corse.
Le lieutenant-colonel Valérie Godin, commandant l’escadron de soutien technique aéronautique (ESTA) de Saint-Dizier, dresse le bilan de sept mois d’opérations aériennes, durant lesquels les mécaniciens ont œuvré 24 heures/24. Interview.
Au déclenchement de l’opération Harmattan, comment l’ESTA s’est-il mis en ordre de bataille ?
Lieutenant-colonel Godin - Le 17 mars 2011, à 11 heures, alors que le ministre de la Défense visitait notre unité, nous avons reçu l’ordre de préparer, pour le soir même, des Rafale en configuration air-air et air-sol. L’ESTA s’est organisé en moins d’une heure, en passant instantanément d’un temps de paix à un temps de guerre, structuré pour tra- vailler 24 heures/24. La notion de cohésion a pris tout son sens et l’ensemble du personnel a immédiatement et naturellement trouvé sa place dans le nouveau dispositif se concentrant uniquement sur son cœur de métier : l’activité opérationnelle. Les équipages ont pu constater l’extrême réactivité de l’ESTA, non seulement pour la préparation avion, mais aussi pour la reprise, dès le 21 mars, d’une activité d’entraînement sur la plateforme, en parallèle de l’activité liée au conflit.
Concrètement, quelles ont été vos priorités ?
Pour réaliser les missions à partir de la base « mère », nous avons travaillé 24 heures/24 en équipes de jour et de nuit. Dans un premier temps, nous avons donc privilégié la préparation des avions ciblés pour les missions de guerre et leurs changements de configuration, puisque le Rafale est un aéronef polyvalent. Mais l’ESTA de Saint-Dizier travaille non seulement au profit de deux escadrons de chasse engagés dans le conflit, le 1/7 «Provence» et le 1/91 «Gascogne», mais aussi pour le 2/92 « Aquitaine » qui assure la transformation des jeunes équipages sur Rafale. Nous avons donc, dans un second temps, régénéré des avions pour assurer à nouveau les vols d’entraînement de base. L’ensemble des activités a été mené en priorité par rapport aux besoins immédiats.
Quelle a été la disponibilité opérationnelle des aéronefs dont vous aviez la charge ?
Elle a été excellente! Que ce soit à partir de la base «mère» de Saint-Dizier, puis de Solenzara, en Corse ou de Sigonella, en Sicile, où l’escadron s’est déployé, nous avons affiché un taux moyen de disponibilité opérationnelle de 95 % tout au long de l’opération. Le succès d’Harmattan démontre clairement que les ESTA, qui sont des unités plus massives que les précédents services techniques, sont à même de remplir leur rôle de soutien opérationnel.
Vos procédures et vos méthodes de travail ont-elles évolué au fur et à mesure de l’opération ?
En temps de paix, nos procédures sont éprouvées. Elles répondent à une véritable « école de la rigueur », garantissant ainsi la sécurité aérienne, du personnel et du matériel. En temps de crise, ces méthodes ne changent pas. Elles constituent autant de piliers fiables sur lesquels s’appuyer pour assurer la mission et pouvoir accélérer le mouvement si besoin.
Comment avez-vous réussi à durer ?
Si nous avons su nous adapter, c’est avant tout grâce à la grande motivation et la disponibilité du personnel, expert et compétent, tant en opérations qu’en base «arrière». Je dois aussi souligner la solidarité de l’ensemble de la communauté Rafale (les mécaniciens de Mont-de-Marsan ont également participé aux opérations aux côtés de Saint-Dizier). Enfin, il ne faut pas oublier que l’ESTA a été engagé en même temps à Kandharar, en Afghanistan (opération Pamir), ainsi qu’en renfort du 3/30 «Lorraine» aux Émirats arabes unis. Au cours de ces sept derniers mois, l’ESTA a parfois projeté jusqu’à 40 % de son personnel et certains mécaniciens ont été déployés en opération extérieure la moitié de l’année. Assurer le soutien de nos équipages sur trois théâtres d'opérations en même temps a été un challenge que nous avons largement relevé.
Propos recueillis par le lieutenant Marianne Jeune.
Les équipages du groupe de ravitaillement en vol (GRV) et de l’escadron de détection et de contrôle aéroportés (EDCA) ont été des pièces maîtresses du dispositif de la coalition.
Capacités indispensables aux opérations aériennes, les avions ravitailleurs et les avions radars de l’armée de l’air ont participé aux missions aériennes, chaque jour de l’opération Harmattan, depuis leurs bases « mères » d’Istres et d’Avord.
Le GRV, basé à Istres, a assuré quotidiennement entre deux et six vols afin de convoyer et de ravitailler en carburant les avions de la coalition. Ils ont ainsi doté les aéronefs déployés sur les bases aériennes avancées, non seulement d’une allonge stratégique considérable, mais également d’une réactivité afin d’opérer depuis le ciel libyen, quelques minutes à peine après la prise de décision politique. Après sept mois d’opération, le GRV affiche 3 220 heures de vol réalisées par les équipages opérationnels. Durant chaque mission, les équipages français ont délivré en moyenne 25 tonnes de kérosène aux avions de chasse, avions de guerre électronique ou aux Awacs français et étrangers, allant même parfois jusqu’à 40 tonnes sur des vols courts. Enfin, comme d’autres unités, le GRV a mené de front plusieurs opérations extérieures (Afghanistan et Tchad), outre l’opération Harmattan. Ainsi, près de 75 % des aviateurs de l’unité ont œuvré, en quelques mois à peine, dans deux opérations différentes et durant l’année 2011 certains ont même été déployés sur les trois théâtres.
À Avord, les avions radar E3-F ont aussi été quotidiennement sollicités par la coalition car ils sont un maillon indispensable de la chaîne de commandement et de contrôle. Chaque jour, ils ont assuré le contrôle tactique des opérations en veillant à protéger les aéronefs des menaces aériennes ou sol-air, en transmettant les ordres d’engagement des autorités ou en envoyant les informations du théâtre aux décideurs. Ils gèrent également les réseaux de liaisons de données (L11 et L16) afin que tous les acteurs équipés puis-
sent communiquer. Les équipages qualifiés de l’EDCA ont enchaîné les relèves avec le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Otan pour assurer un tour par jour, autant que leurs homologues. Chaque mission durait entre 10 et 14 heures et débutait entre minuit et 5 heures du matin. Cela représente un total de plus de 2 500 heures de vol, dont 1 155 de prise de commandement sur le théâtre. Les équipages de l’EDCA ont contrôlé sur une même mission jusqu’à 24 ravitailleurs, 32 patrouilles de chasseur, 10 drones et 13 vols humanitaires. Dès le 19 mars dernier, ils étaient en vol pour soutenir et conduire les premières frappes aériennes françaises. Sept mois plus tard, le 20 octobre, un E-3F évoluait également au large de la Libye lors de la mission de la coalition qui permettra l’arrêt du convoi du colonel Kadhafi.
Texte : lieutenant Marianne Jeune
Durant toute la durée d’Harmattan, les escadrons de transport de l’armée de l’air ont apporté une contribution indispensable pour le soutien aux opérations. Tous les organismes de logistique ont été mobilisés, avec comme chef d’orchestre l’EATC qui fait ses premières armes.
Le 23 février dernier, 335 français et 56 ressortissants étrangers sont évacués de Libye, à bord de deux avions de l’escadron de transport « Estérel » de la base aérienne de Creil. Sur le parking de Tripoli, se trouvent aussi des avions néerlandais et allemands. Aux commandes de ces missions, le commandement du transport aérien européen (EATC - European Air Transport Command), basé à Eindhoven, aux Pays-Bas. Inauguré le 1er septembre 2010, il assure le contrôle opérationnel des avions de transport que les pays membres (Allemagne, Belgique, France et Pays-Bas) ont décidé de transférer sous son autorité. L’urgence des demandes d’évacuation de ressortissants est une responsabilité de taille pour une structure qui ne compte que six mois d’existence, alors que chaque pays aurait pu choisir de conserver l’autorité de traiter cette mission au niveau national. Or, au total, plus de 670 ressortissants présents en Libye ont été rapatriés, en cinq jours.
Fort de ce premier succès, l’EATC bénéficie d’un début de confiance de ses pays membres. Mais des inquiétudes persistent quant à la capacité de gérer le soutien direct des opérations militaires. Des préoccupations pour lesquelles les aviateurs du jeune commandement européen vont vite devoir apporter une solution concrète. Ainsi, moins d’un mois après les missions d’évacuation, le 19 mars, de nombreuses demandes de transport de fret et de passagers arrivent déjà dans les locaux d’Eindhoven, via le centre multimodal des transports (CMT) de Villacoublay. Ce dernier centralise tous les besoins français de l’opération. Hommes, munitions, matériels aéronautiques ou de soutien, la capacité de transport aérien est quotidiennement sollicitée pour déployer les militaires ou les ravitailler. Au cours de la phase de montée en puissance, alors que les forces rejoignent les bases aériennes avancées de Solenzara puis de Souda, en Crète, et de Sigonella, en Sicile, le flux des demandes s’intensifie. De même à la veille de l’appareillage du porte-avions Charles de Gaulle, la flotte européenne de transport a joué un rôle crucial en organisant le ralliement de plusieurs centaines de marins depuis Brest jusqu’à Toulon, grâce aux rotations d’un KDC 10 néerlandais. Réactivité et efficacité pour faire face aux besoins des forces prépositionnées sont les leitmotivs des organismes de logistique pendant sept mois. Au centre de permanence et de synthèse du soutien (CPSS) situé à Bordeaux, les aviateurs travaillent 24 heures/24 pour organiser le dépannage des aéronefs en collaboration avec le CMT.
Pour le commandement européen, en temps normal, nombre de demandes de transport aérien peuvent être planifiées à l’avance. Mais au cours de l’opération militaire, bien souvent, l’urgence est de mise. Un constat que le colonel Bernard Lannes, chef de la Tasking Branch à la division opérationnelle de l’EATC confirme. « Les débuts d’Harmattan ont été intenses car nous avons dû organiser des projections de matériels et d’aviateurs en 24 à 48 heures à peine, explique-t-il. C’est le tempo imposé par une opération militaire. Il a donc fallu mettre en place une boucle beaucoup plus courte pour traiter les demandes, en créant une cellule composée en permanence de deux personnes uniquement dédiée à cette opération. » Côté moyens, l’EATC n’a pas spécialement affecté d’aéronefs à l’opération Harmattan. En revanche, il a créé, depuis le mois de juin, un Hub (une plateforme) dans une logique d’optimisation et de rationalisation des moyens. « Nous avons mis en place, sur la base de Solenzara, une sorte de plaque tournante sur laquelle convergeaient tous les flux de fret et de passagers en provenance de la métropole, précise le colonel Lannes. Les principales bases impliquées dans l’opération (Avord, Saint-Dizier, Luxeuil, Cognac, Mont-de-Marsan…) étaient ainsi reliées à Solenzara, où le matériel était éventuellement stocké avant d’être distribué par une navette aux forces prépositionnées ». Et d’ajouter : « Ce système nous a apporté davantage de flexibilité, en évitant une trop grande consommation d’heures de vol et que des avions ne volent à vide. »
Au total, durant l’opération Harmattan, l’EATC a comptabilisé le transport de 12 400 passagers, 3 500 tonnes de fret et 3 850 heures de vol pour les opérations menées au-dessus de la Libye. 35 avions de chasse et drones de l’armée de l’air, sans compter les navires et les avions en place sur le porte-avions Charles de Gaulle, ainsi que les détachements de F16 belges et néerlandais ont ainsi été soutenus jusqu’à la fin de l’opération. De plus, environ 15 % des missions ont été réalisées par les partenaires de l’EATC, les Allemands qui n’étaient pas engagés dans l’opération, les Belges et les Néerlandais. La flotte française a ainsi assuré 85 % des heures de vol pour l’opération. Des chiffres qui ont balayé les inquiétudes, laissant désormais la place à la légitimité de l’expérience.
Texte : lieutenant Marianne Jeune
Deux hélicoptères EC725 Caracal et un Puma de l’armée de l’air sont déployés, depuis le 20 mars 2011, sur le porte-avions Charles de Gaulle. Leur mission est d’assurer la recherche et le sauvetage au combat (Resco). Le lieutenant-colonel Fabrice Albrecht, pilote de Caracal et commandant de l’escadron d’hélicoptères 1/67 «Pyrénées» de la base aérienne de Cazaux, dresse un premier bilan de leur implication au sein de l’opération Harmattan.
Comment s’est déroulé le déploiement sur le porte-avions ?
Lieutenant-colonel Fabrice Albrecht - Le vendredi 18 mars, la cellule de crise de l’escadron a rappelé un hélicoptère en exercice à Dijon. Le lendemain, à 15 heures locales, deux Caracal et un Puma ont décollé vers la rade de Toulon où mouillait le porte-avions Charles de Gaulle (CDG). Les mécaniciens de la base de Cazaux, préalablement acheminés par avion de transport ou par hélicoptère, se sont chargés de l’embarquement du matériel de déploiement sur le porte-avions. Dimanche, à 13 heures, grâce à la réactivité de l’équipe technique, nous avons rapidement largué les amarres en direction des côtes libyennes.
Quelles sont les forces embarquées pour l’opération Harmattan ?
Les deux Caracal et le Puma de l’armée de l’air côtoient des Super Étendard, Rafale, Hawkeye, Panther et Alouette 3 de la marine nationale. Les deux armées ont mutualisé leurs moyens pour cette opération. Sur près de 2000 personnes embarquées, 50 viennent de la base aérienne de Cazaux, dont neuf pilotes d’hélicoptères, trois sauveteurs plongeurs, 24 mécaniciens et deux personnes de spécialité « renseignement ». Ces derniers travaillent en étroite collaboration avec leurs homologues, au sein de la cellule renseignement installée à bord. Le CDG contient également un centre de préparation de mission interarmées pour les flottilles embarquées.
Comment s’organise hiérarchiquement le détachement à bord ?
Nous travaillons en étroite coopération avec le Combined Air Operation Center de Ramstein, qui, au début de l’opération, coordonnait l’engagement des moyens aériens de la coalition. Il nous met en liaison avec les autres pays de la coalition, impliqués dans l’opération, et notamment avec les États-Unis. Nous sommes placés sous les ordres de l’amiral Philippe Coindreau, commandant la TF 473 armée par le groupe aéronaval, dont font notamment partie les frégates, et le porte-avions. Travaillant sur hélicoptère, notre interlocuteur direct est le commandant du groupe aérien embarqué, chef des flottilles, qui nous donne les directives spécifiques pour l’activité aérienne. Notre escadron est la seule unité du détachement habilitée à exécuter des missions Resco.
Texte : sous-lieutenant Héloïse Hablot
À quelques dizaines de nautiques des côtes libyennes, un porte-hélicoptères français est prépositionné en mer Méditerranée. Le soleil de l’après-midi est brûlant, l’ambiance est sereine. L’armée française est en action. Quelques heures plus tard, une dizaine d'hélicoptères du groupe de la Task Force 4731 décollent du BPC2 Tonnerre pour une opération à l’ouest de la Libye autour de la cité pétrolière de Brega, sur l’axe de ravitaillement des forces de Kadhafi. Dans la nuit sombre, seul le bruit des pales des hélicoptères qui s’envolent en mission est perceptible. Ils seront bientôt sur leur zone d’engagement, au-dessus du territoire Libyen. Une fois les objectifs identifiés, comme pour chacune de leur mission, les hélicoptères neutraliseront des véhicules armés, des convois de ravitaillement et des radars de surveillance. L’objectif de ces actions? Désorganiser les forces ennemies qui menacent la population libyenne.
Depuis le 17 mai 2011, dès la décision de projeter un groupe aéromobile sur un BPC, une vingtaine d’hélicoptères de l’ALAT3, deux hélicoptères Caracal et un Puma de l’armée de l’air, précédemment embarqués à bord du porte-avions Charles de Gaulle, ont rejoint le BPC Mistral mi-juillet. Cette opération menée depuis la mer et réunissant l’armée de terre, la marine nationale et l’armée de l’air met particulièrement en lumière la collaboration interarmées.
Au total, près de soixante aviateurs ont été déployés à bord du BPC. Parmi eux, des pilotes, des mécaniciens et des commandos parachutistes de l’air. L’un d’entre eux, le
lieutenant S., (CPA n° 30) détaché auprès du bataillon de l’ALAT pour la mission IMEX (Immediate Extraction, extraction immédiate) de retour en France depuis quelques jours, revient sur son expérience de trois mois en pleine mer. «Parmi la vingtaine de commandos du CPA n° 30 embarqués à bord du Tonnerre, nous étions une douzaine commandos entièrement dédiés à la mission IMEX en collaboration avec du personnel de l’armée de terre. Nous sommes tous qualifiés RESCO (recherche et sauvetage au combat) et possédons une solide expérience dans le domaine de la récupération en milieu hostile.
La majorité cumule déjà de nombreux mandats en Afghanistan. L’immédiate extraction est une mission de récupération rapide d’équipage d’hélicoptères abattus ou accidentés sur des théâtres hostiles. Il ne faut pas confondre avec la mission de RESCO qui nécessite des procédures et une préparation plus complexes ». Des commandos de l’armée de l’air étaient donc embarqués pour chaque mission à bord d’un Puma de l’armée de terre : « Pour l’opération «Harmattan» l’état-major de l’ALAT a voulu employer le CPA n° 30 pour ses capacités en terme de RESCO. Nous volions à bord d’un Puma positionné juste derrière les hélicoptères d’attaque, prêts à intervenir. Nous étions les seuls aviateurs complètement intégrés dans les équipages de l’ALAT. Nous vivions constamment ensemble, souligne l’officier. Le but de la mission IMEX est de récupérer les équipages en cinq à quinze minutes sur un territoire hostile. Nous n’appliquons pas les procédures typiques à la RESCO pour ce type d’intervention.» En cas de besoin, les Caracal de l’armée de l’air en configuration RESCO pouvaient décoller également lors des missions. Le déclenchement de la mission IMEX était décidé par «l’Air Mission Commander embarqué au cours de l’opération à bord d’un autre hélicoptère Puma. Cet officier supérieur de l’ALAT avait la responsabilité de l’ensemble des opérations du groupement aéromobile », précise le lieutenant S.
En cas d’intervention, le Puma emportant la capacité IMEX arrive sur la zone pour « faire débarquer les commandos équipés de près de 40 kg de matériel spécifique. Certains assurent la protection du site pendant que les autres s’occupent de l’équipage. Notre équipe se compose d’un chef et de son adjoint, d’un tireur de minimi, un tireur d’élite et deux spécialistes médicaux» Le lieutenant S. enchaîne, « la mission doit être très courte, nous avons peu de temps pour extraire l’équipage en difficulté. Nous réali- sons les soins médicaux d’urgence, les blessés sont ensuite pris en charge par l’hôpital embarqué à bord du porte-hélicoptères ».
Même si ces «anges gardiens» n’ont pas eu à récupérer de pilote, la mission fut pour le lieutenant S. «d’une richesse incroyable. À bord du bateau, j’ai pu pour la première
fois appréhender les traditions et la culture de la marine nationale, tout en étant parfaitement intégré au sein de l’ALAT. C’était passionnant». Les équipages de l’ALAT et les commandos parachutistes de l’air n° 30 travaillent depuis plusieurs années ensemble en Afghanistan au sein du bataillon hélicoptères de Kaboul et sur d’autres théâtres : « Pour nous, cette mission IMEX pérennise la confiance qui nous lie déjà depuis de nombreuses années ». À la fin du mois d’octobre, les commandos de l’air avaient déjà réalisé trois relèves sur le porte-hélicoptères. «Cette mission vécue sur le BPC est un très bel exemple de travail en commun, conclut le lieutenant S. Nous avons tous mis en œuvre nos moyens au profit d’une même mission. Les pilotes de l’ALAT et leurs chefs ont été satisfaits de notre travail et de notre professionnalisme ».
Texte : lieutenant Charline Redin
L’intervention du centre d’expériences aériennes militaires a été cruciale pour donner une orientation et augmenter la capacité de frappe de l’armée de l’air.
Sud de Brega, opération Harmattan. Un char des forces du colonel Kadhafi, stationné au-dessus d’une conduite d’eau importante menace la population libyenne. Au sein du CAOC 5 (Combined Air Operations Center - centre multinational des opérations aériennes) à Poggio Renatico (Italie), l’objectif est étudié. La décision est prise d’envoyer un Mirage 2000 D équipé de la toute nouvelle bombe inerte guidée laser, appelée BDU 22, élaborée à partir d’une GBU22 dont la charge militaire a été remplacée par du matériel en composite. Résultant d’un programme «urgent ops» du centre d’expériences aériennes militaires (CEAM), la BDU 22 est la solution pour mettre cet objectif hors d’état de nuire tout en préservant la conduite d’eau qui alimente la ville. «Cet armement nous a permis de contrer la finesse tactique des forces de Kadhafi qui voulaient nous contraindre à générer des dommages qu’ils auraient utilisés de façon stratégique dans la presse, explique le général Joël Rode, commandant le CEAM. D’un point de vue technique, sur l’ensemble des tirs réalisés avec cette bombe inerte, nous avons eu un résultat très satisfaisant.»
Avant de prendre ses fonctions à Mont-de-Marsan, le général Rode était le chef des éléments français à Poggio Renatico. «Lorsque je me trouvais au CAOC5, j’ai perçu toute l’utilité du CEAM car nous avions plusieurs domaines dans lequel nous avions une expertise à mettre en œuvre, se souvient le général. À mon retour d’Italie, quand je suis arrivé à la tête de l’unité, j’ai découvert une implication directe largement supérieure à celle que je m’imaginais. Plus de 170 personnes, soit un quart du personnel, ont directement participé à l’opération Harmattan».
L’implication du CEAM dans l’opération se décline principalement sous deux formes. La plus visible est son action quotidienne en qualité d’expert au service des opérationnels. Cette intervention a été cruciale pour orienter et augmenter l’efficacité des frappes de l’armée de l’air. La seconde manœuvre consiste à une insertion dans les unités déployées pour conduire les mêmes missions que les unités opérationnelles. Quant au personnel du centre d’expertise de l’armement embarqué (CEAE), unité du CEAM implantée sur la base aérienne de Cazaux, il a mené des études spécifiques au profit des hautes autorités de l’armée de l’air. Il détient de nombreuses données sur l’ensemble des tirs aériens «Pour mettre en place des matériels nouveaux et intégrer de nouveaux systèmes au cœur même de l’opération Harmattan, nous avons mené des expérimentations sur des configurations pour définir des cas de tir efficaces, souligne le lieutenant-colonel Yann Kerneis, commandant en second le CEAE. Nos expérimentations prenaient en compte les restrictions d’altitude propres au théâtre libyen. Lorsque l’on met en œuvre un armement, il faut que la trajectographie, qui dépend du corps de bombe soit maîtrisée, explique le lieutenant-colonel Dardard, officier directeur système d’armes. Les pilotes sont alors formés sur les particularités de cet armement.» L’une des implications les plus marquées du CEAM touche le cœur des opérations aériennes. «Chaque avion de chasse, avion de transport ou hélicoptère de combat possède un système d’autoprotection contre des mena- ces d’origine infrarouge ou électromagnétique, détaille le lieutenant-colonel Christian Le Menn, officier directeur système d’arme au CEAM. Ces systèmes sont paramétrables en fonction de la menace qu’ils seront amenés à rencontrer sur le théâtre. Le personnel de l’escadron de programmation et d’instruction de guerre électronique (EPIGE) est chargé d’élaborer ces données appelées bibliothèques.» Lors d’Harmattan, plus de 60 bibliothèques de guerre électronique ont été confectionnées par l’EPIGE que ce soit pour les aéronefs de l’armée de l’air, de la marine nationale ou de l’aviation légère de l’armée de terre. Ce travail d’arrache-pied a nécessité l’emploi de moyens classifiés et un savoir-faire unique dans les armées.
Au quotidien, les experts du CEAM s’appuient sur l’expérience acquise dans les unités de combat. De plus, la participation aux opérations leur a permis d’être parfaitement au fait des modes opératoires les plus récents en vigueur au sein de l’Alliance. Ils sont ainsi plus pertinents dans leurs travaux liés à la conduite des programmes et le soutien des forces.
Selon le bilan dressé par le général Rode: «L’opération Harmattan a validé des choix opérationnels pris dans le passé. Par exemple, soutenir le programme AASM (armement air-sol modulaire) était un choix ambitieux car le coût de cette munition est supérieur à celui d’armements plus rustiques mais moins efficaces. Cette ambition s’est avérée pertinente car l’AASM a été déterminant dans certaines missions, notamment dans le grand Sud libyen, où la situation tactique était moins bien connue. Il était alors important de prendre le maximum de précaution pour que les équipages puissent tirer à distance de sécurité avec une précision redoutable. C’est tout l’apport de l’AASM, et les exemples de ce type sont nombreux.» Pour formaliser ce bilan, le 17 novembre 2011, un séminaire «retour d’expérience d’Harmattan» a été organisé au sein du CEAM avec le personnel des différents sites rattachés au centre. « Nous avons réfléchi ensemble sur les domaines technico-opérationnels que l’on peut améliorer, et d’ici la fin de l’année nous proposerons un compte-rendu au sous-chef plans-programmes de l’état-major de l’armée de l’air (EMAA), témoigne le commandant du centre de Mont-de-Marsan. Par ce retour d’expérience, nous espérons renforcer la légitimité et la pertinence du CEAM dans sa mission de conseiller technico-opérationnel de l’EMAA mais aussi des forces.»
Parallèlement, des réflexions sont menées par l’EMAA pour créer, au sein de l’armée de l’air, une entité qui conserverait les savoir-faire opérationnels particuliers. Elle pourrait synthétiser les retours d’expérience pour préparer le personnel aux opérations futures. Cette entité, dont l’architecture est encore à l’étude, pourrait s’appuyer sur des unités du CEAM tels que l’EPIGE, le CEAE ou le centre d’expertise et d’instruction des liaisons de données tactiques. Dans un horizon plus lointain, elle pourrait aussi contribuer à l’élaboration d’un schéma directeur ambitieux pour la simulation distribuée (interconnexion de plusieurs simulateurs de vol). La réflexion en cours pourrait s’inspirer du modèle adopté par la Royal Air Force avec l’Air Warfare Center. «Si l’année 2011 a été riche en événements au CEAM, 2012 sera tout aussi importante », conclut le général.
Texte : adjudant Jean-Laurent Nijean.
Interview du commandant d'escadron de reconnaissance 2/33 "Savoie".
Mon colonel, à l’heure du bilan de l’opération Harmattan, pouvez-vous revenir sur les débuts de votre participation ?
Lieutenant-colonel Wolfgang Schmit, commandant l’escadron de reconnaissance 2/33 « Savoie » - L’opération Harmattan a commencé très tôt pour l’escadron. Déjà déployés à Solenzara pour l’exercice Serpentex, nous avons pu être mis en œuvre rapidement. Nous avons participé à la bataille électronique pour la recherche de sites sol-air, ce qui revêt une importance capitale pour la suite de la campagne aérienne. Cette mission a pu être réalisée grâce à l’apport de l’ASTAC, une nacelle pour le recueil électromagnétique. Nous avons également conduit quelques missions pour la recherche de renseignements au sens large. Cependant, nous ne survolions pas les objectifs, nous étions un peu plus en arrière pour la préparation. Les premières frappes aériennes ont ainsi pu se réaliser avec un ordre de bataille cohérent.
Comment s’intégraient les missions de reconnaissance dans le canevas général de l’opération Harmattan ?
Nous avons été rapidement intégrés dans le processus de travail de l’Otan. Les directives arrivaient trois jours avant, étaient décrites finement la veille, puis réalisées le jour même. Le debriefing de la mission durait environ une demie journée, en fonction du but recherché. Les résultats étaient fournis tard le soir ou dans la nuit pour que les missions du lendemain puissent en profiter.
Votre rythme de travail était donc étendu sur 24 heures ?
En effet, la préparation de la mission durait de deux à quatre heures, la mission elle-même était de six à sept heures et l’exploitation des films pouvait mettre plus de six heures en fonction du niveau d’analyse demandé.
Comment se passait la mission de reconnaissance type ? La nacelle de reconnaissance Presto était-elle adaptée ?
La nacelle de reconnaissance Presto était adaptée au théâtre libyen. Toute la campagne a été menée pour que l’on soit hors de portée des systèmes de défense sol-air et le capteur a pu travailler de façon optimale à distance de sécurité suffisante. Nous n’avions pas de transmission en temps réel comme avec le pod Reco NG (nouvelle génération) qui équipe le Rafale, mais 30 minutes après la coupure moteur, les films étaient déjà sur les plans. Le mécanicien récupérait les films, les transmettait aux photographes qui les développaient puis les donnaient à l’interprétateur-photo qui conduisait son analyse. La limite n’est pas dans le système, mais dans le temps d’interprétation qui est incompressible.
Vos missions se sont-elles poursuivies pendant tout le conflit ?
La reconnaissance par les Mirage F1 s’est poursuivie jusqu’à notre retrait le 14 juillet. Puis, à partir du 15 août, nous nous sommes rendus à Souda pour mener des missions d’assaut conventionnel aux côtés des Mirage 2000 D. En août, nous étions déployés en Afghanistan et nous avions en même temps le déménagement pour Mont-de-Marsan à assurer. Ce fut une période intense pour l’ensemble de l’escadron.
Propos recueillis par l'adjudant Jean-Laurent Nijean
Opération Unified Protector en Libye : consultez le document pdf (format pdf, 1.76 MB).
Dossier coordonné par le lieutenant Justine Menon-Bertheux
Sources : Armée de l'Air et de l'Espace
Droits : Armée de l'Air et de l'Espace