Animées par près 2 000 hommes et femmes, les Forces aériennes stratégiques (FAS) de l'armée de l'Air et de l'Espace (AAE) assurent, depuis la première alerte nucléaire en 1964, la permanence de la mission de dissuasion nucléaire française. Après une transformation structurelle ces dernières années, les FAS poursuivent la modernisation de leurs équipements et disposent aujourd’hui d’un triptyque performant de dernière génération : le Rafale F-3R, l’A330 Multi role tanker transport (MRTT) Phénix et le missile nucléaire air-sol moyenne portée améliorée (ASMP-A). Retour sur leur savoir-faire unique et exceptionnel.
« Les FAS font office d’assurance-vie pour la France et ses intérêts stratégiques. Réactives et résilientes par essence, elles sont les garantes de l’autonomie stratégique française et de sa liberté de parole et d’action », explique le colonel Pierre du commandement des FAS. « La dissuasion nucléaire est un outil politique et démonstratif, et la composante aéroportée constitue l’arme de négociation. Son but : rendre visible aux yeux des ennemis la capacité française à infliger des dégâts inacceptables à l’adversaire. » Main du gouvernement, les FAS doivent se tenir prêtes, en tout temps et en tout lieu, à répondre aux directives du président de la République. Il existe également une « dualité des FAS », du fait que ce commandement participe aux missions conventionnelles en plus d’assurer la permanence de la dissuasion nucléaire.
Début décembre 2020, les Forces aériennes stratégiques (FAS) ont mené pour la première fois une opération de permanence en vol, afin de démontrer pleinement le savoir-faire de la composante nucléaire aéroportée permanente.
Un savoir-faire unique et spécialisé
Les FAS tiennent, en permanence depuis 1964, la posture de dissuasion nucléaire, clé de voûte de la stratégie de défense de la France. Visible par nature, la composante nucléaire aéroportée permanente de la dissuasion permet au président de la République de mener un dialogue dissuasif avec un adversaire. Un seul objectif : l’obliger à reculer en lui faisant comprendre que les dommages qu’il subirait sont sans commune mesure avec l’enjeu de son agression.
De la mise en alerte au sol des moyens, à la frappe d’ultime avertissement, en passant par l’alerte en vol du raid aérien, le président de la République dispose, grâce à la flexibilité de l’arme aérienne, de plusieurs options qui lui permettent de montrer ostensiblement, et de manière toujours plus poussée, sa détermination.
Une première dans l’histoire des FAS
Durant plus de 24 heures, des Rafale B de la 4e escadre de chasse, équipés du missile air-air de dernière génération Meteor et du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) sans tête nucléaire, ont assuré une permanence en vol au-dessus du territoire national.
Cette opération de grande envergure a été possible grâce à l’expérience des équipages Rafale dans les vols de plus de 10 heures et aux capacités hors normes du nouvel avion ravitailleur A330 Multi role tanker transport (MRTT) Phénix, relayés par des C-135.
Cette capacité n’est pas sans rappeler l’épisode de la crise des missiles de Cuba en 1962. Alors que l’URSS menaçait d’y installer des missiles nucléaires, le président américain ordonna le décollage de plusieurs bombardiers stratégiques armés et prêts à être engagés sur son ordre. Pendant plusieurs jours, cette capacité de frappe américaine fut maintenue en vol, faisant ainsi monter la pression sur les négociations et participant in fine à la désescalade de la crise.
En étant capables de réaliser une permanence en vol pendant plus de 24 heures, les FAS offrent ainsi une option supplémentaire au président de la République pour mener à bien le dialogue dissuasif. Prêtes à être engagées, elles gagnent également en réactivité et en résilience en étant soustraites, en vol, à la menace. Cette capacité, fruit de la maturité exceptionnelle de l’arme aérienne, démontre une nouvelle fois la crédibilité opérationnelle de la composante nucléaire aéroportée permanente. À l’image de l’armée de l’Air et de l’Espace, elle n’a jamais été aussi forte.
Dans la nuit du 8 au 9 décembre 2020, les Forces aériennes stratégiques (FAS) ont mené, dans le ciel français, une démonstration des capacités de l’armée de l’Air et de l’Espace (AAE) à assurer la mission de dissuasion nucléaire aéroportée. Retour sur l’opération spectaculaire « Poker » et focus sur l’A330 Multi Role Tanker Transport (MRTT) Phénix, pièce maîtresse de l’allonge stratégique nécessaire aux avions de chasse et mis en œuvre lors de cet entraînement.
« Poker » : opération de haute intensité
Tenu quatre fois par an, « Poker » met en place un raid nucléaire aérien de nuit, dans un contexte contraint et non-permissif, ayant pour but de délivrer l’armement nucléaire à un point précis tout en contrant les menaces des agressors. Cette mission historique des FAS depuis 56 ans assoit la crédibilité de la capacité nucléaire des forces aériennes françaises. Cette édition avait pour principal objectif la défense face à la très haute intensité de l’adversaire. « Poker » veille aussi à ne démontrer aucune faille dans la mission de la dissuasion nucléaire aéroportée française aux yeux des Nations qui observent la France en ces temps de crise.
Pendant plus de six heures, une cinquantaine d’avions ont investi le ciel nocturne français dans le cadre d’un scénario à la pointe du réalisme. Parmi eux : des Rafale B de Saint-Dizier armés de missile ASMP-A sans charge nucléaire, des ravitailleurs (A330 Phénix et C-135), des Mirage 2000-5 de Luxeuil protégeant le convoi, un E-3F Awacs, une dizaine de red air joués par les Rafale de Mont-de-Marsan et des systèmes d’attaque sol-air. Orchestré par les FAS, « Poker » fait alors appel à la participation de l’ensemble de l’AAE pour conduire cette opération majeure. Le capitaine Alexandre, pilote de Rafale sur la BA 113 témoigne : « Nous devons démontrer notre capacité à maîtriser la montée en puissance d’une alerte nucléaire et à réagir face aux différentes menaces. L’un de nos challenges est la précision dans nos tirs et la transmission d’informations pertinentes pour la réussite du raid. » Véritable course contre la montre, l’un des défis de « Poker » se situe notamment sur la synchronisation parfaite entre les acteurs du raid au niveau des points de rencontre, notamment lors des ravitaillements.
Au-delà de la démonstration spectaculaire de la capacité de dissuasion nucléaire, « “ Poker ” est un créneau incontournable pour l’entraînement et la qualification des équipages FAS, notamment ceux des trois MRTT », affirme le lieutenant-colonel Guillaume, chef de la 31e escadre aérienne de ravitaillement et de transport stratégique (EARTS). « On s’entraîne comme on doit combattre, poursuit le colonel Pierre, rattaché au Commandement des FAS et présent lors de l’opération. Plus l’entraînement est dans le haut du spectre, plus cela nous donne l’assurance de réussir la mission."
Immersion au cœur de l’équipage d’un A330 MRTT Phénix
20 heures : l’alerte est donnée, l’équipage se précipite dans l’A330 Phénix pour décoller de la base aérienne 125 d’Istres de concert avec les deux autres tankers. Il rejoint son premier point d’attente sur la pointe bretonne atlantique et ravitaille les premiers receveurs. « Le ravitaillement est un moment stressant et complexe par nature. De nuit et à plus de 500 km/h, nous devons faire preuve d’une minutie d’horloger pour entrer en contact avec le panier, pousser la perche de ravitaillement et autoriser le carburant, et ce pendant environ cinq minutes. Notre mot d’ordre : “ humilité devant le panier ” », confie le capitaine Alexandre. À raison de deux autres ravitaillements au-dessus de la zone méditerranéenne et de Cognac, l’A330 Phénix aura délivré une large quantité de carburant à plusieurs chasseurs.
En tous points, l’arrivée du Phénix MRTT au sein des FAS en 2018 est un game changer pour les opérations, que ce soit pour la dissuasion ou le conventionnel. Les A330 Phénix sont destinés à remplacer la flotte sexagénaire de C-135. « Là où le C-135 ravitaille quatre Rafale jusqu’à 5 000 kilomètres, l’A330 Phénix MRTT assure une allonge de 1 500 kilomètres supplémentaires pour le même nombre de chasseurs et en emportant d’avantage de passagers ou de fret », explique le lieutenant-colonel Michel.
Cette édition avait pour impératif la formation sur l’A330 Phénix des équipages ravitailleurs C-135, c’est-à-dire une bascule d’activités. C’est d’autant plus vrai pour l’Air Refueling Operator (ARO) du Phénix, remplaçant l’ancien opérateur de ravitaillement en vol (ORV). Responsable du système de ravitaillement, il assure sa mission désormais au sein du cockpit, au dos des pilotes, aux manettes d’une console équipée de sept écrans en trois dimensions. L’œil alerte sur sa console et attentif à son environnement, le major Stéphane, un des premiers ARO formés sur MRTT dès leur arrivée en 2018, témoigne : « Le confort de travail est décuplé et la charge est allégée grâce à ce système intégré. La vision 3D sur le receveur est très novatrice, octroyant une meilleure appréciation de la distance et de la perspective pour réussir le transfert de carburant. » Il poursuit : « “ Poker ” nous permet d’être au rendez-vous de notre formation et demande une longue préparation pour intégrer toutes les étapes de la mission. » L’ARO a une responsabilité double, et assure également le traitement d’informations reçues par la liaison de données tactiques intégrée à l’A330 Phénix. « C’est un game changer pour nos opérations, cela permet la fusion de l’information. Le MRTT est désormais aussi un véritable carrefour des communications pour cette mission, ce qui lui confère une certaine autonomie », précise le chef de la 31e EARTS. Désormais acteur du commandement, le MRTT décuple l’aptitude de l’AAE à mener « une guerre aérienne en réseaux » et permet une meilleure appréciation de la situation tactique afin de « mieux réagir face aux menaces, les anticiper et au besoin, s’y soustraire », souligne-t-il.
Sources : Armée de l'air et de l'espace
Droits : Armée de l'air et de l'espace