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Dans la peau d’un maître-chien parachutiste de l’air

Mise à jour  : 06/08/2018 - Direction : Armée de l'Air et de l'Espace

Depuis fin avril 2018, 4 Mirage 2000-5 du groupe de chasse 1/2 « Cigognes » et une centaine d’aviateurs de l’Armée de l’air française sont déployés sur la base aérienne d’Ämari, en Estonie, pour assurer leur mission de police du ciel de l'OTAN au profit des états baltes, dans le cadre de l’opération enhanced Air Policing. Parmi eux, le sergent Quentin, maître-chien parachutiste de l’air au sein du commando parachutiste de l’air n°20, réalise sa première mission en opération extérieure. Rencontre.

  • Sergent Quentin, 24 ans, maître-chien parachutiste de l’air
  • Séance d’entraînement franco-estonienne

Sergent Quentin, 24 ans, maître-chien parachutiste de l’air

Un BTS commerce international et une licence management des organisations en poche, Quentin a 21 ans quand il choisit de s’engager dans l’Armée de l’air. « J’avais soif d’aventures et je voulais travailler dans un milieu sortant de l’ordinaire et qui me ferait vibrer », raconte-t-il. « Je me suis beaucoup renseigné sur l’Armée de l’air et ses spécialités auprès de quatre personnes que je connaissais et qui travaillaient dans différents secteurs (un mécanicien, une secrétaire, un ancien pilote et un fusilier commando), surtout sur la spécialité de fusilier commando. En me renseignant auprès d’un centre d’information et de recrutement des forces arméesj’ai découvert la spécialité de maître-chien. »

Les premiers pas à l’école

La signature du contrat d’engagement comme sous-officiers de l’Armée de l’air est immédiatement suivie de quatre mois de formation militaire initiale à l’école de formation des sous-officiers de l’Armée de l’air située sur la base aérienne (BA) 721 de Rochefort. 

Ensuite, direction la BA 115 d’Orange, au centre de préparation opérationnelle du combattant de l'Armée de l'air (CPOCAA) : « J’ai ensuite commencé les stages Maquis et Matou qui font partie du cursus de formation classique d’un commando parachutiste de l’air et d’un maître-chien. J’ai ensuite passé trois semaines de stage pour obtenir mon brevet parachutiste. »

L’obtention du brevet de parachutiste, un moment inoubliable pour chaque commando parachutiste de l’air. Le sergent Quentin s’en souvient comme si c’était hier : « Mon premier saut en parachute, c’était le 7 juillet 2016. Quand j’ai atterri, je sortais tout juste d’un an d’école dont quatre à cinq mois de stages commando. À ce moment-là, je me suis dit que j’adorerais mon travail ! »

Mais à ce stade de la formation, le sergent est encore en formation individuelle : « En attendant de pouvoir effectuer le stage cynotechnique, j’ai intégré l’escadron de protection de la base aérienne 110 de Creil pour découvrir le métier de fusilier commando, avant celui de maître-chien. »

Devenir maître-chien parachutiste de l’air

Six mois plus tard, le sergent Quentin intègre le stage cynotechnique du CPOCAA sur la BA 115 d’Orange, où il fait la connaissance de son nouvel équipier, Lazar : « Je l’ai eu en arrivant au stage cynotechnique. Lazar m’a été attribué sur la base de nos deux caractères. Selon les stages que je ferai et les opportunités qui se présenteront à moi, je pourrai garder mon chien tout le long de ma carrière, voire même au-delà. »

Pendant le stage cynotechnique, les militaires techniciens de l’air (MTA) équipiers maîtres-chiens et les sous-officiers maîtres-chiens parachutistes apprennent la conduite de chien et les réactions à adopter avec leur chien face à une situation donnée. « En plus de ce stage, les maîtres-chiens parachutistes apprennent la psychologie canine et le dressage pur. »

Trois mois plus tard, le sergent Quentin est breveté maître-chien parachutiste de l’air : « Grâce à mon bon classement lors de ce stage, j’ai pu choisir d’intégrer le commando parachutiste de l’air n°20, qui est donc ma première affectation. »

Maître et chien, bien plus qu’un binôme 

Cette relation fusionnelle, c’est tout d’abord au CPOCAA qu’elle se construit : « Pendant un mois, on ne donne aucun ordre au chien. On est juste là pour le sortir, jouer avec lui, lui donner à manger, à boire, de l’affection… on répond à ses besoins physiologiques et de liberté. » L’objectif est que le chien identifie son maître et qu’il lui soit d’un dévouement total. En contrepartie, le maître est responsable de son chien et des missions complexes qu’il doit effectuer : « On doit faire preuve d’une certaine vigilance car on ne doit pas faire n’importe quoi avec son chien et avec les personnes qu’on aura en face de soi. On se doit d’être exigeant avec son chien pour qu’il obéisse. »

Lazar, chien de guerre

Lazar est un chien de patrouille-éclairage. Sa spécialité lui permet d’être employé sur des missions de protection, de recherche d’individus, et d’intervention. « Je peux l’employer sur une zone qui semble être vide d’occupants, le lâcher et lui demander de m’alerter si il trouve un individu suspect. Pour la partie intervention, si l’individu détecté ne coopère pas, nous sommes en mesure d’utiliser des moyens létaux », soit donner l’ordre au chien de maîtriser l’individu par la morsure.

Les autres spécialités des chiens de guerre

L’Appui à la recherche à la détection d’explosifs (ARDE) : l’aide à la détection d’explosifs.

Le pistage : la recherche d’individus égarés, isolés. 

Les maîtres-chiens de pistage travaillent parfois avec la gendarmerie sur certaines missions.

L’Aide à la recherche et à la détection de stupéfiant (ARDS).

Séance d’entraînement franco-estonienne

Le dressage du chien repose sur un système de jeux et de récompenses. immersion avec le sergent Quentin et son chien Lazar lors d’une séance d’entraînement avec leurs homologues estoniens.

L’exercice avait pour objectif le partage de savoir-faire entre maîtres-chiens parachutistes de l’air français et maîtres-chiens de l’équivalent du GIGN (groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) estonien. La séance d’entraînement portait sur l’intervention et la détection d’individus avec emploi de chiens d’intervention et de chiens de recherche d’explosifs. « Pendant la matinée, on a travaillé sur de la recherche dans un bâtiment : un individu isolé s’est caché dans un bâtiment plongé dans le noir. Nous restons à l’entrée du bâtiment, envoyons le chien en éclaireur. Le chien va de pièce en pièce, puis il aboie pour nous prévenir dès qu’il a trouvé l’individu. À ce moment-là, l’individu sort de sa cachette et récompense le chien pour le féliciter », explique le sergent Quentin. Les chiens doivent retrouver l’individu grâce à leurs sens et surtout  prévenir leurs maîtres.

L’après-midi, les chiens s’initiaient à la recherche de matières explosives : « On apprend au chien les bases de l’explosif, c’est-à-dire qu’il doit s’intéresser et se familiariser avec les molécules de l’explosif, par un système d’association molécules explosives-jouet. » Cet apprentissage nécessite beaucoup de répétitions pour que le chien assimile cette association. Les dresseurs doivent ruser : « Petit à petit, on lui montrait son jouet et le chien reniflait les molécules d’explosifs, mais en ne dissociant pas le jouet et les molécules. Puis, petit à petit, on lui retirait son jouet en le déplaçant, en le plaçant à coté des molécules, en dessous, avant de le retirer complètement de façon que le chien se focalise exclusivement sur l’odeur de l’engin explosif. À partir du moment où il prenait vraiment en compte ces molécules, on lui donnait son jouet. » À la fin de la séance, le chien avait bien assimilé l’association odeur de l’explosif-jouet. Le maître sait qu’il faudra répéter ces séances d’entraînement pour que le chien se souvienne.

Enfin, la journée s’est terminée par une séance de recherche d’individu et de mordant en deux exercices. Les chiens étaient confrontés à une séance de recherche-mordant « classique » : « On envoie le chien dans le bâtiment. Le « malfaiteur » se cache et dès que le chien le trouve, il a le droit de l’attaquer puisqu’il [le malfaiteur] est en costume d’attaque. »

Le déconditionnement

Plus la séance avance, plus elle se complexifie. Le chien n’entre pas seulement par une porte principale, mais peut aussi entrer par une fenêtre, par exemple. Des scénarios toujours différents, qui préparent le chien à intervenir dans n’importe quelle situation: « C’est ce qu’on appelle le déconditionnement, ce n’est pas évident. Cela demande beaucoup d’entraînement et beaucoup de répétitions pour faire comprendre au chien que, dans tous les cas, il faut parvenir à interpeller l’individu. »

L’échange franco-estonien

La séance d’échanges franco-estonienne a été aussi riche d’enseignements pour Lazar que pour son maître, notamment en termes de recherche d’explosifs : « En France, nous avons l’habitude de travailler avec une boîte où on sépare le jouet et l’explosif. Les Estoniens, eux, mettent le jouet sans protection directement sur la boîte. Ce n’est pas le maître qui va récompenser son chien, mais la personne qui sera au contact des molécules explosives qui va empêcher le chien de prendre son jouet. À partir du moment où le chien va commencer à manifester un intérêt pour le jouet et l’explosif, la récompense va arriver, ce qui est différent de nos méthodes, mais cela fonctionne aussi. »

De même pour la séance de recherche-mordant. Grâce aux retours d’expériences (Retex) apportés par le maître-chien des forces spéciales estoniennes, dont le chien a déjà réalisé 15 mordants réels : « Quand le chien mord « en vrai », il est accroché à sa prise et ne la lâche pas. Cela fait partie des Retex que nous n’avons pas forcément en tant que jeune maître-chien car nous n’avons pas encore connu de véritables interventions, et cela est toujours intéressant de le savoir. »

Le goût du challenge

Très sportif, le sergent Quentin se prépare à relever avec quelques-uns de ses co-équipiers un challenge en Estonie : un ultra-trail de 60 kilomètres ! « On pourra se dire qu’on est allé en Estonie et qu’on n’a pas seulement protégé les avions et fait notre travail de commando. On aura aussi fait autre chose qui s’apparente à notre travail, puisque courir 30, 60 ou 120 kilomètres, ça demande une certaine robustesse physique et mentale, et ça s’apparente au métier du commando. Ce sera quelque chose de plus qu’on aura découvert et vécu ensemble. »


Sources : EMA
Droits : Armée de l'Air et de l'Espace