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Chammal : trois ans d’opération au Levant

Mise à jour  : 22/01/2018 - Auteur : Lieutenant Julie Beck - Direction : Armée de l'Air et de l'Espace

Depuis le 19 septembre 2014, les militaires français se relaient sur la base aérienne projetée en Jordanie. Aujourd’hui, nous revenons sur leur engagement dans le cadre de l’opération Chammal. Immersion dans le quotidien de ces hommes.

  • Un engagement dans la durée
  • Deux questions au colonel Arnaud, commandant la BAP
  • Mission aérienne au-dessus des positions de Daech
  • Portraits de trois aviateurs au Levant

Un engagement dans la durée

Le 3 décembre 2017, la base aérienne projetée au Levant a célébré ses trois ans d’existence. Retour sur un événement qui a marqué les aviateurs.

Sous un soleil de plomb, les militaires sont en place sur le tarmac de la base aérienne projetée (BAP) au Levant pour célébrer les trois ans de sa création. Derrière eux, six Rafale sont alignés sous leurs abris avions. Aujourd’hui, pas de vol. La base est étrangement silencieuse. Seule une voix vient troubler ce calme inhabituel. Ordre du jour n°43 : « Cette cérémonie est l’occasion de saluer l’engagement total et sans faille de tous les personnels français servant aux côtés de nos partenaires jordaniens », a notamment déclaré le général Frédéric Parisot, senior national representative au combined joint task force au Koweït. Pour l’occasion, de nombreuses autorités civiles et militaires ainsi que certains de nos alliés ont fait le déplacement. « C’est un symbole fort de réunir lors de cette cérémonie nos autorités diplomatiques, militaires et nos alliés, nous indique le colonel Arnaud, commandant la BAP en Jordanie. Nous sommes unis pour faire face à Daech et à sa barbarie. »

Trois ans d’engagement

Lancée le 19 septembre 2014, l’opération Chammal mobilise aujourd’hui près de 1200 militaires français et représente la participation des armées françaises à l’opération de la coalition Inherent Resolve (OIR). Plus d’une soixantaine de nations participent à la coalition formée pour stopper la progression de Daech, affaiblir les groupes terroristes et appuyer la reconquête des territoires.

L’opération Chammal repose sur deux piliers complémentaires : un pilier « formation » assuré par les Task force Narvik et Monsabert au profit des forces de sécurité irakiennes et un pilier « appui » consistant à soutenir l’action des forces locales engagées au sol contre Daech. Ce dernier se décompose en un appui aérien assuré conjointement par la base aérienne projetée en Jordanie et la base aérienne aux Émirats arabes unis et un appui artillerie assuré par la Task force Wagram.

La BAP jordanienne est impliquée dans ces opérations depuis le 5 décembre 2014. C’est depuis cette même base que les militaires ont réagi fermement aux attaques terroristes perpétrées à Paris le 13 novembre 2015. Depuis, les militaires poursuivent leur engagement sans relâche. « C’est bien grâce à ces actions aériennes que nous avons repris l’ascendant et réduit peu à peu le potentiel militaire de Daech », souligne le général. Plus récemment, les chutes de Mossoul (Irak), puis de Raqqa (Syrie) ont constitué deux symboles forts des efforts déployés dans cette région, avec le souci constant de protéger les populations.

Deux questions au colonel Arnaud, commandant la BAP

Le colonel Arnaud est commandant de la base aérienne projetée en Jordanie. Ce pilote de chasse chevronné a pris ses fonctions l’été dernier. Retour sur son engagement au Levant.

Comment la BAP fonctionne-t-elle actuellement ?

La base aérienne projetée est un système de combat qui fonctionne vers un but unique : vaincre Daech. Pour arriver à cette finalité, nous disposons d’une chaîne de commandement robuste et réactive. Nous sommes sur un théâtre d’opération, où la situation tactique évolue rapidement. Nous sommes 400 combattants sur zone, prêts à nous adapter et à changer d’état d’esprit. L’organisation hiérarchisée de la base, commandée avec des fonctions intégrées, permet d’optimiser l’action. La base est modulaire en termes de capacités d’accueil de la plateforme aérienne (transit et fret). J’assure le commandement tactique et la mise en œuvre du contrat opérationnel, tout en assurant la gestion administrative.

Nos principaux partenaires sont les forces françaises stationnées aux Émirats arabes unis pour les aspects de soutien, et le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) de concert avec le CAOC (Combined air and space operations center - centre de commandement des opérations aériennes de la coalition) d’Al-Udeid pour la partie opérationnelle. Nous travaillons quotidiennement avec les Jordaniens pour nous insérer au mieux dans l’environnement local.

Quel est le bilan de ces trois ans de présence au Levant ?

En 2014, nous avons porté un coup d’arrêt à Daech pour l’empêcher de progresser vers Bagdad. Ensuite il y a eu une reconquête progressive du territoire irakien. En 2016, nous avons fait une bascule vers la Syrie, avec le besoin d’un avion omnirôle et  une capacité air-air renforcée. Cette année, nous avons repris les villes de Mossoul et de Raqqa. Désormais, il faut terminer le travail pour affaiblir les territoires encore sous emprise de Daech.

La situation géographique de la BAP, les travaux d’infrastructure et de modernisation engagés permettent d’optimiser les moyens et de préserver le personnel pour durer. Au fil du temps, les travaux d’abord destinés à l’amélioration des infrastructures pour le personnel visent aujourd’hui à renforcer la sécurité du détachement.

Grâce à de nouvelles infrastructures, la BAP est capable d’accueillir dix avions de chasse en permanence ainsi que des avions gros-porteurs comme l’A310 ou l’A400M, pour une durée plus longue qu’une simple escale. Des plots spécifiquement conçus pour les recevoir ont été construits par le 25e régiment du génie de l’air et le groupement aérien d’appui aux opérations.

Mission aérienne au-dessus des positions de Daech

Manifestation visible et concrète de la volonté politique, l’Armée de l’air est en première ligne pour la protection des Français.

02h00 : alors que la majorité des Français dorment bien profondément, en Jordanie, à quelque 4 000 kilomètres de là, les mécaniciens avions sont déjà en action. Ils préparent quatre avions pour les premiers décollages de la journée. Comme tous les jours depuis trois ans, des chasseurs décollent de la base aérienne projetée en Jordanie. Aujourd’hui, c’est au tour du capitaine … de prendre place à bord d’un Rafale. Pour ce pilote, l’opération Chammal est une première. « Je pars pour une mission de cinq heures à la frontière entre Irak et la Syrie, explique le pilote. La proximité de la BAP avec la zone d’engagement réduit le temps de transit, ce qui permet réactivité et flexibilité. » Aujourd’hui, il s’envole avec ses co-équipiers pour une mission d’appui-feu. Après un premier ravitaillement en vol, le capitaine prend contact avec le FAC. « Le FAC va m’indiquer la manœuvre à suivre, explique le pilote. Il est responsable de l’espace aérien dans lequel j’évolue. Selon ses besoins, je peux faire un « Show of force », c’est-à-dire descendre très bas, très vite pour signaler ma présence à l’ennemi. Ou, à l’aide de mon pod, faire uniquement de la surveillance. Le pod me permet d’apercevoir des bâtiments ou des ennemis. Enfin, en cas de besoin et selon les informations récoltées, je peux réaliser une frappe d’opportunité. Il y a un dialogue constant entre lui et moi. Les décisions doivent être prises rapidement mais pas précipitamment. »

En parallèle, les chasseurs conduisent également des missions planifiées de bombardement (AI – Air interdiction), soit des frappes planifiées dans la profondeur, programmées sur des objectifs stratégiques ciblés.

Enfin, les avions de la force effectuent régulièrement des missions de reconnaissance.

Depuis le 19 septembre 2014 sans interruption, les chasseurs mènent une intense campagne aérienne qui porte ses fruits. La récente reprise des villes de Mossoul et de Raqqa en sont des exemples. « Nous arrivons dans une phase de stabilisation, confie l’un des pilotes. Notre travail s’oriente actuellement plus vers des missions de renseignement, que sur des frappes. »

La ministre a annoncé le 29 décembre 2017 que deux Rafale ont quitté la Jordanie. « Au Levant, l'opération Chammal s'adapte à la situation sur le terrain : Daech est à terre mais n'a pas disparu. En conséquence, deux Rafale viennent de rentrer en France; le reste du dispositif est pour l'instant maintenu et la formation des unités irakiennes se poursuit. »

Bilan

« Quelles que soient les conditions climatiques, ce sont plus de 21 800 heures de vol réalisées en 4500 sorties ainsi que plus de 340 rotations qui ont permis le transit de 5900 personnes et de 1600 tonnes de fret », explique le général Parisot.

Portraits de trois aviateurs au Levant

Organisée à l’image des plateformes françaises, avec quatre pôle majeurs (soutien technique, appui vie, protection et soutien opérationnel), la base aérienne projetée (BAP) accueille pas moins de 400 militaires de toutes les armes. La rédaction d’Air actualités a rencontré Nicolas, Mathieu et Dereck, trois aviateurs en opération extérieure au Levant.

Un armurier

L’adjudant Nicolas est armurier. Il est déployé pour deux mois au sein de l’opération Chammal. Après un premier mandat en début d’année, il revient pour nous sur les récentes évolutions du théâtre. « Un important travail d’infrastructure a été mené pour sécuriser l’armement et le personnel de la BAP. Quotidiennement, nous traitons avec les mécaniciens avions pour connaître les besoins en armement et le besoin d’assembler les munitions nécessaires. »

Un homme de terrain

Le sergent Mathieu, du groupement aérien d'appui aux opérations, en est à son deuxième détachement en Jordanie. Il revient sur son expérience. « Je suis venu en Jordanie en 2015, quelques mois à peine après l’ouverture du théâtre. Au niveau des infrastructures, ça a beaucoup évolué. Les équipes se sont relayées pour offrir à tous les militaires le confort nécessaire pour travailler. Nous avons d’abord travaillé sur les bâtiments en zone vie, on a réhabilité des bâtiments jordaniens dans le même temps.

 

Un binôme de choc

Dereck est un maître-chien aguerri. Il a parcouru bon nombre de théâtres avec son chien Leck. Aujourd’hui, il nous embarque dans une démonstration de force au format d’un groupe de protection intervention (GPI).

Un véhicule fonce à toute allure sur une zone désertique. D’un coup, il s’arrête net. Un chien descend du véhicule. Il renifle, flaire chaque recoin du véhicule et de son environnement. « Le chien intervient en complément d’une équipe EOD, confie le commando parachutiste de l’air. Il est capable de sentir une menace, soit un explosif avéré, plus rapidement qu’un humain. Si jamais on devait se faire attaquer pendant une phase de reconnaissance, l’ennemi serait retranché dans une pièce ; avant de rentrer, on lâcherait le chien pour le déstabiliser. Le chien court six fois plus vite que nous. Il a de nombreuses capacités inexploitées. »


Sources : © Armée de l'air
Droits : © Armée de l'air