Spationaute français et pilote de ligne, Thomas Pesquet est le 10e Français à être parti dans l’espace à bord de la station spatiale internationale. C’était le 10 novembre 2016. Lecteur du magazine Air actualités depuis son plus jeune âge, le scientifique de 39 ans a bien voulu répondre à nos questions. Une interview exclusive à retrouver dans le prochain magazine du mois de novembre 2017.
Connaissez-vous le magazine Air actualités qui, depuis plus de 50 ans, revient sur l’actualité de l’Armée de l’Air ? Avez-vous déjà eu l’occasion de le feuilleter ?
Oui bien sûr, je l’ai feuilleté plusieurs fois. Lorsque que j’étais enfant, Internet n’existait pas. Je me rendais donc chez le marchand de journaux pour feuilleter des revues et m’informer. Air actualités faisait partie de mes lectures.
Le magazine vous a-t-il influencé dans vos choix de carrière ?
Oui naturellement. Depuis l’enfance, je suis passionné par l’aéronautique et l’espace, mais étant fils d’enseignants et petit-fils d’agriculteurs, j’évoluais dans un milieu qui n’avait aucun lien avec ces deux domaines. Souvent, un jeune s’intéresse à un domaine sous l’influence de son entourage, qui lui facilite l’ouverture de certaines portes. Ce ne fut pas mon cas. C’est donc grâce à mes lectures et à ma curiosité que j’ai pu faire mes propres choix. Par exemple, celui d’intégrer l’école nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace de Toulouse (SUPAERO) ou encore de passer mon brevet de pilote. Toutes ces lectures m’ont fait rêver ! J’avais deux passions étant enfant : le basket, d’un côté, l’aéronautique et l’espace de l’autre. Je voulais être basketteur, pilote ou astronaute. J’ai rapidement éliminé l’option sportive au profit d’une carrière scientifique, plus accessible. À mon sens, les gens s’interdisent parfois de se lancer dans ces métiers-là, car ils ne savent pas qu’on peut y faire des carrières passionnantes, dans l’Armée de l’Air, l’aviation civile ou dans les agences spatiales. Au final, ce sont des carrières accessibles, raison pour laquelle des magazines comme Air actualités, c’est bien. Ils peuvent inciter les jeunes à tenter leur chance et à réaliser leurs rêves.
Vous êtes pilote de ligne depuis 2006 et avez plus de 2300 heures de vol à votre actif. Avez-vous jamais envisagé une carrière de pilote militaire ?
Oui, tout à fait. Plus jeune, j’ai envisagé de devenir pilote de chasse. C’était à l’époque de la guerre du Golfe. Mais je n’étais pas sûr de l’opportunité d’intervenir. Aussi, j’ai abandonné l’idée. J’ai décidé de me consacrer au domaine scientifique. J’ai énormément de respect pour les aviateurs, mais j’ai choisi une autre voie. Cela étant dit, je me demande encore parfois si j’aurais pu m’épanouir dans une carrière militaire.
Avez-vous eu l’occasion de piloter ou de voler sur un avion de chasse ou de transport de l’Armée de l’Air ?
Non, je n’ai jamais eu la chance de piloter ou de voler sur un avion de chasse militaire et ce, bien que j’ai des amis pilotes de chasse. Toutefois, lorsque j’étais étudiant à SUPAERO, j’ai eu l’occasion de réaliser plusieurs voyages à bord d’un Transall. Ce sont de très bons souvenirs.
Aimeriez-vous voler sur un avion de chasse français, un Alphajet de la Patrouille de France (PAF) par exemple ?
Oui, ce serait une très belle expérience. Je suis un grand fan de la PAF. J’ai eu l’occasion de rencontrer toute l’équipe lors du Salon aéronautique et de l’espace au Bourget en juin dernier. Je serais très fier de voler avec l’Armée de l’Air.
Avez-vous été inspiré par des personnalités comme le général Jean-Loup Chrétien, pilote de chasse, puis spationaute au CNES, ou encore le lieutenant-colonel Patrick Baudry ?
Bien sûr. J’ai eu l’occasion de les rencontrer tous, que ce soit Jean-Loup, Patrick, Michel Tognini ou encore Léopold Eyhart. Je rencontre très fréquemment le général Jean-Loup Chrétien, mon grand aîné ; nous avons des échanges très enrichissants, beaucoup de points communs. C’est très drôle ; nous pouvons passer des soirées entières à discuter malgré les 40 ans qui nous séparent.
Le métier de spationaute s’ouvre de plus en plus, en France mais aussi en Russie et aux États-Unis. Il existe aujourd’hui des scientifiques, des chercheurs, des ingénieurs qui deviennent spationautes. Cette ouverture s’est faite grâce notamment aux pilotes de l’Armée de l’Air qui ont ouvert la voie. J’ai beaucoup de respect pour eux.
Avant votre mission dans l’espace, nous imaginons que vous avez suivi un entraînement rigoureux. Pensez-vous qu’il soit comparable à un entraînement militaire ?
Oui et non. Je pense que les militaires sont beaucoup mieux entraînés que nous, en fait. Certes, nous devons avoir une forme physique optimale. Nous faisons du sport tous les jours, des stages de survie de temps en temps, mais nous ne sommes pas aussi engagés que les militaires le sont dans les opérations. Je pense que notre entraînement s’apparente davantage à celui des sous-mariniers de la Marine nationale. La station spatiale, c’est finalement un peu un sous-marin qui vole. Les armées sont une grande source d’inspiration pour nous.
Vous parlez du sport. Pour rester sur la question de l’entraînement physique, pratiquez-vous des exercices exigeants comme la centrifugeuse ? J’imagine que vous, c’est puissance dix.
Oui, je ne sais pas, il faudrait qu’on fasse un concours de centrifugeuse avec les pilotes de l’Armée de l’Air pour voir qui gagne ! Pour notre préparation, contrairement aux pilotes de chasse, nous subissons des G longitudinaux. Il n’y pas beaucoup d’accélération qui envoie le sang vers la tête ou vers les pieds, sauf légèrement à l’entrée dans l’atmosphère. Mais le décollage se fait en longitudinal, donc on est écrasé sur le siège. D’un autre côté, nous n’avons pas non plus de pantalon anti-G ou d’autre système. Pour ma part, je miserais plutôt mon argent sur les pilotes de l’Armée de l’Air.
Pour vous, les valeurs militaires et celles d’un spationaute sont-elles comparables ?
Il y a toujours une grande part, environ 30% à 50% des individus dans une promotion d’astronautes, qui a un passé militaire. Donc nous côtoyons leurs valeurs. Nous faisons partie du corps des astronautes européens, donc c’est pareil, on a une organisation un peu empruntée à l’armée. Et on a des valeurs. On a une charte, qu’on ne signe pas, mais qu’on mémorise et qui sous-tend notre action. On tente de s’en approcher ; c’est un peu difficile parce qu’on a des origines diverses. Parce qu’on voyage beaucoup, on n’est pas beaucoup ensemble, mais on essaie de soutenir l’esprit de corps et de se retrouver autour d’une charte et de valeurs communes.
Sources : Armée de l'air
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