À la fin du premier conflit mondial réapparaissent des modes d’action souterrains qui consistaient à creuser des galeries et placer des explosifs sous les positions ennemies. Le 8 août 1918, plus de 160 soldats français périssent dans l’une d’elles, dans l’Aisne.
Jeudi 8 août 1918. La seconde bataille de la Marne vient de se terminer. À 22 h 30, une explosion sourde retentie sur le plateau entre Ciry-Salsogne et Serches, dans l’Aisne. La terre a tremblé dans les boyaux et tranchées. Une galerie souterraine à 600 m au sud de Ciry, sur la route de Serches, vient de s’effondrer sous l’effet d’une mine allemande. Les hommes de deux unités de la 12e division d'infanterie y étaient rassemblés : deux sections du 54e régiment d'infanterie ainsi que la compagnie 6/1 du 9e régiment du génie.
En cette soirée d’été, les sapeurs rassemblés dans l’entrée de la carrière après la soupe du soir se préparent à monter en ligne pour effectuer les travaux de nuit. Les hommes du 54 sont pour la plupart installés au fond. La carrière est composée d’une unique galerie (aussi appelée ″creute″) de quarante mètres de profondeur dont l’entrée, large de 8 mètres, donne sur la route ; elle se rétrécit jusqu’au fond où sa largeur fait 4 mètres. Au milieu de la cavité : un chemin donnant accès à une sorte d’étage creusé dans la pierre et surplombé par la route ; c’est là que, depuis quelques jours, est posée la mine, composée de torpilles, destinée à faire sauter la creute et la route. La creute n’ayant pas explosé depuis le départ des Allemands, on suppose qu’elle ne présente plus aucun danger. Elle a été visitée par les officiers du génie. Ils ont découvert et neutralisé un dispositif de mise à feu, mais un autre mécanisme du type fusée d'obus GR.Z.04/14 équipé d'un allumeur à acide est dissimulé dans une des torpilles.
La creute était pleine de monde lorsque l’explosion se produisit. Un entonnoir apparut en surface, semblant indiquer l’existence de deux fourneaux (deux charges estimées à 300 kg chacune). Si l’hypothèse n’offre pas de certitude, étant donné les vides et fissures préexistants, il est certain qu’en dehors de l’action même des poudres, des effondrements se sont produits. L'ennemi avait non seulement bien dissimulé son piège, mais il a cherché à tromper les troupes françaises en réalisant une destruction sommaire de l'entrée, et en laissant une charge non amorcée, facile à découvrir.
Immédiatement après l’explosion, plusieurs officiers du poste de commandement du 54 dont le capitaine adjudant-major Remond arrivent sur le lieu de l’explosion où ils ne peuvent que constater le désastre. Les secours militaires permettent d'accéder rapidement à toutes les parties non effondrées de la carrière et d'en dégager les blessés et les corps sans vie. Mais ils sont ralentis par l'artillerie allemande, positionnée au Fort de Condé. Celle-ci a préréglé son objectif sur la sortie de la carrière. Elle effectue des tirs de harcèlement mélangeant les obus explosifs aux obus à gaz. Le déblaiement des décombres doit être interrompu.
Après deux jours de recherche, les galeries sont murées et les deux entonnoirs entourés de barbelés. Les dépouilles sont déposées dans un cimetière temporaire au-dessus de la carrière, avant que l’offensive ne reprenne... Le décompte est terrible. De nombreux blessés décéderont à l’Ambulance 16/22 de Villers-Cotterêts. Le bilan final fera état de 167 morts. Durant l'été 1919, de nouvelles recherches seront menées. Malheureusement, tous les corps ne seront pas extraits et reposent encore sous le plateau de ″forte terre″. Cette tragédie est l’une des plus importantes de la ″guerre des mines″ mais elle est restée dans l’oubli jusqu’à aujourd’hui.
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