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Le raid sur Koufra

Mise à jour  : 19/02/2018

Koufra est une oasis isolée, située à l'extrémité sud-est du désert libyen, à 1 200 km de Faya-Largeau et 2 200 de Fort Lamy. Le poste de Koufra constitue un point clé du dispositif frontalier entre Libye, Égypte et Soudan. C'est à ce titre, en liaison avec l'état-major du Caire, que Leclerc choisit cet objectif pour un raid motorisé dans la profondeur du dispositif ennemi. On estime que l'effectif de la garnison est de 400-800 hommes comprenant : un détachement aérien (avions légers) destiné à déceler toute incursion ennemie, une compagnie portée, la « Saharina di Cufra » avec 4 canons de 20 mm, 4 mitrailleuses lourdes, 11 mitrailleuses légères et bien adaptée au combat dans le désert. Enfin, la garnison du fort d'El Tag est de nature défensive, de la valeur d'un petit bataillon à 4 compagnies, soit 320 hommes avec 4 canons de 20 mm, 21 mitrailleuses lourdes de 12,7 mm et 32 mitrailleuses légères. 

En cas d'attaque, les Italiens sont entraînés à se défendre selon deux modes d'action : dynamiquement par des contre-attaques sous forme d'opérations de harcèlement ou de manière statique sous la forme de deux lignes de résistance successives et un réduit constitué par le fort. La faiblesse de ce dispositif réside dans l'absence d'artillerie, le peu de moyens motorisés pour mener des actions dynamiques et une planification trop rigide de la défense. La garnison, nombreuse, est donc entassée dans un réduit trop exigu. Conçu pour stopper des rezzous de dissidents indigènes, ou, au pire, des reconnaissances ennemies, le détail des défenses est ignoré de Leclerc qui saura rapidement en discerner les grandes lignes et les faiblesses.

Leclerc décide la mise sur pied d'une colonne motorisée à Faya et tout est conditionné par la capacité d'emport du parc automobile, la priorité étant donnée à l'eau et au carburant. Cette colonne représente les effectifs d'un petit bataillon à trois compagnies de deux sections. Dans ces conditions, le rapport de forces n’est pas favorable à l'assaillant qui va devoir jouer sur la surprise et la manoeuvre. Les appuis se limitent à deux groupes de quatre mortiers de 81 mm et deux canons de 75 dont un seul sera emmené. Une seule compagnie est équipée en compagnie de combat motorisée sur camionnettes Bedford. La troupe est composée de tirailleurs dont l'encadrement européen a été renforcé. La colonne « L » quitte Faya le 27 janvier 1941 pour rejoindre Ounianga, base opérationnelle avancée. Au prix de mille difficultés dues au terrain, la colonne atteint le poste frontière à 450 km de l'objectif, le 31 janvier. Par surprise, les patrouilles britanniques qui éclairent la colonne, sont attaquées et en partie détruites. Le reliquat se replie. La surprise ne peut plus jouer, mais Leclerc maintient ses ordres et décide de lancer une opération de reconnaissance sur Koufra grâce à la compagnie motorisée qui débouche le 5 février et atteint l'oasis le 7. Tout en attaquant le terrain d'aviation, une station gonio est détruite. Au retour de ce raid, Leclerc estime possible la prise du fort, d'autant qu'au même moment, l'offensive britannique de Wavell en Cyrénaïque rencontre de beaux succès. Précédée de la compagnie motorisée en avant-garde au sein de laquelle marche Leclerc, la colonne reprend sa progression. Repérée par un avion, elle déborde l'oasis pour aborder la « Saharina » à front renversé. La compagnie italienne est manoeuvrée, rejetée hors des accès du fort mais non détruite.

Le lendemain, 19 février, la « Saharina  » effectue un retour offensif. À 10 véhicules contre 13, Leclerc contre-attaque. La compagnie ennemie est fixée et débordée par deux pelotons. Les restes se replient. La « Saharina », seul ennemi manoeuvrant, est éliminée.

Leclerc a toujours commandé de l'avant. Les pelotons, commandés par des capitaines, sont en fait des petits escadrons de 12 voitures. Leclerc décide alors d'investir le fort, de lancer continuellement des attaques de harcèlement, mais pas d'action en force. La séquence du canon de 75 changeant en permanence de position de batterie est connue. Les tirs de mortiers sont coordonnés avec lui. Toute tentative de sortie est aussitôt bloquée par le feu. Leclerc a pris ses dispositions pour un siège de longue durée, ses liaisons vers l'arrière étant assurées.

Le bombardement systématique du fort (la station radio et le mess) commence à produire ses effets. Le 1er mars, un officier observateur aperçoit un drapeau blanc sur une superstructure du fort. Un officier italien sort et entame une longue négociation. Excédé, Leclerc monte dans un véhicule et franchit la porte du fort. Le commandant d'armes de ce-dernier, subjugué par tant d'audace, réunit ses officiers et capitule. À 14 heures, la garnison ennemie défile devant le général Leclerc. Les pertes sont légères et les Italiens abandonnent 4 canons de 20 mm, 32 mitrailleuses Fiat, 35 fusils mitrailleurs, 3 mitrailleuses de 12,7 et 14 véhicules. Les Askaris sont désarmés et renvoyés dans leurs tribus.

Les Français comptent, dans leurs rangs, 4 tués dont un européen, et 21 blessés dont 4 officiers. Un commandant d'armes français est nommé et, conformément aux directives du général de Gaulle, une garnison occupera le fort durant toute la guerre. L'ère du chameau dans le désert laisse place aux raids motorisés. C'est en hissant les couleurs françaises sur le Fort que Leclerc a prononcé son « Serment  »  : ne déposer les armes que lorsque les couleurs françaises flotteront à nouveau sur Metz et sur Strasbourg. Né en 1902, le jeune général Leclerc appartenait à la promotion de Saint Cyr « Metz et Strasbourg ».

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