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Brexit, convergences avec les Allemands, coopération transatlantique - Interview du général Lockhart, chargé des relations internationales de l’armée de Terre

Mise à jour  : 12/12/2017

L’armée de Terre peut se prévaloir d’une capacité à générer et soutenir des coopérations. Ces dernières s’expriment notamment par son aptitude à intégrer des Alliés et à commander une opération militaire en tant que nation-cadre, de même que sa capacité à s’intégrer dans une coalition. Au sein de l’état-major de l’armée de Terre, un bureau, commandé par le général Lockhart, est ainsi dédié à ces relations internationales. Alliances, collaboration transatlantique, Brexit, convergences avec les Allemands... L’officier général dresse un point des coopérations menées par l’armée de Terre française.

Mon général, pourquoi l’armée de Terre coopère-t-elle avec des armées étrangères ?

En 2017, riche de l’expérience durement acquise lors de ses engagements récents et en pleine maturité, l’armée de Terre française compte parmi les premières d’Europe. Elle tire aussi sa force des partenariats opérationnels noués avec ses alliés et voit dans la coopération internationale un terrain idéal pour valoriser son expertise.

A l’été 2014, le chef d’état-major de l’armée de Terre a engagé la transformation de l’armée de Terre au travers du modèle « Au contact », motivée notamment par un contexte stratégique où les menaces se durcissent et se rapprochent du territoire national. Ce nouveau modèle offre la possibilité de développer de nouvelles synergies multinationales et bilatérales.

Parallèlement, l’armée de Terre a formalisé sa réflexion sur les engagements de demain dans l’étude ATF (armée de Terre future). Ainsi outillée, elle peut partager avec d’autres son analyse des menaces, de l’évolution des engagements et des coopérations nécessaires, développant fortement les relations avec les pays capables de s’engager demain à nos côtés. Enfin, et parce que l’action internationale sert également à préparer l’avenir, l’armée de Terre a établi des contacts réguliers avec de nombreux autres pays.

Quelles formes ces actions prennent-elles ?

Les relations internationales militaires conduites par l’armée de Terre visent trois objectifs :

  1. la recherche de l’interopérabilité, c’est-à-dire la capacité à conduire une opération avec un ou plusieurs partenaires ;
  2. l’appui aux opérations ;
  3. le soutien aux exportations d’équipements aéroterrestres.

Ces activités, rassemblées sous forme d’un plan de coopération entre armées de Terre, peuvent prendre des formes très variées selon l’effet recherché, l’intensité de la relation et la visibilité souhaitée. Rencontres entre autorités militaires, partages de doctrine ou d’expertise technico-opérationnelle, stages de formation,  instruction opérationnelle, échange d’officiers, … La panoplie des actions envisageables est très large. Aujourd’hui, grâce à son expertise opérationnelle et à la qualité de ses forces, l’armée de Terre peut rayonner très largement à travers son réseau à l’étranger.

Y a-t-il un effort vers certains types de coopération ou certaines zones géographiques ?

La coopération de l’armée de Terre  s’oriente naturellement vers les partenaires avec lesquels nous partageons des valeurs communes, une même vision des menaces et qui sont capables de s’engager à nos  côtés. La relation Transatlantique occupe une place privilégiée mais non exclusive.

Cette coopération s’exerce également en Afrique subsaharienne et  dans le bassin méditerranéen  avec les pays qui partagent une perception commune des enjeux de la lutte contre le terrorisme.  Elle s’étend naturellement à nos partenaires  du  Proche et du Moyen Orient.

L’armée de Terre entretient par ailleurs une coopération et des contacts suivis  avec les partenaires stratégiques de la France en Asie. Elle s’appuie pour cela sur ses forces de souveraineté présentes dans les  départements-régions d’outre-mer (DROM) et les collectivités d’outre-mer (COM).

Enfin,  au travers du volet  « soutien aux exportations » (SOUTEX) de la coopération,  l’armée de Terre contribue à la promotion de l’excellence industrielle française à l’étranger.

La coopération avec l’armée de Terre allemande est très avancée, notamment dès la formation initiale. Pouvez-nous éclairer sur ce sujet ?

C’est déjà une histoire ancienne ! Depuis 2006, les armées de Terre française et allemande mettent en œuvre un programme de formation initiale commune de leurs élèves–officiers. Sans équivalent en Europe, ce programme ambitieux est un bel exemple de coopération militaire approfondie. Il contribue de manière décisive au renforcement de l’interopérabilité en offrant à ces jeunes cadres une remarquable expertise binationale.

Recrutés parmi les bacheliers trilingues au terme d’un processus de sélection exigeant, les EOFIA (élèves officiers en formation initiale en Allemagne) suivent un cursus militaire et académique de haut niveau dans les écoles d’officiers et les universités de la Bundeswehr, tandis que les EOFIF (élèves officiers en formation initiale en France) effectuent deux années de classes préparatoires au lycée militaire de St-Cyr, avant d’intégrer pour trois ans l’Ecole spéciale militaire.

Au terme de cinq années de formation effectuées dans le pays partenaire, les officiers issus de cette filière exigeante (3 à 5 de chaque nation par an) rejoignent leur armée d’origine pour effectuer leur formation d’application et prendre ensuite la tête d’une section ou d’un peloton. Plus tard dans leur carrière, ces officiers seront naturellement appelés à exercer des fonctions dans un environnement franco-allemand et multinational.

Le Brexit change-t-il quelque chose à la coopération initiée par le traité de Lancaster House ?

Jusqu’à présent, le vote sur le Brexit de l’été 2016 n’a pas eu d’impact sur la coopération que nous entretenons avec l’Army, qui reste parmi nos partenaires majeurs. La capacité expéditionnaire commune qu’offre la Combined Joint Expeditionary Force (CJEF), initiée par les traités de 2010, illustre cette relation. Sa composante terrestre prévoit le déploiement de deux brigades sous le commandement d’un état-major divisionnaire binational. La capacité opérationnelle de la CJEF sera prononcée en 2020.

La coopération Terre bénéficie de la vision partagée par le général BOSSER, chef d’état-major de l’armée de Terre, et son homologue britannique à la tête de l’Army, le général CARTER. A leur suite, les deux armées de Terre travaillent avec détermination à l’amélioration de leur interopérabilité.

De nombreux défis demeurent, notamment dans le domaine des systèmes d’information et de communication (SIC) ou du développement capacitaire. Les liens entre l’armée de Terre et l’Army se renforcent entre brigades et régiments (Bonds of Friendship). À cela s’ajoute le partage d’espaces d’entraînement du programme Gaulish, concrétisant l’action commune sur le combat en zone urbaine. Le partage d’expériences sur nos visions de l’assistance militaire opérationnelle pose les fondements d’une coopération potentielle.

Au quotidien, nos réseaux denses d’officiers de liaison et d’échange contribuent à faire vivre la coopération. L’échange d’officiers généraux avec l’intégration du général BIZEUL au sein de la 1st (UK) Division et celle du général NOTTIGHAM au sein de la 1re Division (FRA), illustre le niveau de confiance atteint entre les deux armées de Terre.

Lancaster House offre un cadre propice à une relation de qualité entre nos armées. Cette qualité se mérite par une exigence de résultats communément acceptée. C’est en opérations conjointes que nous vérifierons l’atteinte des objectifs de notre coopération, par exemple le déploiement conjoint en Estonie dans le cadre d’eFP (enhanced Forward Presence).

Le prochain sommet franco-britannique, prévu en janvier 2018, permettra sans doute des avancées.


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