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Général Barrera en Serbie : « Je souhaite que nous cultivions cette mémoire ensemble »

Mise à jour  : 12/11/2018

Dans le cadre du centième anniversaire de la fin de la première guerre mondiale, le général Barerra, major général de l’armée de Terre, s’est rendu ce week-end au cimetière militaire français de Belgrade. Comme l’explique l’officier au journal serbe « Blic », ce déplacement est la preuve de tout l’intérêt de l’armée française pour les opérations du front d'Orient.

Mon général, l’alliance entre nos deux pays et leurs armées se reflète mieux dans la première guerre mondiale. De quelle manière voyez-vous et comment vous souvenez-vous de cette alliance ?

La Grande Guerre a été le moment de la plus étroite alliance militaire franco-serbe. Nos pays y ont subi les pires pertes de leur histoire : 1,7 million de morts pour la France et 1,25 million pour la Serbie, celle-ci étant le pays le plus meurtri du conflit en proportion de sa population. La France ne peut oublier que c’est ensemble que nous avons combattu et souffert pour assurer notre liberté.

Aujourd’hui encore, plusieurs symboles rappellent cette alliance en France et en Serbie : un grand nombre de rues en France portent le nom de Franchet d’Espérey, un monument au Régent Alexandre a été installé à Paris après la guerre.

Plus récemment, le 17 septembre, avec l’attaché de défense serbe à Paris, nous avons baptisé une grande salle de mon état-major de l’armée de Terre du nom de « Dobroprolje » - notre grande victoire commune du 15 septembre 1918. Trois jours plus tôt, avec l’Ecole de Guerre de Belgrade, nous étions ensemble sur ce champ de bataille, 100 ans après la victoire de nos ainés.

Réciproquement, de nombreux symboles rappellent notre alliance en Serbie : je mentionnerai bien sûr le Monument de reconnaissance à la France ou les cimetières militaires français de Belgrade et Zajecar. Mais j’ajouterai que la mémoire de notre histoire commune perdure au sein des familles serbes et françaises, et le souvenir de l’Armée d’Orient reste bien présent dans la mémoire collective. 65.000 soldats français sont tombés pendant cette campagne.

Je souhaite, pour l’avenir, que nous cultivions cette mémoire ensemble car il s’agit d’un patrimoine historique et humain sur lequel nos deux pays peuvent et doivent capitaliser pour construire leur avenir.

Quels sont les messages sur cette alliance que vous transmettez cent ans plus tard ?

Ma venue à Belgrade s’inscrit dans le cadre mémoriel du centenaire de la première guerre mondiale et n’a aucune motivation politique. Je représente l’armée française, ce qui est d’ailleurs mentionné sur la gerbe qui a été déposée au mémorial serbe des libérateurs de Belgrade, au cimetière de Novo Groblje.

Je suis venu avec une délégation militaire et le drapeau d’un régiment qui a participé à la campagne éclair de 1918, d’Uskub à Belgrade. En tant que soldat, je viens rendre hommage aux Poilus français, serbes, italiens, grecs et russes, qui ont combattu côte à côte sur les champs de bataille des Balkans pour parvenir à la libération de la Serbie. Il s’agit d’un geste de soldat qui veut honorer la mémoire de ses anciens qui sont tombés sur le front de Salonique.

Il s’agit également d’inciter le grand public, en France et en Serbie, à s’intéresser à cette période, à mieux la découvrir et la connaitre. Les cérémonies qui ont eu lieu ces derniers mois en Serbie, la réalisation d’une exposition itinérante organisée par l’ambassade de France et l’Institut Français ont ainsi marqué cette période de commémorations.

Quelles sont les batailles les plus importantes ou les moments les plus brillants ? Nous savons que la France est l’un des principaux belligérants du front de Salonique.

Depuis 2014, la Serbie et la France ont commémoré les grands épisodes de ce conflit. Les batailles du Cer et de la Kolubara, tout d’abord : de grandes victoires remportées par la Serbie seule et qui ont offert aux Alliés leurs premiers grands succès de ce conflit. La France y a apporté sa modeste contribution avec la présence en Serbie d’équipes médicales, de conseillers militaires (artilleurs surtout) ainsi que d’aviateurs, qui ont assuré la couverture aérienne des opérations (escadrille MF-99 basée à Smederevska Palanka).

Nous avons ensuite souhaité commémorer, en 2015 et 2016, l’évacuation de l’armée serbe par la marine française vers Corfou, un sauvetage par mer qui a été un des plus importants de l’Histoire – avec près de 162 000 militaires et civils évacués en 3 mois - prélude à la reconstitution de l’armée serbe avec l’aide de l’armée française (armement, équipement, formation).

Dès 1916, les 140.000 soldats des deux armées serbes des Voïvodes Misic, Bojovic, Stepanovic, avaient rejoint le front sur l’actuelle frontière grecque. Nos Poilus français avaient l’habitude de dire que leurs frères serbes étaient l’honneur de l’Armée d’Orient. Leur détermination, qui força l’admiration, a constitué un facteur déterminant dans les grandes victoires décisives de Kaijmacalan, du Dobropolje, d’Uskub (Skopje), du Lac Doiran, de Prokoplé, de Nic qui ont permis la percée du Front d’Orient en septembre 1918, puis la libération de la Serbie en un mois (octobre 1918), jusqu’à la libération de Belgrade le 1er novembre, puis de la Roumanie.

In fine, ce que nous commémorons, c’est la coopération de tous les instants entre les 140 000 soldats serbes et leurs 225 000 camarades français, qui ont souffert ensemble pour la libération de la Serbie et la fin de la 1re guerre mondiale. C’est sur le Front d’Orient que les premières armistices ont été signées : la Bulgarie le 25 septembre, l’Autriche Hongrie le 3 novembre.

Quelle est la signification et le symbolisme de votre visite à Belgrade cent ans après la fin de la première guerre mondiale ?

Le 1er novembre aux côtés de l’ambassadeur de France, j’accompagnais le ministre des Anciens combattants français, ici, à Belgrade, pour fêter le centenaire de la libération de Belgrade. Je suis revenu aujourd’hui pour marquer la fin de la guerre et rendre hommage à ceux qui ont donné leur vie pour la Paix et la liberté, ceux qui ont partagé la chaleur, le froid, les maladies, les privations dans les tranchées d’Orient.

Jeune officier, je m’étais passionné pour cette histoire commune. J’ai eu la chance de connaître les derniers Poilus en France et en Serbie. Je garde en mémoire la rencontre inoubliable des Solunac Cirkovic et Panic, à Paris en 1985 et, l’année suivante, l’accueil dans leurs fermes, au milieu de leurs familles. Avant d’aller visiter leurs champs de bataille plus au sud, j’avais tenu à saluer ces hommes fiers, ces frères d’armes devenus des amis. C’est eux que je suis venu saluer aujourd’hui, eux et tous ceux à qui nous devons notre liberté.

C’est pour moi un honneur de contribuer à maintenir la vivacité de cette fraternité d’armes forgée entre nos deux pays il y a 100 ans.


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