Gravées, brodées, sculptées, les références animales sont omniprésentes dans la vie militaire. Un engouement historique toujours d’actualité. Symbole de protection au combat, ces représentations permettent aussi de rassembler les troupes autour de valeurs communes.
Sur une des lucarnes de l’Hôtel des Invalides à Paris, un lion est gravé dans la pierre. Symbole de domination, cet animal fixe pourtant avec effroi le soleil, emblème du roi Louis XIV. Cette figure renvoie aux principaux adversaires vaincus par le monarque. Éléphant, aigle, les multiples bestiaux ornant les façades de l’hôpital militaire attestent de l’omniprésence des animaux dans l’imaginaire du soldat. Cette coutume puise ses origines dans une pratique culturelle beaucoup plus large : l’homme, en quête de symboles, a toujours eu recours aux figuratifs animaliers. Au cours de l’Histoire, on trouve des représentations sur les armes et les armures faisant office de talisman pour se protéger de l’ennemi. Dans l’Antiquité, les soldats partaient au combat revêtus d’une peau d’ours ou de tigre, pour s’emparer de l’instinct prédateur. Au XVIIe siècle par exemple, les combattants arboraient des tenues agrémentées de peaux d’animaux comme le bonnet à poil d’ours de la garde impériale. Ces pratiques ont aujourd’hui bien changé. Elles restent pourtant d’actualité. « Donner des noms de bêtes féroces aux hélicoptères de combat n’est pas anecdotique,» indique Sylvie Picolet, de la division recherche historique et action pédagogique du musée de l’Armée. Là encore, les combattants cherchent à s’approprier les qualités de l’animal. »
L’usage de l’animal ne se réduit pas à une fonction de porte-bonheur. Utiliser des dessins animaliers permet de se mettre en scène tout en étant compris de tous, tel un langage universel. En témoignent les journaux des tranchées de la Grande Guerre, comme Le canard poilu et Le lapin à plumes. Pour raconter leurs conditions de vie, les Poilus ont eu recours aux dessins de puces, de poux et de cafards.
Dans de nombreuses illustrations, les Allemands furent représentés par des insectes nuisibles tel le doryphore en raison de leur grande consommation de pommes de terre. Des dessins décrivant des champs de bataille montrent le corbeau représentant la mort sans pour autant la nommer. Les animaux figurent aussi sur des cartes postales, des affiches. C’est un vieux recours utilisé dans l’imagerie de guerre. « Les dessins de presse sont un moyen de parler de soi ou de ridiculiser l’ennemi tout en dédramatisant », relate Sylvie Picolet. Si les représentations animalières permettent de raconter ou de se moquer, elles servent aussi de symboles : les insignes de traditions des unités en sont une des manifestations les plus parlantes.
Près de deux insignes sur trois dans l’armée de Terre comportent des animaux réels ou imaginaires. En choisissant un animal pour effigie, le soldat s’en attribue les vertus guerrières : chaque animal est porteur d’une réputation. Les unités commandos choisissent souvent la panthère, le tigre ou le cobra, marquant le caractère dangereux de la mission. D’autres raisons expliquent le choix d’un type d’animal. Certains animaux symbolisent une région : l’écureuil des Landes, le raton-laveur de Guadeloupe ou le koudou du Tchad, etc. La représentation animale sur les insignes est un moyen de transmettre l’histoire et les traditions. Personnalisant l’unité d’appartenance des combattants, l’emblème animal permet de les souder autour de valeurs et de références communes.
Cet article est initialement paru dans Terre information magazine n°312, juillet 2020
Crédits photos : SCH Jérémy Bessat - Musée de l'Armée, collections privées
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