Accueil | Terre | Actu Terre | DE 1914 À 1945 Quelle coiffure pour le soldat ? Terre ... Actu Terre | DE 1914 À 1945 Quelle coiffure pour le soldat ?

DE 1914 À 1945 Quelle coiffure pour le soldat ?

Mise à jour  : 19/01/2019 - Auteur : Jean-Baptiste Petrequin

La coiffure des soldats a toujours eu de l’importance pour ces derniers. De 1914 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les hommes ont influencé les règlements militaires. Du bonnet de police modèle 1891, au béret de 1940, retour sur cet élément clé de la tenue du soldat.

À l'entrée en guerre en 1914, le bonnet de police modèle 1891 est la coiffure de repos de l’armée française, confectionnée en drap gris de fer bleuté ou bleu foncé pour les chasseurs. Apparu à la fin du siècle précédent, son usage le destine aux corvées ou à la salle de police (locaux d’arrêts). Certains officiers de cavalerie l’adoptent car il est plus pratique à emporter en manœuvre où le casque demeure de rigueur. Avant le conflit, des officiers font déjà faire des calots de style ”empire”, rappelant l’ultime évolu-tion du bonnet à la dragonne : plus simple, plus souple et associé à une image traditionnelle. En 1917, nombre de soldats portent cette coiffure aux pointes prononcées, alors du dernier chic. Le journal de tranchée  La musette du 20 mai 1918 met ainsi à mal le modèle du paquetage : « Le Français a le sens du ridicule. C’est pour-quoi aucun poilu ne porte le petit calot réglementaire ». Tout ceci conduit à l’adoption d’un nouveau bonnet de police en août 1918.

LE CALOT À GRANDES POINTES

L’errance réglementaire de la guerre et les circonstances ne jouent pas en la faveur du calot modèle 1891. En raison des pénuries, l’intendance fait confectionner des effets en tissu ersatz, tel que du velours côtelé, généralement marron. Le calot est abandonné à l’été 1915, au profit d’un éphémère béret en drap bleu horizon. Devant la bronca des troupes alpines, le bonnet de police revient désormais en drap bleu horizon ou kaki moutarde pour les troupes coloniales et d’Afrique. En cette fin de conflit, la matière première reste une res-source précieuse. Le nouveau modèle de bonnet de police ne comporte que trois pièces de drap et une de tissu de lin écru pour le bandeau de transpiration. Il est facile à produire et cor-respond à son époque : populaire, à la mode, peu cher. 

Dès la deuxième moitié des années 1920, il commence à être décrié. Le journal l’Humanité1 évoque « le sort du conscrit sortant dans Paris avec son calot à grande pointes : Ceux qui ont quelques sous achètent un calot fantaisie. Les autres rentrent les pointes du calot réglementaire. Ils ressemblent un peu moins à des gosses coiffés du bonnet d’âne. Avec ça on a toujours l’air un peu moins nouille ». Du point de vue réglementaire, il est amené à être supplanté par le képi de retour lui aussi.

Ses deux grandes pointes si appréciées durant la Première Guerre mondiale ne sont plus au goût du jour. Les moins fortunés les rentrent, car la détérioration d’un effet réglementaire entraîne une punition. Ceux qui bénéfi-cient de plus de subsides font confectionner des modèles en drap fin aux pointes arrondies.

LE BÉRET, UN CONCURRENT DE TAILLE

Un autre concurrent de taille fait rage à cette époque, le béret : il est adopté par les troupes de for-teresse fraîchement créées pour servir les ouvrages de la Ligne Maginot. Distribué, faute de mieux à de nombreux ”Poilus de 40”, le béret est souvent la coiffure qu’ils emmènent en captivité dans leurs maigres paquetages. En somme, il symbolise le soldat français vaincu au cours de ces mois de mai et juin 1940 alors qu’il coiffait le glorieux ”Poilu de 18”. Il doit désormais disparaître pour laver l’affront. L’armée d’ar-mistice développe son propre modèle d’uniforme sous le millésime 1941. Tout y est revu afin de donner le sentiment d’une armée jeune et active. En novembre 1940, il est question de les confectionner aux couleurs d’arme mais cette option est abandonnée. Le modèle réglementaire se présente donc sous la forme d’un bonnet de police de drap kaki inspiré du modèle 1918 aux bords croisés sur la droite devant et derrière.

Le journal amusant du 31 mars 1923 avait clôturé sa satire de la disparition progressive du bon-net de police au profit du képi en ces termes quelque peu prophétiques : « En tout cas, si le calot renaît, espérons que ce sera dans une autre circonstance que celle que vous savez ! » En effet, ce n’est pas une armée victorieuse qui crée le bonnet de police de tradition mais une armée vaincue qui cherche avec les Alliés, la victoire finale sur l’Allemagne nazie. C’est au sein de l’armée de Libération que vont naître ces coiffures colorées qui font leur retour actuellement.

« Il était populaire, ce menu bout d’étoffe campé sur l’oreille avec dédain et crânerie. Toutefois, êtes-vous sûr qu’il est mort ? » (Op. cit) Il réapparaît en effet quelques décennies plus tard, coiffant les marsouins et bigors. À la professionnalisation, le bonnet de police refait surface comme accessoire de tradition. Les troupes de marine optent alors pour celui porté par le 1er bataillon d’infanterie de marine depuis son passage en Afrique du Nord durant la Seconde Guerre mondiale : un modèle 1918 aux pointes arrondies mais aux couleurs de tradition. 

1 Édition du 2 avril 1926 dans la tribune « du soldat et du marin ».


Droits : Armée de Terre