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1995 : L’engagement du groupement d’artillerie Leclerc, le 40e RA porte le feu depuis Igman

Mise à jour  : 30/05/2017

En 1995, l’ONU (organisation des Nations-Unies) est engagée, depuis près de 3 ans, en Ex-Yougoslavie et tout particulièrement en Bosnie où une guerre fratricide oppose Serbes, Bosniaques et Croates. Hier, citoyens d’un même pays, ces groupes ethniques s’opposent violemment depuis le 6 avril 1992 dans des combats meurtriers où la population est souvent la première victime des snipers, massacres et autres bombardements commis par les diverses factions au mépris de toutes les conventions internationales. La FORPRONU, qui engagera 38 000 soldats pour tenter de protéger les civils et maintenir la paix, se heurte à l’obstination militaire des parties prenantes qui ne respectent que rarement les accords, cesser le feu ou zones tampon.

Les casques bleus perdront ainsi 167 des leurs (dont 52 soldats français) et plus de 700 blessés. Les pays de l’OTAN décident alors de créer le 3 juin 1995 une Force de Réaction Rapide (FRR) sous couvert de la résolution 998 de l’ONU pour appuyer la FORPRONU. Elle compte 4500 hommes dont 2000 Français commandés par le général Soubirou. C’est dans ce cadre que les canons AUF1 de 155mm du 40e RA et les mortiers de 120mm du 2e REI vont s’illustrer sur le Mont Igman et permettre de mettre fin aux attaques serbes autour de Sarajevo.

Si des reconnaissances ont déjà été menées au printemps en Croatie et en Bosnie pour valider l’emploi des canons automoteurs, le 40e RA reçoit l’ordre de commencer la mise sur pieds d’un groupe d’artillerie (GA) à 8 pièces avec son soutien, ses structures de commandement et ses observateurs avancés le 19 juillet. En cours de professionnalisation, le régiment va déployer de nombreux engagés volontaires ultérieurs, c’est-à-dire des appelés qui viennent, avec la suspension de la conscription, de signer un contrat d’engagement.

Le 26 juillet, matériels et personnel arrivent à Toulon par voie ferrée avant d’embarquer sur un navire qui appareille le 28 pour les côtes croates.

Arrivés à Ploce le 1er août, les AUF1 sont chargés en munitions et organisés avec les autres véhicules (VOA, VAB, VBL, camions,…) en 5 convois. Ces derniers peinent à rejoindre leur zone de déploiement car franchir chaque barrage des belligérants implique des négociations et bras de fer politico-militaires. Les routes qui mènent au Mont Igman sont difficiles et dangereuses, car prise sous le feu de tireurs isolés. La brigade multinationale se déploie néanmoins en mettant en oeuvre une chaîne de commandement de circonstance pour coordonner son action. Une cellule d’appui feu est créée ou FSCC (Fire Support Coordination Cell), ainsi qu’une cellule ciblage pour préparer les frappes. Les officiers et sous-officiers français y côtoient les cadres des pays alliés ou d’autres régiments qui disposent également d’artillerie. C’est le cas du 2e REI avec ses 120mm, du 24e régiment d’artillerie britannique avec ses canons de 105mm LG et des Hollandais.

Le 22 août dans la journée, un poste de l’ONU dans Sarajevo tenu par des casques bleus égyptiens est battu par des feux serbes faisant plusieurs blessés. Une riposte est ordonnée sur la batterie qui a ouvert le feu et qui a été décelé par un radar de contre-batterie TPQ36. Les AUF1 qui sont déjà en place tirent 6 coups à 22 km vers 20h30 et neutralisent les objectifs. C’est le premier tir des canons français en opérations extérieures depuis bien longtemps et c’est un succès démontrant l’efficacité de nos artilleurs.

Le dernier convoi arrive sur Igman le 27 août midi et le GA8 est au complet et prêt. Suivent la préparation d’autres tirs, le repérage d’objectifs mais aussi l’installation des équipes d’observation, du PCR comme du TC2. Les plans de feux sont préparés en coordination avec l’ensemble des effecteurs disponibles.

Le 28 août, la situation se tend dans le secteur de Sarajevo après le bombardement par une des factions du marché de Markkale, qui fait 35 morts et 70 blessés civils. La FRR reçoit alors la mission de participer aux frappes importantes prévues le 30 août pour desserrer l’étau autour de la ville. Cette opération débute tôt le matin par des bombardements menés par l’aviation de l’OTAN avant que les canons et mortiers ne tonnent pendant plus de deux heures. Les milices sont surprises par la précision et la brutalité des tirs de la FRR, notamment des tubes de 155mm français dont chaque tir compte de 30 à 50 coups d’efficacité en 2 minutes. Dans la matinée, les tirs de contre-batterie répondent aux canons serbes qui tentent de riposter puis, dans l’après-midi les AUF1 reçoivent l’ordre de frapper les dépôts serbes de Vogosca avec 48 obus qui pulvérisent les bâtiments. Entre temps, 5 VOA français sont descendus dans Sarajevo afin d’observer puis régler jusqu’à 19h00 les tirs sur les positions serbes qui prennent les casques bleus pour cibles. Le 1er septembre, de nouveaux tirs et frappes aériennes sont conduites. En deux jours la brigade multinationale a fait tirer 1070 coups, soit 357 de 105mm britanniques, 290 de Mo120 français, 118 de Mo120 néerlandais et 305 d’AUF1.

Courant septembre, d’autres tirs sont menés jusqu’au 10 septembre à chaque fois que les Serbes tentent d’agresser les forces internationales. Cet engagement parfois oublié de l’artillerie française lors d’une opération extérieure démontre, s’il en était besoin, l’importance des appuis dans la manoeuvre interarmes mais aussi son rôle pour garantir la liberté d’action d’une force au sol. La puissance des feux indirects, leur précision, leur réactivité comme leur permanence en font un atout tactique dans tout le spectre des missions, de la contre insurrection à la stabilisation en passant par les conflits de haute intensité et, aujourd’hui, les conflits hybrides. 

Comme leurs aînés d’hier, les artilleurs sont engagés sur tous les théâtres d’opération pour apporter le feu chez  l’ennemi aux côtés de leurs camarades des autres armes. 


Sources : Soldats de France n°1
Droits : Armée de Terre 2022