Le 6 avril 1917, les États-Unis entrent en guerre sur le théâtre européen aux côtés de l’Entente. À cette date, l’armée américaine ne compte que 150 000 hommes1 auxquels s’ajoutent un état-major inexpérimenté, des instructeurs peu au fait de la spécificité d’une guerre de tranchée, et une absence de matériels et d’armes modernes.
Le maréchal Joffre est dépêché aux États-Unis du 24 avril au 15 mai, avec pour mission de « déterminer sans retard et dans leurs grandes lignes, les directives de la coopération des forces américaines avec les armées alliées ».
L’accord signé le 14 mai 1917 entre Joffre et le secrétaire américain à la Guerre Nexton Diehl Baker prévoit une complémentarité entre les instructions dispensées aux États-Unis et en France. À ce titre, une mission militaire française est envoyée sur place afin de partager son expérience acquise dans les tranchées, d’identifier les besoins américains tant en hommes qu’en matériels, et d’organiser l’instruction du corps expéditionnaire américain. Les soldats sont ensuite envoyés en France pour compléter leur formation.
Forte de trois années d’une expérience de guerre de tranchée, l’armée française est épuisée et attend beaucoup de l’armée américaine. Toutefois, le général Pershing, commandant en chef des troupes américaines, a reçu des instructions claires de Baker : coopérer avec les Alliés mais en préservant l’intégrité de ses forces. En juin 1917, trois phases d’instruction progressives se succèdent. L’artillerie et l’infanterie divisionnaires américaines sont instruites dans des camps français séparés ; les camps du Valdahon, Meucon, Coëtquidan, Souge accueillent l’artillerie, tandis que l’infanterie s’installe à Neufchâteau, Darney et Gondrecourt. Par la suite, les bataillons américains s’aguerrissent et se confrontent à la guerre de tranchées sur le front de Lorraine, jugé plus calme, intercalés entre les unités françaises. Suit enfin une instruction collective divisionnaire, conduite au camp de Neufchâteau. Une quatrième phase, souhaitée par les Français, prévoyait un engagement progressif des divisions américaines intercalées entre des éléments français. Pershing, qui la perçoit comme une tentative pour lui imposer l’amalgame de ses troupes, la refuse. Le 27 août 1917, un nouveau cursus de formation est défini. L’instruction de la troupe américaine se fait au sein de sa division, sous l’autorité de son chef, afin de la préserver de toute influence étrangère. Le 8 septembre, Pershing met fin au jumelage des unités franco-américaines : les Américains se forment désormais seuls, avec toutefois l’aide de 15 officiers instructeurs français par division américaine.
Engagées dans le conflit, et en attendant que l’économie américaine soit reconvertie en économie de guerre, les armées anglaises et françaises équipent et arment l’armée américaine. Les fusils utilisés sont de type britannique Enfield, déjà fabriqués aux États-Unis au profit des Anglais. La France fournit aux Américains leurs armements lourds et une grande partie de leurs munitions : les canons de 75 mm et 105 mm, les obusiers de 155 mm, la quasi-totalité de leurs chars, une grande partie de leurs canons à longue portée et de leurs avions, 57 000 mitrailleuses et fusils mitrailleurs, 10 millions d’obus et plus de 206 millions de cartouches. Ce n’est qu’en juillet 1918 que la mitrailleuse Browning remplace la Hotchkiss, et les premiers chars, avions et canons de fabrication américaine n’arrivent en France que peu de temps avant l’Armistice du 11 novembre. Entre l’été 1917 et l’automne 1918, 12 000 officiers subalternes sont instruits par la France. L’armée française est alors à son zénith et les nombreuses missions militaires qui feront suite en Amérique latine renforceront encore son attrait.
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