Cette excellente synthèse des enjeux de la Mer de Chine méridionale, publiée par le think tank britannique qui organise chaque année le Shangri La Dialogue à Singapour, revient sur les rapports de force entre cinq acteurs asiatiques qui revendiquent des îles et donc des zones économiques exclusives, dans cette zone stratégique : Chine, Philippines, Malaisie, Vietnam, Taïwan. Ce jeu à cinq doit naturellement tenir compte des grands voisins régionaux, de l’ASEAN, et surtout de la puissance américaine. On retiendra plusieurs éléments appréciables de ce travail. La double perspective historique et juridique d’abord, qui replace la conflictualité dans un contexte à la fois international objectif (juridique) et régional subjectif (historique).Une typologie intéressante ensuite, qui distingue entre : a) les acteurs les plus revendicatifs (Vietnam, Philippines), b) les « plaignants tranquilles » de la revendication territoriale (Malaisie, Brunei), c) les « membres inquiets de l’ASEAN » (Indonésie, Singapour, Thaïlande), d) les membres de l’ASEAN extérieurs aux litiges (Cambodge, Birmanie, Laos), e) le cas particulier de Taïwan (qui revendique des territoires au nom de la représentation de la Chine). Le jeu américain dans la zone, est ensuite judicieusement analysé, démystifiant le « pivot » pour mieux insister sur la stratégie consistant à contrer, par une plus grande dispersion de la présence régionale, les efforts chinois d’ « anti-access-area-denial ». Enfin, l’étude propose quatre scénarios pour l’avenir : 1- la « mer de personne », ou l’établissement d’une cohabitation stable dans la zone ; 2- La « mer de quelqu’un », ou l’établissement d’une domination régionale par une des puissances, le plus vraisemblablement la Chine ; 3- La « mer de tout le monde », qui verrait la concurrence entre les influences perdurer, mais dans une absence de confiance bien gérée ; 4- Le scénario conflictuel enfin, qui envisage la possibilité d’une conflagration, soit déclenchée à dessein par Pékin, soit à l’issue d’un dérapage incontrôlé. Dans tous les cas de figure, plusieurs paramètres joueront un rôle clef dans le maintien d’une gouvernance pacifique : les leaderships chinois, américains et de l’ASEAN d’une part, la maîtrise des nationalismes et des populismes d’autre part.
FCh
Ancien élève de l'ENS, docteur en Histoire, Alexandre Sumpf, spécialiste du monde russe, nous livre ici un tableau éclairant de la société soviétique de « Lénine à Gagarine ». Le choix de ces deux pôles n’est d’ailleurs pas anodin, puisque cet ouvrage tente de mettre en exergue la singularité de la société du stalinisme au regard de l’ère bolchevique et de la période post-stalinienne.
Ainsi, dans le cadre d’une progression thématique s’attachant tout d’abord à une présentation des quatre caractéristiques majeures du système soviétique (la nature prolétarienne de l’État, les koulaks, l’idéologie du plan et le Goulag), puis à l’examen de trois volets incontournables (être soviétique, être citoyen et l’avenir radieux), l’auteur dessine les contours d’une histoire globale de la société stalinienne.
Certes, l’ouvrage renseigne sur les rapports qu’entretiennent les groupes sociaux et sur la nature du dialogue qui les uni et a le mérite de rendre plus intelligible leurs stratégies collectives et individuelles. Toutefois, on regrettera le manque d’analyse politique. Qui plus est, en l’absence de trame chronologique et devant l’approche somme toute peu pédagogique de l’auteur, cet ouvrage demeurera difficile d’accès pour le profane. Cela étant, on ne peut que souligner le travail impressionnant de synthèse de l’historien.
Béatrice Guillaumin
« Les services secrets surveillent nos communications » : voici une des nombreuses idées reçues sur le renseignement, mêlant méfiance et fantasmes, qui perdurent dans notre société. Gérald Arboit balaie une à une ces idées reçues et dépeint ce que sont réellement les services de renseignement, en exposant leur rôle et leur évolution au cours de l’histoire. Pour cela, il présente de nombreuses données historiques principalement relatives à la France, aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne. L’auteur apporte également un éclairage sur des thèmes d’actualité tels que l’intelligence économique, l’ère numérique et le big data. La lecture est aisée, avec des chapitres courts et concis. S’adressant essentiellement aux non-initiés, cet ouvrage a le mérite de présenter de façon claire et détaillée le fonctionnement et les missions des « services secrets », en les replaçant dans le cadre de nos sociétés démocratiques. Il est très utile au grand public, à l’heure où le renseignement bénéficie d’une attention particulière (affaire Snowden, rapport parlementaire présenté par Jean-Jacques Urvoas sur le cadre juridique des services de renseignement, critiques à l’encontre des services de renseignement dans les affaires liées au terrorisme…) et où les publications d’ouvrages sur le sujet sont nombreuses.
Florence Vu Van
Sami Aoun, Directeur de l’Observatoire du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (OMAN) de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et Gilles Vandal, professeur à l’Université de Sherbrooke, nous ont aimablement fait parvenir leur dernier ouvrage consacré à Barack Obama et le Printemps arabe – Le repositionnement de la politique américaine au Moyen-Orient (Athéna éditions, Outremont, Québec, 2013, 369 p), dans lequel ils soutiennent la thèse selon laquelle Barack Obama semble bien décidé à ne plus intervenir militairement au Moyen-Orient en premier, sauf cas de force majeure absolue, et que cette politique de retenue devrait lui permettre de renforcer paradoxalement les pressions à l’encontre de l’Iran et du gouvernement israélien pour les contraindre à négocier, le premier sur le dossier nucléaire, le second sur le dossier palestinien. La richesse de la bibliographie et des sources constitue l’un des atouts indéniables de cet ouvrage.
Pierre Razoux
L’IFRI vient de publier, sous la direction de Mansouria Mokhefi et d’Alain Antil, un ouvrage collectif intitulé : Le Maghreb et son Sud : vers des liens renouvelés (éditions du CNRS, 2013, 241 p) analysant les interactions entre les cinq pays maghrébins et le continent africain. Outre deux articles particulièrement intéressants sur la crise malienne et le rôle croissant de l’Afrique du Sud, cet ouvrage collectif entremêle les analyses marocaines et algériennes, ce qui est en soit déjà une performance.
Pierre Razoux
Plus que jamais au cœur des enjeux stratégiques internationaux (guerre au Mali, montée en puissance d’Aqmi, développement des menaces transnationales), le Sahara demeure cependant cette terre désertique dont l’imaginaire collectif se nourrit de représentations parfois erronées. Et c’est là tout l’intérêt de l’ouvrage de Bernard Nantet, archéologue et journaliste spécialiste du continent africain, qui, dans un souci de satisfaire l’engouement récent du public pour cette région, tente de livrer une peinture réaliste de l’histoire et des problématiques qui lui ont trait.
S’appuyant sur des données factuelles et sur une trame chronologique, l’auteur balaye 500 ans d’histoire au travers notamment du panorama qu’il dresse des peuples et tribus y résidant, panorama permettant de mieux saisir l’ampleur de cette véritable mosaïque ethnique. L’ouvrage a également le mérite d’éclairer sur l’attrait manifeste que suscite depuis des siècles le Sahara pour les européens, et ce, à la lumière de la colonisation de ce dernier et des conséquences engendrées. La problématique de l’indépendance du Sahara occidental et du conflit avec le Maroc à cet égard est d’ailleurs soulevée, au même titre que l’actualité géopolitique à l’aune des interventions françaises dans la zone, notamment au Tchad.
Acteurs, religion, présence militaire, expéditions, commerces, problème de l’unité politique, décolonisation. Autant d’aspects qui sont ici analysés par Bernard Nantet de telle sorte que cet ouvrage, à visée avant tout vulgarisatrice, séduira le néophyte désireux d’acquérir les connaissances nécessaires à une meilleure compréhension des enjeux inhérent à la région.
Béatrice Guillaumin
Paru dans le contexte des changements politiques en cours au Maghreb et au Moyen Orient, cet ouvrage propose, sous la forme de courts chapitres, de revisiter les lieux communs, sinon les préjugés véhiculés sur le monde arabe par le monde occidental et aussi, même si cela apparait davantage en filigrane, au sein de la région elle-même. Une telle démarche est dans son principe salutaire, lorsqu’on connait l’extraordinaire propension de cette partie du monde et des paramètres qui y sont rattachés (islam, immigration, colonisation, etc.), à susciter dans les débats publics et les imaginaires collectifs des approches polémiques, émotionnelles ou idéologiques. L’idée, juste, développée par les divers contributeurs est que cette cette vision faussée repose sur une méconnaissance des réalités d’une région beaucoup plus contrastée qu’il n’y parait et qui -devrait-on ajouter-, ne se livre pas facilement au regard extérieur. Il n’échappera toutefois pas au lecteur un tant soit peu averti des réalités complexes de cet espace géopolitique, que dénoncer de cette manière des idées reçues peut parfois conduire à énoncer d’autres idées reçues.
Flavien Bourrat
S’appuyant sur une longue expérience professionnelle au sein du service en charge du renseignement extérieur, l’auteur livre, sous forme de réponses détaillées à un questionnaire exhaustif, sa vision et son analyse de l’islamisme radical au cours des trente dernières années. Sans aller jusqu’à un travail de déconstruction de la connaissance et de la compréhension d’un phénomène qui reste, actualité oblige, au premier rang des préoccupations de la communauté internationale, la démarche d’Alain Chouet vise à récuser les approches convenues et souvent erronées qui, selon lui, caractérisent le discours dominant. A rebours d’une lecture « postmoderne » du terrorisme et du radicalisme religieux dans le monde musulman, l’analyse présentée ici privilégie une approche « par le haut », donnant la priorité aux paramètres politiques, idéologiques mais aussi historiques. Cette approche réaliste conduit cependant parfois l’auteur à surestimer le rôle de chefs d’orchestre occultes et omnipotents (les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite) dans la genèse du phénomène, au détriment de celui d’acteurs locaux fonctionnant de manière autonome.
Flavien Bourrat
Le dernier numéro de Politique étrangère (IFRI, 1 :2013, 230 p) consacre deux dossiers très complets à « Israël après les élections » et à « La Russie au Moyen-Orient ». L’IRSEM y a contribué par le biais de deux articles de Pierre Razoux, Directeur de recherche chargé du pôle « sécurité régionale » (Une armée israélienne en pleine mutation) et de Clément Therme, allocataire de bourse de recherche postdoctorale (L’Iran et la Russie face aux crises du Moyen-Orient : entre connivence et divergence).
Pierre Razoux
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