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Regard sur le Maghreb

Mise à jour  : 04/04/2012 - Direction : IRSEM

Regard sur le Maghreb

Par Mehdi Taje, doctorant à la Sorbonne, géopoliticien à Tunis

En se posant en non acteurs dans leur propre région, les pays du Maghreb dépendent d’une stratégie organisatrice subordonnée à l'initiative des puissances extérieures : qu'il s'agisse de l'Europe, des Etats-Unis, de l'Afrique, du monde arabe ou de toute autre entité. La menace, dans ce contexte, est la dilution du Maghreb dans son essence géopolitique, c'est-à-dire la régression de l'entité politique et historique en simple contiguïté géographique.

La centralité maghrébine est aujourd’hui menacée.En effet, les visions des pays maghrébins sont dispersées et marquées par des tensions intérieures, des problèmes de stabilité, de modernité et de voisinage : ils ne se perçoivent pas à travers un ensemble régional stabilisé et demeurent otages de rivalités et de conflits gelés, larvés ou potentiels non encore surmontés. Une véritable myopie relativement aux menaces stratégiques globales caractérise les politiques de ces Etats. Prisonniers des schémas du passé, ils ne parviennent pas à s’élever à une vision commune et globale des enjeux sécuritaires. Chaque pays, en fonction de ses intérêts stratégiques, joue son propre jeu : les trajectoires stratégiques ne se complètent pas, elles se croisent, voire se neutralisent.

Cette dynamique est fortement accentuée par la vague de révolutions secouant le théâtre maghrébin et bouleversant les repères traditionnels : cet ébranlement fera date et changera l’identité et la personnalité stratégique du Maghreb. Conscient de l’immobilisme et de l’archaïsme politique limitant son action et son rayonnement sur le plan régional et international, cet espace est soudain secoué par une crise politique majeure introduisant une nouvelle fracture entre pays en transition démocratique (Tunisie et Maroc), pays en crise de régime et pays conservateurs.
A la faveur de la révolution populaire tunisienne qui a réalisé la première brèche dans le mur Sud-méditerranéen, le statu quo est irrémédiablement mis en cause. Le problème de la démocratisation est désormais posé de l’intérieur des sociétés arabes.

Cependant, pour les pays engagés, la victoire est fragile et le fossé qui les sépare des Etats démocratiques ne saurait être comblé au terme des premières élections : trois ou quatre législatures passeront avant d’asseoir, sur des bases parlementaires, des régimes démocratiques stables et prévisibles.


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