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Dans la peau d’un chef d’élément Vigipirate à Marseille

Mise à jour  : 27/01/2011 - Direction : DICOD

TEMOIGNAGE. Le sergent Assadilah MISTOIHI a 30 ans. Il est marié, il a 3 enfants et il sert comme radio transmetteur au RICM (régiment d’infanterie chars de marine) de Poitiers. Il fait partie des militaires des trois armées qui, chaque jour, sont engagés sur la mission Vigipirate. Récit d’une matinée en patrouille.  

Il est 7h30 en gare Saint Charles, à Marseille, et comme dans toutes les gares des grandes villes France, des trains déversent à intervalles réguliers des flots de voyageurs qui se dirigent d’un pas pressé vers le métro. Vigipirate, moi j’aime bien. C’est même une belle mission. Nous sommes au contact des gens, des citoyens, c’est très agréable parce que nous nous rendons compte qu’ils nous aiment bien. Ca fait plaisir de voir : les armées sont « bien vues ». 15 fois par jour, nous sommes interpellés, jamais agressivement, presque toujours sur un ton amical. Bien sûr, de temps en temps on me demande où sont les toilettes… mais très franchement, cela ne me dérange pas, cela nous fait plutôt sourire. Il y a aussi des gens qui nous racontent leur vie, leurs souvenirs du service…Dans ma génération de militaires, nous sommes nombreux à ne pas avoir connu cette époque et nous les écoutons toujours attentivement. Il y a aussi ceux qui ne viennent pas souvent à la gare et qui nous voient pour la première fois. Ceux-là sont impressionnés, ils nous demandent ce qui se passe. Ca paraît fou, mais je vous assure qu’il y a des gens qui n’ont jamais entendu parler de Vigipirate….

Vers 7h30, j’entame la première patrouille de la journée. Derrière deux fonctionnaires de police, j’ai déployé mes deux « marsouins » (c’est comme ça qu’on appelle les soldats des troupes de marine). Je leur rappelle régulièrement qu’ils ne doivent patrouiller ni trop près l’un de l’autre, ni trop près des policiers, sinon ils ne peuvent pas bien couvrir leur zone. Je ne sais pas d’où vient cette idée, que j’entends encore régulièrement, que nous ne sommes pas armés. Non seulement mes soldats sont armés, même si leurs chargeurs sont dans leurs poches de poitrine, mais mon arme est approvisionnée.

7h45 : le binôme de policiers avec qui nous travaillons repère un homme au comportement très nerveux, qui ne porte ni l’uniforme classique de l’employé de bureau pressé ni la valise du touriste. Je place mes hommes à proximité, de manière à sécuriser la zone et faciliter le travail des policiers. Généralement, les « contrôlés » sont coopérants et notre présence rassure tout le monde.

8h45 : J’aperçois une petite valise marron abandonnée près la voie K.  J’avertis les policiers. Nous nous approchons calmement du bagage et nous interrogeons les personnes alentours. Un homme arrive en courant, il était allé acheter un journal. Je trouve toujours que c’est une idée saugrenue de laisser sa valise sans surveillance… Non seulement on peut se la faire voler, mais nous sommes dans une période où nous n’hésitons pas longtemps avant d’appeler les démineurs… Ce qui me marque le plus, c’est que les gens sont quelquefois tête en l’air…

9h00 : L’un de mes hommes me rend compte qu’il a vu trois personnes entrer dans les toilettes avec des bagages et en ressortir sans. J’en avertis aussitôt les policiers. Vérifications faites, la dame-pipi a accepté de garder les bagages quelques instants.

9h30 : nous patrouillons depuis deux heures. J’essaie de ne pas relâcher ma vigilance. C’est parfois difficile. A force de refaire le même chemin (la gare n’est pas grande), on a tendance à laisser retomber notre attention. En même temps, repasser sur nos pas nous permet de noter les gens qui sont là depuis trop longtemps, ou les objets qui n’étaient pas là 20 minutes avant. Ouvrir les yeux c’est banal, avoir l’œil, c’est un vrai métier.

Hier, nous avons eu une alerte. Un autre trinôme, qui patrouillait en ville, a repéré une voiture suspecte devant une ambassade. Avec la police, ils ont sécurisé le périmètre, appelé les démineurs, qui ont forcé les portes de la voiture. C’était une fausse alerte.

Il y a deux jours, c’est mon trinôme qui avait repéré une voiture suspecte garée devant un consulat. Quand les policiers ont ouvert le coffre, on a tous fait un énorme bond en arrière : il y avait une bouteille de gaz à l’intérieur ! En fait, c’était une voiture au GPL et c’était le réservoir de gaz… Encore une fausse alerte.

11h00 : nouveau contrôle d’identité en gare, cette fois sur un homme qui part en courant en voyant les policiers approcher. Il se met à hurler quand les policiers l’interpellent : « Pourquoi moi, pourquoi moi ? » Je demande à mes hommes de se rapprocher. Globalement, notre présence est apaisante pour tout le monde. Pour les policiers, qui font leur travail de manière beaucoup plus sereine, et pour la population, qui apparemment, ne se lasse pas de nous voir. D’ailleurs, je ne trouve pas que les gens soient particulièrement tendus. Ce qu’ils nous disent, en tous cas, c’est que notre présence les rassure.

12h00 : les deux patrouilles de la matinée se sont passées sans incident notable. Nous rentrons, mes hommes et moi, à la caserne Sainte Marthe, au nord de Marseille pour déjeuner. Un autre trinôme prend le relai pendant ce temps et nous reviendrons en début d’après-midi.

Les militaires aiment bien cette mission. Pour eux, c’est une vraie mission, au même titre que l’Afghanistan ou le Tchad. D’ailleurs nous nous y préparons bien en amont. Avant d’arriver à Marseille, nous avons eu des cours de combat rapproché, nous avons fait plusieurs séances de tirs, de jour comme de nuit. Un juriste est venu au régiment nous rappeler les règles d’engagement. Patrouiller sur le territoire national n’est pas une chose anodine. Et personne ne prend cette mission à la légère. 


Sources : EMA
Droits : Ministère de la Défense et des anciens combattants - photos 1 & 2 Pascal Pochard, SIPA Press