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Dans la peau d’un « chien jaune »

Mise à jour  : 21/09/2011 - Direction : DICOD

Le second maître J. est directeur de pont d'envol (DIRPONVOL) sur le porte-avions. A bord du Charles de Gaulle, c'est l’un des "chiens jaunes". Avec les six autres DIRPONVOLS, il est le chef d’orchestre qui coordonne l'ensemble des mouvements du personnel et des avions sur le pont d'envol. Sa zone de responsabilité : le parking arrière du Charles de Gaulle, là où les réacteurs des avions de chasse sont mis en route avant le catapultage. Témoignage.

05h00 : l'heure du lever. Aujourd’hui est un jour impair : cela signifie que mon équipe effectuera la « bordée » (plage horaire) la plus longue sur le pont d'envol. De plus, ce soir je suis de service de nuit. Direction le petit déjeuner puis le poste de commandement du pont d'envol pour revêtir notre tenue de travail. Elle est jaune, d’où notre nom. Quant au « chien », ça vient de notre capacité à donner des ordres dans un environnement particulièrement bruyant… En plus, l’ordre de dégager le pont d’envol en anglais, c’est « wave off » ! C’est vrai que quand on le dit vite, c’est un peu comme un aboiement !

06h10 : après l’appel sur le pont d'envol, le chien jaune du service de nuit récapitule les activités nocturnes. Je m’attelle ensuite à ma première mission : faire parquer sur l’arrière du porte-avions tous les avions armés et ravitaillés en carburant durant la nuit. Pour cela, sur chaque zone du pont d'envol, nous avons identifié des "spots". Ce sont des repères qui nous permettent de ranger les avions de manière optimale afin de gagner de la place.

07h00 : l'heure de la « cueillette » : chaque matin, avant les premiers vols, l'ensemble du personnel de service forme une ligne sur toute la largeur du pont. Nous traversons chaque zone de celui-ci afin de ramasser les débris au sol, dangereux pour les réacteurs des avions.

07h15 : je remonte au poste de commandement pour prendre connaissance de l'ordre de catapultage. Il me permettra d'identifier la séquence de décollage des avions.

07h30 : dans une heure, la première pontée opérationnelle de la journée. Dans ma zone, je ne m’occupe que des Super-Etendard (SEM) et des Rafale, le Hawkeye et les hélicoptères sont positionnés plus en avant. Je donne les instructions à mes PONEV (le personnel du pont d’envol), surnommés "les bleus" (encore en raison de leur tenue) pour établir un périmètre de sécurité autour des avions de chasse. J'en place trois par avions. A quelques pas de là, l'équipe de secours se tient prête avec trois pompiers parés. Un VLIP (véhicule léger d'intervention pont d'envol) est également prêt à intervenir en cas de panne d’un avion.

08h30 : je donne l'ordre de « désaisiner » les avions, c'est à dire les libérer des chaînes qui les attachent  au sol. Je vérifie que la zone qui entoure l'avion est sécurisée et que personne ne se trouve dans le passage. J'attends ensuite l'ordre de « roulage » pour faire déplacer les avions vers la catapulte.

08h32 : sur le pont, le bruit est assourdissant quand les réacteurs sont allumés, jusqu’à 140 décibels ! C'est pourquoi nous communiquons en utilisant un langage d'une centaine de signes compris par les PONEV et les pilotes. Ce langage est international, il s'agit d'un standard OTAN. Je reçois par radio l'ordre de roulage donné par « l’avia ». Je donne alors les instructions au pilote pour avancer les avions à la catapulte.

08h40 : les catapultages ont débuté. Les gestes s’enchaînent avec une extrême précision. Tout se passe très vite, les catapultages se suivent, à deux minutes d’intervalle. Chacun sur le pont sait ce qu’il doit faire, la mécanique est bien huilée. Mais dans notre travail, la météo n’est pas toujours avec nous : vent, froid, pluie…  et même parfois des tempêtes de sable !

09h10 : fin des catapultages, nous enchaînons directement avec le poste d'appontage, c'est à dire que nous nous préparons à accueillir des avions. En effet, il est déjà temps de récupérer la « nounou ». C'est l’avion qui vole en phase de catapultage et d'appontage pour ravitailler les avions en carburant à leur départ ou à leur retour de la zone d'opération. Avant son arrivée sur le pont, j'effectue un tour de ma zone : plus rien ni personne ne doit se trouver sur la ligne d'appontage.

09h18 : la « nounou » vient d'apponter, je la fais rouler à l'arrière du pont d'envol pour effectuer rapidement un RMT (ravitaillement moteur tournant).

09h30 : dans la foulée, la « nounou » est à nouveau catapultée. Notre métier de « chien jaune » demande une attention permanente, nous sommes garants de la sécurité du pont d'envol. Nous devons rester vigilants pendant toutes les phases de la pontée, il faut vérifier en permanence que personne ne se trouve dans les zones de déplacement des aéronefs pour éviter tout accident. Sur la piste, quand un Rafale est chargé et qu’il est catapulté en « postcombustion », la boule de feu qui se dégage des tuyères atteint les 1500 degrés….

11h00 : nous préparons la deuxième vague de vols opérationnels.

12h10 : c'est la fin des catapultages, je quitte mon service. Il est temps d'aller déjeuner. Je profite de cette pause de quelques heures pour me reposer.

16h00 : retour sur le pont d'envol après le déjeuner et une pose. Une série de catapultages vient d’avoir lieu, rapidement suivie par une nouvelle phase d'appontages destinée à récupérer les avions partis tôt ce matin et qui sont de retour de mission. L'activité sur le pont ne s'arrête jamais.

18h30 : le soleil commence à se coucher, la luminosité s'amoindrit rapidement, une pontée de nuit se prépare. Les pilotes qualifiés pour opérer de nuit à partir du porte-avions reçoivent un surnom : les « hiboux ».

23h00 : je vis dans un poste avec cinq autres directeurs de pont. Dans ma chambre, je ne rencontre jamais plus de la moitié de mes colocataires, nos horaires de travail étant inversés. Finalement, on ne se croise que sur le pont d'envol ou lors des « maintenance day », les journées sans vol qui permettent d’effectuer les maintenances techniques importantes.

00h00 : début de mon service de nuit. Avec mon adjoint et mes huit PONEV, nous évoluons à la fois dans les hangars et sur le pont. Le but est de préparer la pontée du lendemain matin. Le bureau technique aviation nous donne les changements de configuration des avions : certains, marqués en rouge, resteront au hangar pour vérification et réparation. Ils ne voleront pas le lendemain. Les verts seront remontés sur le pont d'envol après avoir fait le plein.

04h00 : nous commençons à monter les aéronefs sur le pont. De nuit la visibilité est très faible, seules les WARMS (des bâtonnets lumineux) nous permettent de repérer les mouvements.

05h00 : les avions qui voleront dans la journée sont maintenant tous sur le pont, c'est le début de la phase armement. Les « boums », mes collègues du service armement aéronautique qui sont vêtus de rouge, prennent place autour des avions.

06h10: l'heure de la relève de quart, je pars rapidement me coucher avant de recommencer une nouvelle journée à 11h. La journée a été longue mais le travail est passionnant. C’est une chance que d’évoluer sur le porte-avions car l’activité aéronautique y est plus intense que sur n’importe quel autre bâtiment de la Marine. On ne s’ennuie jamais…


Sources : EMA
Droits : Ministère de la Défense et des anciens combattants