Sous le soleil de juillet, les Allemands lancent une ultime attaque qui prend des airs de baroud d’honneur. En réponse, les Alliés déclenchent une contre-offensive fulgurante dans la Marne et reprennent l’initiative. En août débute « l’offensive des cent jours » qui mènera à la victoire.
Quinze juillet. Le soleil se lève à peine. En Champagne, 600 000 Allemands s’élancent comme un seul homme vers les lignes alliées. Erich Ludendorff joue son va-tout avec cette offensive baptisée Friedensturm ou « offensive pour la paix ». Il a concentré la quasi-totalité des moyens dont il dispose encore de part et d’autre de Reims pour y lancer trois attaques simultanées. Le plan est simple : franchir coûte que coûte la Marne contre laquelle les défenses alliées sont adossées depuis son offensive de mai pour ensuite foncer sur Paris. Persuadé que tout va se jouer avec cette offensive à nulle autre pareille en termes de ressources engagées, le kaiser Guillaume II a fait le déplacement pour assister à la marche victorieuse de ses soldats. Des soldats affamés et abattus. Les Allemands prennent rapidement les premières lignes françaises et installent les premiers ponts flottants pour traverser la Marne. Problème : les Alliés, qui préparent une contre-offensive d’envergure depuis juin, ont eu connaissance des intentions adverses. Foch décide de fondre les plans défensif et offensif en une seule action afin de conduire les opérations avec l’ensemble des troupes alliées disponibles. Tirant les leçons des erreurs du passé, les Français concentrent leurs défenses en retrait des premières lignes pour s’épargner les destructeurs tirs d’artillerie ennemis. Soutenus par des troupes américaines et italiennes, les Français brisent rapidement l’élan des Allemands qui doivent stopper leurs attaques le 17 juillet. Ils n’iront pas plus loin. Cette résistance crée un saillant sur le flanc des lignes allemandes dans l’Aisne. Les Alliés saisissent cette opportunité pour lancer leur contre-offensive depuis Château-Thierry. La Marne va de nouveau se retrouver au centre d’une bataille décisive pour l’issue de la guerre. Dans un télégramme où il livre ses dernières instructions, le général Pétain résume les attentes suscitées par cette contre-offensive : « Le général commandant en chef compte que l’ardeur et l’énergie de tous feront du 18 juillet une belle journée. » La tactique française désarçonne un ennemi pris en tenaille. L’artillerie, qui avance pour rester à portée de l’ennemi battant en retraite, délivre un feu continu, dit « feu roulant », derrière lequel progresse l’infanterie soutenue par des chars d’assaut. Le 18 au soir, l’état-major français exulte. Pour la première fois depuis le début de l’année 1918, ils ont fait reculer un adversaire qui n’a eu de cesse d’enfoncer leurs lignes depuis le mois de mars. En face, le Kaiser fait grise mine. C’est un échec cuisant. Ludendorff en a conscience. La journée du 18 inverse la dynamique. Les Allemands sont désormais sur la défensive.
Cela fait quatre ans que les belligérants se livrent une guerre faite de batailles dantesques sans arriver à emporter la décision. Quatre longues années. Et tout a basculé durant ces trois journées d’été. Pour autant, sur le moment, personne n’imagine que la fin de la guerre approche. Ce sont les -attaques lancées les semaines suivantes qui laissent entrevoir la possibilité d’une issue plus rapide que prévu. Celle du 8 août sera terrible. Elle marque le début de « l’offensive des cent jours » qui mènera les Alliés à la victoire. Les lignes allemandes sont enfoncées de 16 kilomètres vers Amiens. Pour Erich Ludendorff, c’est « le jour de deuil » de son armée. « Je ne vécus pas d’heures plus pénibles […] Six ou sept divisions allemandes qu’on pouvait considérer comme particulièrement en état de se battre furent complètement mises en pièces [...] Par contre, l’ennemi n’avait subi qu’une dépense de forces très minime. Le rapport des forces avait considérablement changé à notre désavantage [...] Le 8 août, les deux commandements suprêmes virent clair. La grande offensive de l’Entente, la lutte finale de la Guerre mondiale commençait. » Les attaques s’enchaînent. À la fin du mois, les généraux allemands décident d’abandonner volontairement du terrain pour se réinstaller sur la ligne Hindenburg qu’ils occupaient au début de l’année. Retour à la case départ avec 226 000 morts et 750 000 blessés. Une victoire militaire devient impossible. Il s’agit désormais de contenir l’ennemi pour le forcer à négocier. Une armée en déliquescence. Un pays exsangue. Cette posture ne tiendra pas longtemps. L’offensive prévue mi-septembre sur le front d’Orient va accélérer un peu plus la chute des empires centraux. Pour eux, la guerre est perdue.
L'essentiel
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Sources : Ministère des Armées