Sur le front Ouest, rien de nouveau. Enfin, en apparence. Du côté de l’Entente, l’adoption d’un plan de bataille commun est retardée par des luttes politiques intérieures et des divergences stratégiques. L’Allemagne, quant à elle, se prépare à livrer « la grande bataille ».
L’hiver 1917-1918 est consacré à la préparation tactique, matérielle et morale de la bataille défensive à venir. Selon le général Pétain, alors commandant en chef de l’armée française, il est impossible « pour les armées franco-anglaises de s’opposer à une attaque de front sur un grand front en combattant sur la première position ». La nouvelle tactique allemande, initiée notamment lors de la bataille de Caporetto, bouscule les certitudes. Après une courte mais intense préparation d’artillerie, des troupes de choc, mobiles, infiltrent et désorganisent les lignes ennemies. Celles-ci avancent sans se soucier des liaisons. Pétain, dans sa directive n° 4 du 20 décembre 1917, impose une défense dans la profondeur, structurée autour de la deuxième ou troisième ligne pour moins subir le feu des artilleurs et économiser des vies. La première ligne sert à « ralentir et briser le premier élan de l’ennemi », précise la directive. Cette tactique a suscité beaucoup de débats, car, au début de la guerre, des centaines de milliers de soldats sont morts pour conquérir quelques mètres. Le général Foch, chef d’état-major général, veut une défense agressive en saisissant toute opportunité de mettre à mal le dispositif ennemi. De son côté, le maréchal Joffre, stratège déchu mais toujours influent, propose une offensive générale qui sera la dernière bataille. Georges Clemenceau, qui juge le général Pétain trop pessimiste, le soutient néanmoins du bout des lèvres, étant obsédé par le transfert des troupes allemandes vers l’ouest. Il multiplie les tournées d’inspection des défenses sur le front. Sa détermination et ses visites régulières en première ligne le rendent d’ailleurs populaire dans les tranchées. D’après les calculs du haut commandement français, les 170 divisions (100 françaises, 62 anglaises, 6 belges et 2 portugaises) alignées sur le front occidental devront affronter près de 200 divisions allemandes. Un plan de bataille commun entre Français et Britanniques apparaît plus que nécessaire.
En plus des querelles franco-françaises, les désaccords se multiplient entre alliés. Pour le maréchal Haig, qui commande les troupes britanniques sur le continent, l’armée française est à bout de souffle. Impression renforcée lorsque la France demande à la Grande-Bretagne de tenir une plus grande part du front. Sans parler de la posture défensive plébiscitée par le général Pétain. Le maréchal Haig ne voit que par l’offensive et veut de nouveau attaquer dans les Flandres au printemps 1918. Son but : user l’ennemi et réaliser une percée décisive. Sans forcément réaliser qu’il épuise également ses troupes, déjà bien affaiblies par son offensive infructueuse de 1917. Lloyd George, qui déclare à la Chambre des communes, le 19 février, que la Grande-Bretagne se trouve à l’heure « la plus grave de son histoire », désapprouve la posture de son maréchal et prône la défensive en attendant l’entrée en action des Américains. À Versailles, où se réunit le Conseil supérieur de guerre, présidé par le général Foch, les joutes se multiplient pour s’accorder sur la définition du plan de bataille commun, la mise en place d’une réserve générale interalliée ou encore sur les conditions d’appui réciproques quand l’offensive allemande débutera. Un plan de bataille est finalement adopté le 1er février. Établi par Foch, il prévoit une puissante contre-offensive après avoir arrêté l’attaque allemande. Un commandement unique interallié n’est pas encore une évidence.
Côté allemand, le général Erich Ludendorff, seul maître à bord, prépare l’opération Michael, premier volet de sa grande offensive. La signature du traité de Brest-Litovsk (3 mars 1918), mettant officiellement fin à la guerre avec la Russie, permet de transférer toujours plus de troupes à l’ouest. Deux millions d’hommes sont massés sur le front occidental. Si les Allemands affichent l’avantage du nombre, le maintien des effectifs, à court terme, apparaît compliqué puisque la prochaine classe mobilisable est celle de 1921 avec ses conscrits de 17 ans. Cet état de fait illustre l’effort de guerre disproportionné de l’Allemagne par rapport à ses capacités. Son industrie fait face à de graves pénuries et n’arrive plus à satisfaire les besoins matériels de son armée. Les rations des soldats sont toujours plus faibles. Les civils, quant à eux, en sont réduits à des produits de substitution pour se remplir un peu l’estomac. C’est donc une Allemagne exsangue qui se prépare à jeter ses dernières forces dans une grande offensive finale, haranguée par de grands discours mobilisateurs de généraux tronquant volontairement la réalité du front. Offensive qui d’ailleurs ne viendra pas. Le front reste relativement calme en janvier et février. À partir de début mars, les coups de main allemands se multiplient. La fureur de Michael va bientôt s’exprimer.
L'essentiel
Bibliographie
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Sources : Ministère des Armées