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[1918-2018, épisode 5/8] Mai, à la croisée des chemins

Mise à jour  : 18/05/2018 - Auteur : EV1 Thomas Casaux - Direction : DICoD

Après les opérations Michael et Georgette, les Allemands lancent une nouvelle offensive sur une terre martyre nourrie du sang de milliers d’hommes : le Chemin des Dames. En multipliant les attaques, l’armée de Guillaume II s’épuise et les perspectives de victoire s’éloignent à mesure que les mois passent.

Mai 1918. Les deux camps sont exsangues. Après l’opération Michael en mars, le général en chef des armées allemandes Erich Ludendorff a lancé le 9 avril l’opération Georgette dans les Flandres. Malmenant les Alliés une nouvelle fois au bord de la rupture, les troupes allemandes progressent mais doivent stopper leurs attaques le 29 avril sans réussir à atteindre les ports de la Manche. Durant ces deux offensives, les Britanniques ont perdu 300 000 hommes. Les Français, qui couvrent 600 kilomètres sur les 700 que compte le front occidental, déplorent 90 000 morts. De leur côté, les Allemands comptent plus de 300 000 pertes, dont leurs meilleurs éléments. Pour ne rien arranger, l’épidémie de grippe espagnole commence à frapper les tranchées à partir d’avril. Poursuivant sa logique offensive, Ludendorff cherche désespérément à porter l’estocade sans tenir compte de la santé de ses troupes. Lors des assauts, les soldats allemands se jettent sur les réserves de nourriture alliées. Malgré un ravitaillement qui ne suit plus et des pertes qui ne sont plus compensées, Ludendorff lance l’opération Blücher le 27 mai. Il veut fixer les troupes françaises tandis qu’une autre offensive prévue prochainement doit permettre de battre une fois pour toutes les Britanniques dans les Flandres.

Les tirs de 4 000 canons allemands et le gaz envoyé en quantité sur les positions françaises ont raison du Chemin des Dames, qui tombe en quelques heures. En une seule journée, les Allemands progressent de 25 kilomètres. L’Aisne et la Marne sont franchies. Soissons tombe le 29 mai. L’ennemi, à 90 kilomètres de la capitale, retrouve ses positions de septembre 1914. Les gares parisiennes sont prises d’assaut. Dix-huit divisions sont mobilisées en urgence par le général Pétain pour protéger la route de Paris. Le vainqueur de Verdun demande au général Foch, qui tergiverse, de rappeler les troupes françaises déployées dans les Flandres. Ce dernier pense que cette attaque n’est qu’une diversion en vue d’une plus grande offensive.

Dispositif français fragilisé

À l’Assemblée nationale, c’est l’effervescence. Une commission est expressément mise sur pied pour établir les responsabilités de chacun dans la défense catastrophique du Chemin des Dames. Le général Duchêne concentre les griefs. En rechignant à suivre les instructions relatives à la défense dans la profondeur, il a fragilisé le dispositif français, incapable de résister à une attaque de grande ampleur. Résultat : du 27 mai au 2 juin, Blücher, qui se voulait une opération secondaire de fixation, va se transformer en opportunité unique d’arracher la victoire. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Allemands sont surpris de la facilité avec laquelle ils progressent et manquent l’occasion de foncer sur Paris. Tandis que les Alliés colmatent tant bien que mal les brèches, le ravitaillement allemand n’arrive pas à suivre la progression de ses troupes, qui sont à bout. L’offensive est stoppée le 4 juin. Mais Erich Ludendorff persévère et lance l’opération Gneisenau, le 9 juin, entre Montdidier et Noyon, pour ouvrir une nouvelle route vers Paris. C’est à se demander si les armes vont un jour se taire.

Alors que les premiers coups de canon se font entendre au petit matin du 9, les Alliés, pétris de peur et englués dans leur logique défensive, ne réalisent pas le déséquilibre qui se creuse inéluctablement entre les belligérants. Pétain, qui clame ne plus avoir de troupes fraîches à déployer en renfort, craint que cette poussée allemande ne soit fatale. Paris se vide un peu plus de ses habitants. Pourtant, même s’ils doivent reculer, les Français encaissent mieux le choc que lors des précédentes offensives. Les attaques allemandes sont moins incisives, laissant paraître leurs limites structurelles et opérationnelles. De plus, les informations glanées par les services de renseignement ont permis de se préparer un tant soit peu à la déferlante. Une contre-attaque victorieuse, menée par le général Mangin à partir du 11, repousse les Allemands qui interrompent l’opération le 13. Cette victoire, la première depuis plusieurs semaines, offre un répit aux états-majors. En Allemagne, le bruit commence à courir que les généraux tronquent la réalité. L’ennemi résisterait avec l’énergie du désespoir et serait bien plus fort que prévu.

Bien que tout aussi affaiblis, les Alliés peuvent compter sur une logistique efficace et un nombre de divisions supérieur. Les Américains, qui pour l’instant occupent des secteurs relativement calmes du front, vont bientôt entrer de plain-pied dans la guerre. L’été approche et, avec lui, le tournant décisif.

L'essentiel
- 27 mai-4 juin : l’opération Blücher transperce les défenses du Chemin des Dames.
- 2-4 juin : les Allemands manquent l’occasion de foncer sur Paris.
- 11-13 juin : une contre-attaque victorieuse du général Mangin stoppe l’opération Gneisenau. La route de Paris restera fermée.

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Sources : Ministère des Armées