Débarquant en Europe à partir de juin 1917, les troupes américaines ont dû être équipées et formées à livrer une forme de guerre qui leur est inconnue. Occupant des secteurs relativement calmes du front, les sammies rentrent de plain-pied dans la guerre en juin 1918 lors de combats au bois Belleau, dans l’Aisne.
Au printemps 1918, les certitudes du général Pershing, qui commande le corps expéditionnaire américain, sont claires. L’engagement de ses hommes doit être progressif pour favoriser un bon entraînement et ainsi éviter des hécatombes comme les Européens en ont trop connues. Selon lui, la guerre ne prendra pas fin avant 1919 ou 1920, laissant le temps à ses troupes de monter en puissance. Le général américain entend faire de son corps expéditionnaire l’élément décisif de la victoire et un instrument politique dans l’après-guerre. Pershing, qui place son dessein au-dessus des besoins opérationnels immédiats des Alliés, va être rattrapé par la réalité du conflit.
Fin mai, la bataille de l’Aisne fait rage (opérations allemandes Blücher puis Gneisenau). Les défenses françaises sont enfoncées de 50 kilomètres sur le Chemin des Dames. Face au manque de troupes fraîches disponibles, les Alliés décident d’employer des soldats américains pour renforcer les positions françaises de certains secteurs. Le 31 mai, la 2e division d’infanterie américaine, forte de près de 26 000 hommes, est déployée vers Château-Thierry, dans l’Aisne, pour soutenir les Français et protéger la vallée de la Marne. Le mot d’ordre : contre-attaquer dès que possible. Les Allemands, qui apprennent l’arrivée de ce nouvel adversaire, décident d’accentuer leurs efforts pour infliger un maximum de pertes aux Américains, qui endiguent des attaques les 3 et 4 juin. Mais l’heure est désormais à l’action : dans la nuit du 5 au 6, les Américains mènent une contre-attaque fulgurante qui leur permet de prendre position dans le bois Belleau, au nord-ouest de Château-Thierry. Cet endroit, qui doit être conquis pour desserrer l’étau allemand autour de la ville, va devenir la nécropole de milliers de soldats américains et allemands.
Du 8 au 11 juin, les 5e et 6e régiments de marines prennent d’assaut le bois par le sud et l’ouest. La topographie des lieux, qui n’offre que peu d’abris naturels, fait vivre un enfer aux assaillants. Les marmitages quotidiens transforment les arbres en charpie dont les éclats se révèlent mortels pour bien des soldats. Mort par le bois. Cruelle guerre.
La progression se fait d’un tronc détruit à un autre. D’un trou d’obus à un autre. Les combats se déroulent dans un environnement saturé par le gaz moutarde. Les marines avancent par sections dans la plus grande confusion. Les lignes de front sont floues. L’ennemi est souvent devant et derrière. Les nids de mitrailleuses, pierres angulaires du dispositif de défense allemand, sont nettoyés le plus souvent à l’arme blanche ou au corps-à-corps. Malgré leur infériorité numérique, les sammies continuent implacablement leur conquête et repoussent les contre-attaques allemandes. Le 25 juin, la lisière nord est atteinte. Le bois est conquis. Durant la même période, les Américains s’illustrent également à Château-Thierry en tenant valeureusement la position.
Durant ce sanglant baptême du feu, la 2e division d’infanterie américaine a perdu 7 800 hommes, tués, blessés ou disparus. Si cette bataille ne fait pas figure de tournant stratégique, elle a un impact psychologique important. Elle est considérée comme le premier engagement majeur des Américains dans la guerre et représente un moment fondateur de la réputation du corps des marines. Le bois Belleau fut par la suite renommé « Bois de la brigade des marines ».
Le secrétaire d’État à la Marine américaine Josephus Daniels commentera cet affrontement avec ces mots : « Ils sont tombés comme des mouches. Dans toute l’histoire des marines, il n’y a aucun autre exemple d’une telle bataille. Ils ont tenu jour et nuit sans vivres, sans eau et ont perdu les trois quarts de leurs compagnons. » Avec un courage et une détermination sans faille surprenant les Allemands mais aussi leurs Alliés, ce nouveau belligérant a découvert une guerre dévoreuse d’hommes dans laquelle les nations européennes sont engagées depuis bientôt quatre ans. Les choses sérieuses commencent pour les Américains, dont l’apport numérique sera précieux dans les batailles à venir. De 150 000 hommes au 1er janvier 1918, ils seront plus de 2 millions en novembre. Parmi eux, 50 000 seront tués.
Les forces américaines ne furent réellement impliquées dans les opérations que durant les six derniers mois du conflit. Ponctuée de plusieurs faits d’armes, leur contribution, qui a permis de soulager les armées françaises et britanniques, fut davantage numérique et psychologique que militaire.
Sources : Ministère des Armées