--- Seul le prononcé fait foi ---
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Depuis le sommet de l’Alliance atlantique, qui s’est tenu à Lisbonne les 19 et 20 novembre dernier, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la question de l’OTAN à de nombreuses reprises, par exemple lors de ma rencontre avec les membres de la commission de la défense et des forces armées, le 21 décembre dernier, ou dans le cadre des questions d’actualité au gouvernement.
Aujourd’hui, je me réjouis d’intervenir devant vous sur « l’OTAN et les orientations données aux forces armées françaises », comme vous l’avez souhaité. Il ne s’agit pas de brosser un tableau exhaustif de l’état de l’Alliance. Il s’agit de savoir si les derniers sommets, dont ceux de Strasbourg et de Lisbonne, au cours desquels des décisions majeures ont été prises, ont changé la donne pour les forces françaises.
Vous le savez, la France a joué un rôle décisif pour parvenir à ces décisions. Cela nous a permis d’assurer une bonne cohérence avec notre vision politique et les choix que nous faisons pour nos Armées.
C’est vrai d’abord sur le plan stratégique.
J’en veux pour preuve l’analyse des évolutions de notre environnement de sécurité qui apparaît dans le nouveau concept stratégique adopté à Lisbonne. Cette analyse, qui prend en compte les nouvelles menaces en matière de terrorisme, de prolifération ou de cyber-défense, rejoint pleinement celle que nous avons faite en 2008 dans le cadre du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale.
J’en veux aussi pour preuve la définition des missions de l’Alliance. En réaffirmant la responsabilité première de l’OTAN, qui est de protéger et de défendre le territoire et la population de ses pays membres, conformément à l’article 5 du Traité de Washington, mais aussi sa vocation à « gérer les crises les plus difficiles » et à « œuvrer avec d’autres organisations et d’autres pays pour promouvoir la stabilité internationale », le nouveau concept stratégique confie à l’OTAN des missions conformes à celles de nos forces et confirme le niveau d’ambition qui est le nôtre.
J’en veux enfin pour preuve les moyens attribués à l’Alliance pour assurer ces missions. Le nouveau concept souligne en effet la détermination des Alliés à veiller à ce que le l’OTAN dispose de tout l’éventail des capacités nécessaires, y compris une capacité de défense anti-missile balistique. Cette détermination conforte nos propres choix stratégiques :
- D’abord, parce que le rôle irremplaçable de la dissuasion nucléaire est préservé et réaffirmé. J’ai pu le vérifier une nouvelle fois lors de mon entretien de jeudi dernier avec le Secrétaire général de l’Alliance, Anders Fogh RASMUSSEN, qui m’a fait part de sa conviction forte sur ce sujet.
- Ensuite, parce que la défense antimissile, qui vient en complément de la dissuasion et la renforce, devient partie intégrante de notre posture générale de défense.
[Comme je l’ai rappelé le 9 décembre dernier aux membres de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées du Sénat], la France a décidé, à la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et « dans le cadre de l’Union européenne et de l’Alliance Atlantique, de prendre part aux efforts collectifs pouvant conduire, à terme, à une capacité de défense active contre les missiles (balistiques) ». C’est dans cet esprit que la loi de programmation militaire prévoit le financement d’une capacité autonome d’alerte avancée et d’une capacité autonome de défense antimissile de théâtre destinée à protéger nos forces déployées.
Au-delà de la défense antimissile de théâtre, notre pays prendra sa part à l’effort décidé à Lisbonne pour étendre cette capacité de défense anti-missile à la protection des populations, du territoire et des forces de tous les pays européens de l’OTAN. Nous avons cependant veillé à ce que seul le système de commandement et de contrôle, qui permettra le raccordement et le fonctionnement au sein d’une architecture intégrée des systèmes d’interception et des capteurs apportés librement par les nations, soit financé en commun.
- Dès 2012, nous contribuerons à ce projet par nos batteries de tir de missiles sol-air moyenne portée terrestres (SAMPT), aptes à traiter des menaces de type courte portée.
- Au-delà, la contribution française sera conforme à ce qui est aujourd’hui inscrit en programmation militaire, centré autour de capacités d’alerte avancée (notamment au moyen de satellites) et d’un radar longue portée de suivi de trajectoire.
Le sommet de Lisbonne reprend également, à l’échelle de l’OTAN, la démarche de modernisation et de rationalisation de notre propre outil de défense engagée en 2008.
Lors de cette rencontre, vous le savez, les Alliés ont arrêté un cadre pour la nouvelle structure de commandement de l’OTAN. Avec une diminution importante du nombre de quartiers généraux et une réduction des effectifs de 35%, soit près de 5 000 postes, voire plus, si nous le pouvons, le système de commandement allié sera plus resserré, plus efficace et moins coûteux. Il sera également plus agile et plus apte au déploiement dans le cadre d’opérations, pour les missions de maintien de la paix comme pour les situations relevant de l’article 5.
Cette réforme, la France y joue un rôle majeur depuis son plein retour dans la structure. Dans un contexte budgétaire contraint, où chacun des Alliés est nécessairement conduit à maîtriser ses ressources et à limiter les dépenses inutiles, notre pays peut se prévaloir de l’effort de rationalisation considérable engagé au plan national, mais aussi des partenariats ambitieux que nous avons lancé avec le Royaume-Uni et relancé avec l’Allemagne pour développer des capacités militaires et des coopérations industrielles communes.
Lors des rendez-vous de mars et de juin prochains consacrés aux trois grands axes de la réforme de l’Alliance – la structure de commandement, dont le format définitif n’est pas encore déterminé, les agences et la gouvernance financière - nous serons donc particulièrement attentifs à ce que les décisions prises à Lisbonne soient mises en œuvre selon le calendrier prévu.
Le resserrement significatif de la structure de commandement de l’OTAN aura une conséquence directe sur la présence française au sein des états-majors alliés. Il impliquera en effet une révision à la baisse du nombre de nos militaires insérés, avec une cible désormais plus proche de 800, alors qu’elle était initialement estimée à environ 1100 hommes et femmes à l’horizon 2012. Naturellement, les coûts induits en seront réduits d’autant. Parallèlement à cette diminution de nos effectifs, nous veillerons à conserver des postes appropriés pour que notre politique d’influence et de responsabilité au sein de l’OTAN reste la plus efficace possible.
Une deuxième conséquence de ces réformes, cette fois-ci liée à l’amélioration de la gouvernance financière de l’Alliance, sera de permettre de mieux maîtriser les engagements financiers en soutien des opérations et des projets capacitaires. Nous avons donné à nos représentants à Bruxelles des directives de vigilance extrêmement claires en ce sens.
Le sommet de Lisbonne confirme aussi notre vision stratégique à moyen terme en Afghanistan, où je me suis rendu au moment de Noël et où nos militaires font preuve d’un engagement, d’un courage et d’un professionnalisme remarquables.
Sur ce théâtre, vous le savez, les Alliés ont décidé de débuter dès cette année la phase de transition, qui doit conduire les forces afghanes à endosser pleinement la responsabilité de la sécurité dans l’ensemble du pays à l’horizon de la fin de 2014. Parallèlement, au travers de leur partenariat durable avec le gouvernement d’Afghanistan, ils ont également réaffirmé leur engagement à long terme aux côtés du peuple afghan.
Cet agenda correspond à notre propre analyse de la situation sur le terrain.
- Notre objectif prioritaire est aujourd’hui d’assurer d’ici la fin du premier semestre 2011 les conditions permettant le transfert aux autorités afghanes de la sécurité du district de Surobi. Ce transfert sera décidé par le pouvoir afghan, en fonction de critères de sécurité et de gouvernance, mais aussi d’un ordre de priorité qui sera fixé en février et en octobre prochain en prenant en compte la situation sur le terrain.
- Nous souhaitons ensuite nous concentrer sur la Kapisa, où nous avons d’ores et déjà intensifié nos efforts, d’une part sur le plan sécuritaire, en nous inscrivant résolument dans le plan d’action du général PETRAEUS sur le grand Kaboul, et d’autre part, en termes de gouvernance, en soutenant résolument l’action de l’Etat afghan et des instances locales de gouvernement. Nous devons également continuer à nous investir en matière de développement, à travers l’action du Pôle stabilité, mis en place conjointement avec le ministère des Affaires étrangères depuis l’été 2010 pour mener les actions de reconstruction civile.
Dans ce domaine, la France donne l’exemple. C’est nous qui avions lancé l’idée de la transition, avec le transfert réussi de Kaboul aux Afghans en 2008, qui avait été proposé aux Alliés par le Président de la République lors du sommet de Bucarest. Nous savons que la tâche sera difficile et nous sommes conscients des nombreuses incertitudes qui subsistent. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’avoir une stratégie cohérente et de nous y tenir.
Enfin, le sommet de Lisbonne a donné un nouveau départ à notre relation avec la Russie.
Vous le savez, à Lisbonne, les Alliés ont appelé à une coopération avec la Russie en matière de défense antimissile balistique, et plus largement à un partenariat stratégique renouvelé avec ce pays, au service du vaste espace commun de sécurité de l’Europe décidé lors du sommet d’Astana de l’OSCE sur la sécurité européenne.
Il s’agit d’un choix politique majeur. Sa mise en œuvre ne sera pas facile. Nous devons trouver un juste équilibre entre les besoins de l’Alliance et la volonté affichée de la Russie de participer à la sécurité commune. Nous devrons aussi faire face aux inquiétudes, voire aux divergences de vues de certains Alliés, tandis que certains à Moscou souffleront le chaud et le froid. Mais nous devons rester fermes sur notre objectif de long terme, qui est d’amener la Russie à participer au dispositif de sécurité européenne.
Pour relever ce défi, la France aura un rôle déterminant à jouer, forte du niveau de confiance du dialogue stratégique franco-russe et de sa maîtrise des enjeux complexes de la défense anti-missiles.
Vous le voyez, les réformes ambitieuses décidées à Lisbonne confirment pleinement les orientations actuelles que nous donnons à nos forces armées, car elles réaffirment la nécessité d’adapter nos modes de pensée et nos modes d’action aux nouvelles menaces, de disposer de forces entraînées, déployables et parfaitement interopérables avec nos Alliés, et de préserver un outil militaire complet.
Ces réformes sont également complémentaires de notre volonté de construire une défense européenne crédible, qui demeure plus que jamais une priorité pour la France :
- Par ambition politique pour l’Europe, d’abord : l’Union ne pourra jouer tout son rôle politique et peser dans les équilibres du monde que si elle est adossée à une capacité de défense ;
- Par réalisme ensuite : le monde est plus imprévisible que jamais et l’Europe ne peut renoncer aux moyens de sa défense ;
- Par nécessité enfin : la contrainte budgétaire et la réduction des budgets de défense obligent les Européens à fédérer leurs efforts.
C’est forts de ces convictions que nous voulons remobiliser nos partenaires européens, avec en particulier pour objectif d’accélérer le partage et la mutualisation de nos ressources, de nos capacités et de nos compétences. C’est tout le sens de la lettre que les six ministres de la Défense et des Affaires étrangères du triangle de Weimar ont adressée à la Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangère et la politique de sécurité, Madame Catherine ASHTON, en appelant à une relance de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense Commune. Et à l’occasion de la visite que j’ai effectuée à Bruxelles, le 27 janvier dernier, la Haute représentante a répondu à notre initiative de manière positive et ouverte : l’Union vient ainsi de se saisir officiellement de nos propositions, qui vont à présent être examinées par les 27. Notre objectif est d’obtenir un accord sur des pistes concrètes de relance de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense Commune, qui pourraient être validées par un Conseil européen en fin d’année 2011, sous présidence polonaise.
Mesdames, Messieurs les Députés,
Les grands rendez-vous de l’année 2011 concernant l’Alliance nous permettront de nous assurer que les avancées sont conformes au calendrier prévu à Lisbonne, et le prochain sommet de l’OTAN, en 2012, sera, je le souhaite, celui de l’Alliance du XXIe siècle : une Alliance rénovée, dans laquelle les Européens seront capables d’avoir toute leur place.
Je vous remercie.
--- Seul le prononcé fait foi ---