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Le Livre du mois

Mise à jour  : 27/03/2013 - Direction : IRSEM

Le Livre du mois :

Anna Stavrianakis, Jan Selby, ed., Militarism and International Relations. Political Economy, Security, Theory, London & New York, Routledge, 2013.

Nos lectures :

Cynthia Salloum, Benjamin Brice, Penser la violence collective, Nuvis, Paris, 2012

Olivier Kempf, géopolitique de la France. Entre déclin et renaissance, Technip, Paris, 2012

Roland Dumas, Bertrand Badie, Gaïdz Minassian, La diplomatie sur le vif, Presses de Sciences Po, Paris, 2013

Marie-Françoise Durand, Patrice Mitrano et al., Atlas de la mondialisation, Presses de Sciences Po, Paris, 2012

Samuel Solvit, Dimensions of War. understandingWar as a Complex Adaptative System, L’Harmattan, Paris, 2012

Le Livre du mois :

Anna Stavrianakis, Jan Selby, ed., Militarism and International Relations. Political Economy, Security, Theory London & New York, Routledge, 2013.

En tant que préparation et conduite de la violence politique organisée, le militarisme et son corollaire, la militarisation, sont paradoxalement sous-étudiés dans la production académique. L’influence du néo-libéralisme pendant les années 1990, le développement de l’analyse en termes de « new wars » ainsi que la prédominance accordée à la sécurité par rapport à la défense constituent les trois principales raisons qui expliquent cette carence d’investissement scientifique. Or, la réalité empirique démontre la robustesse du militarisme en tant que phénomène concentré par les États, y compris lorsque ces derniers sont qualifiés de « Failed States » comme l’illustre le cas du Soudan. Cette réalité invite à penser également les nouvelles formes de militarisme que les États occidentaux adoptent sous l’effet de la libéralisation économique. Analyser ces tendances constitue l’objectif principal de l’ouvrage collectif dirigé par Anna Stavrianakis et Jan Selby issu d’un séminaire organisé en mai 2009 à l’Université du Sussex. Il convient de souligner que l’approche se veut avant tout sociologique. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’envisager le militarisme comme une idéologie (glorification de la guerre et des valeurs martiales), un comportement (propension à utiliser la force pour résoudre un conflit), une option (augmentation des capacités de production ou d’importation d’armement), ou une influence institutionnelle (conception selon laquelle les militaires doivent orienter les décisions publiques voire s’accaparer le pouvoir politique). Le point de vue défendu consiste à penser les rapports entre militarisme et sociétés, ou, plus précisément, à examiner les relations sociales, les institutions et les valeurs en relations avec la guerre ainsi que la préparation de la guerre tout en repérant l’influence des relations militaires sur les relations sociales. Un tel angle sociologique s’inscrit dans le prolongement de la sociologie de la guerre initiée dans les années 1980 par Anthony Giddens ou bien Martin Shaw, ce dernier ayant contribué dans le présent volume en proposant une sociologie historique du militarisme ainsi qu’un modèle contemporain sous les traits de la « guerre de surveillance globale ».

L’ouvrage est structuré en trois parties. La première est destinée à clarifier le concept de militarisme. La seconde entend observer les transformations à l’œuvre en sélectionnant quelques cas (Israël avec le rôle plus conséquent accordé à l’« enlightened public », les pays latino-américains constituant des armées politiques luttant contre le crime organisé, les États-Unis et leur nouvelle forme de militarisme tel qu’appréhendé par Andrew Bacevich). Dans la troisième partie, l’économie politique du militarisme est mobilisée : les ressorts matériels et financiers sont abordés dans le cas européen, égyptien et chinois.

Parmi les nombreuses conclusions auxquelles parviennent les auteurs, il convient de mentionner le processus de recomposition du militarisme. D’une part, cette recomposition ne rentre pas forcément en tension avec la vague néo-libérale en économie. Bien souvent, les deux mouvements se recoupent et se renforcent l’un l’autre (ce qui remet en question la théorie de la paix démocratique ou de la paix libérale pour reprendre la dernière qualification de Michael Doyle). D’autre part, cette recomposition présente des spécificités en fonction des contextes nationaux. Le chapitre de Bacevich est particulièrement stimulant à cet égard car il montre bien le revirement du wilsonisme initial (en tension avec le militarisme) ou du nouveau wilsonisme (auto-restrictif en matière de militarisme) dès la Guerre froide jusqu’à aujourd’hui. A cet égard, Bacevich repère dans les représentations de la guerre diffusées par les médias ou même l’art des indices de cette transformation (pp. 122 et s).

En d’autres termes, cet ouvrage offre un éclairage bienvenu quant à la manière d’aborder le militarisme. Alors que le tissu universitaire français et francophone comprend de nombreux spécialistes sur ces questions (tant en sociologie qu’en politique publique et en Relations internationales), il paraît opportun de discuter les résultats de cet ouvrage en proposant, notamment, d’autres études de cas ainsi que des typologies du militarisme dans une démarche comparative plus systématique. Car au-delà de l’intérêt évident que constitue cette recherche collective, c’est probablement le manque de convergence analytique et d’instruments comparables d’appréciation qui en représente l’élément le plus fragile.

Frédéric Ramel, directeur scientifique de l'IRSEM

Nos lectures ce mois-ci :

Cynthia Salloum, Benjamin Brice, Penser la violence collective, Nuvis, Paris, 2012

Publié avec le soutien de l’IRSEM, cet ouvrage collectif animé par des jeunes chercheurs rattachés à l’IRSEM passe délibérément du concept de guerre – atténué dans le débat public par les notions d’ « intervention », d’ « opération », de « maintien de la paix »… - à celui de violence, pour redécouvrir sur cette notion dans sa pratique politique et collective. Théorique et conceptuel, ce travail constitue néanmoins un guide pour la réflexion opérationnelle. Apprivoisée, politique plutôt que criminelle, cruelle ou stratégique, la violence tente aujourd’hui de se justifier, par l’identité, l’élitisme, le discours ou par une légitimité issue de ses tentatives de canalisation. L’IRSEM salue aussi bien l’initiative elle-même que son contenu final, particulièrement réussi. Frédéric Charillon

Olivier Kempf, Géopolitique de la France. Entre déclin et renaissance, Technip, Paris, 2012

Dans un exercice auquel il fallait penser, Olivier KEMPF nous offre un tableau des forces et faiblesses de cette France actuelle pour laquelle il ne dissimule pas son attachement. De fort belle facture avec des cartes en annexes, ce travail passe en revue l’espace, l'État (qui fait l’objet d’un chapitre particulièrement intéressant), les structures, les relations extérieures et la défense. Avec le style qu’on lui connaît, l’auteur pose de nombreuses questions : est-il si simple d’être français ? Quel rapport entre l'Europe et la paix ? Quelle ambition extérieure possible ? La synthèse est dense, la vocation pédagogique est évidente, et l’exercice plutôt original, entre histoire, géographie et science politique. (FCh)

Roland Dumas, Bertrand Badie, Gaïdz Minassian, La Diplomatie sur le vif, Presses de Sciences Po, Paris, 2013

Le diplomate (qui aime la réflexion), l’universitaire (qui aime comprendre les acteurs) et le journaliste (qui aime le recul de la pensée) : tels sont les ingrédients de ce dialogue à trois qui retrace le processus décisionnel français des années Mitterrand, lorsque Roland Dumas était aux affaires. Au fil d’entretiens réalisés entre novembre 2010 et février 2011, l’ancien ministre des Affaires Étrangères revient sur la fin de la guerre froide et sur sa signification, sur l’adaptation de l’OTAN, les complexités de la construction européenne, le volcan proche-oriental, le « monde à part » iranien, l’énigmatique Extrême-Orient, l'Afrique en quête de structures, pour conclure que « refuser le mépris est la clef des relations internationales ». Le diplomate témoigne, plaide et révèle, aiguillonné par les hypothèses – parfois les contre-propositions – de l’universitaire et par les relances – parfois les protestations – du journaliste. Sur la fin du communisme, sur l'Allemagne, sur l’Iran entre autres, on apprend, on réagit. L’exercice est à rééditer. (FCh)

Marie-Françoise Durand, Patrice Mitrano et al., Atlas de la mondialisation, Presses de Sciences Po, Paris, 2012

Pour sa sixième édition, l’Atlas de l’équipe des relations internationales et de l’atelier de cartographie de Sciences Po fait une nouvelle fois œuvre de pédagogie et nous offrant une analyse d’abord visuelle, mais également accompagnée de commentaires, d’une société mondiale en mutation. Les espaces (contrastés), les acteurs (transnationaux), les processus à l’œuvre (quêtes d’allégeances, paix et guerre, régulations durables), sont mis en carte et en schéma, dans un souci de démonstration et de mise à jour. Surtout cette nouvelle édition est augmentée d’un dossier sur les États-Unis dans la mondialisation, qui du XIXeau soft power revient aussi bien sur les « tentations impériales » que sur un « multilatéralisme asservi ». Le lexique final, et la bibliographie, ne sont pas non plus les moindres qualités de cet ensemble complet. (FCh)

Samuel Solvit, Dimensions of War. Understanding War as a Complex Adaptative System, L’Harmattan, Paris, 2012

Cet essai revient sur les approches multiples de la guerre, prise ici comme un système en adaptation permanente, dans une réflexion issue de plusieurs missions de terrain, notamment en Afghanistan et en RDC. Repartant des classiques (de Hobbes à Clausewitz) pour poursuivre avec les penseurs internationalistes contemporains (comme Waltz), l’ouvrage retient d’abord la perspective du fait, processus et phénomène social, pour aborder la notion de complexité, et au final revenir à l’empirique par le biais de deux études de cas (Congo 1998-2003, et Vietnam 1954-73). (FCh)


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