Ultra léger, mobile, rapide à mettre en œuvre et doté d’une caméra à deux champs de vision… ce petit engin volant qui est littéralement projeté par un tube à la façon d’un canon ne manque pas d’atouts. Le drone GLMAV (Gun Launched Micro Air Vehicle) a été mis au point par l’Institut de recherches de Saint-Louis (ISL)* pour des missions d’observation. Entretien avec Patrick Gnemmi, manager et à l’initiative du projet.
Quel est le principe du GLMAV ?
Il s’agit d’un drone miniature d’environ 1kg qui est propulsé par un tube dédié. Au moment du lancement, ce drone est encapsulé dans une enveloppe de protection de 8cm de diamètre. Une fois que le projectile arrive à son apogée balistique, 2 rotors contrarotatifs sont déployés et il se transforme en drone sans perte d’éléments constitutifs. L’appareil est ensuite freiné et atteint un vol stationnaire. Il est piloté depuis sa station au sol. Lorsqu’il est déployé, notre drone mesure 35 cm de diamètre et 46 cm de hauteur.
Peut-on parler de drone canon, alors ?
Oui le principe est là, mais le mot canon fait penser à la grosse Bertha… Alors que notre système lui est très mobile ! C’est dans cet esprit que nous l’avons conçu. Le lanceur pèse environ 10 kg. Rien à voir avec un canon classique, même si l’opération de mise à feu se fait directement sur le tube. Cette rapidité se retrouve également dans l’étape du lancement. Notre drone peut être opérationnel en moins de 15 secondes alors qu’il faut 1 à 2 minutes à ses concurrents pour arriver en position d’observation. Un gain de temps considérable !
Rapide à mettre en œuvre… mais pour quoi faire ?
Le GLMAV est équipé d’une caméra qui envoie en temps réel ses images. Elle a la particularité de pouvoir filmer dans deux directions différentes grâce à son prisme séparateur. Nous avons donc deux champs de vision : un à la verticale pour filmer le sol et un autre à l’horizontale pour regarder devant lui. Il s’agit donc, vous l’aurez compris, d’un drone d’observation. Pour qui ? A priori, plutôt pour les forces de police. Ce matériel est particulièrement adapté aux zones urbaines et peut se déplacer facilement dans la rue, voire même entrer dans des bâtiments… enfin on y travaille. Avec cette innovation, nous visons également les militaires en opération. Le système ayant une portée de 500 mètres, on peut facilement le projeter à l’avant des troupes pour de la reconnaissance, et ce très discrètement puisqu’il est tout petit !
Avez-vous rencontré les futurs utilisateurs pour vous assurer que votre drone est conforme à leurs besoins ?
Oui, bien entendu. Le GIGN, la DGA et le missilier MBDA France ont même participé à notre comité de pilotage. Nous nous sommes donc rencontrés au moins une fois par an pour présenter l’avancée de nos recherches, recueillir leurs avis et discuter des orientations à donner au projet. Des rencontres vraiment indispensables ! C’est d’ailleurs le GIGN qui nous a suggéré d’ajouter à notre caméra embarquée une seconde vision à l’horizontale. Au départ, elle ne faisait pas partie du projet. C’est important d’être « connecté » au terrain pour répondre vraiment aux besoins de ceux qui vont utiliser le drone.
Et il vole déjà ce drone miniature ?
Bien sûr ! Les premiers essais que nous avons réalisés sur notre terrain au Nord de Mulhouse sont vraiment très concluants. Il ne reste plus qu’à procéder aux tests de validation de la phase de transition. C’est-à-dire le passage du mode projectile au mode drone. L’institut de recherche St Louis (ISL)* devra toutefois terminer ce projet sur ses fonds propres puisque notre contrat avec l’ANR (Agence nationale de recherche) qui finançait en partie notre projet, s’est terminé fin 2013. Mais nous avons toute confiance en l’avenir, nous ne pouvons pas abandonner si près du but ! Nous prévoyons de finaliser notre drone en 2015 ou 2016.
Les drones sont au cœur de l’actualité. Pensez-vous qu’il faille encadrer davantage leur utilisation ?
Je suis un peu sceptique quant à une utilisation massive des drones. Même si Amazon a "fait le buzz" avec sa publicité dans laquelle le drone livre à domicile les colis, un engin pareil reste très difficile à manœuvrer, surtout en ville avec des obstacles. Et s’il y a du vent, on n’en parle même pas ! Il faut rappeler que ces appareils présentent certains dangers, d’autant plus s’il n’y a pas de procédure d’atterrissage d’urgence. Aujourd’hui, la réglementation impose de ne pas voler au-dessus de 150m d’altitude. Assouplir ces règles ne serait pas sérieux, ou alors je ne mets plus un pied dans un avion ! Il y a de toute manière des réflexions qui sont menées à ce sujet au niveau européen. Il faut, à mon avis, réserver l’usage des drones volants aux forces de police, aux sapeurs-pompiers, aux militaires... Car certes, les images réalisées sur le tour de France sont d’une incroyable beauté, mais sont-elles vraiment nécessaires ? Que dira-t-on en cas d’accident ?...
* L’Institut de Recherche Saint-Louis dépend des ministères de la Défense français et allemand.