Les entreprises françaises sont souvent source d'initiative et d'ingéniosité. Pour preuve, CNIM, société de Construction industrielles de la Méditerranée, a imaginé et réalisé, sur ses propres fonds, un produit insolite : le L-CAT. Ce prototype a la forme d'un catamaran avec au milieu une plate-forme mobile qui a tout d'un ascenseur et permet de transformer un catamaran rapide en navire à fond plat. Ce concept vient d'être adapté, sous la houlette de la direction générale de l’armement (DGA), en engin de débarquement amphibie rapide (EDA-R).
« Au départ CNIM, n'était pas spécialisée sur le domaine de la construction navale » précise Sylvain Libourel architecte d'ensemble à la DGA en charge des parties techniques du programme. CNIM, société située à La Seyne-sur-Mer était, en effet, plutôt spécialisée sur les équipements pour la Défense, l'industrie spatiale et la recherche scientifique. Elle a notamment réalisé des tubes lance-missiles pour les sous-marins comme le Triomphant et des véhicules de franchissement pour l'armée de terre. Son activité orientée vers le transport, notamment dans la fourniture d'escaliers mécaniques, de trottoirs roulants et d'ascenseurs pour les infrastructures de transport public a, sans aucun doute, inspiré ses ingénieurs. Et d'ajouter : « Le projet ne date pas d'hier puisque la société y travaille depuis environ dix ans et en a déposé le brevet. »
« Le L-CAT, abréviation de landing catamaran, produit commercialisé et décliné en plusieurs tailles par CNIM, a donc été utilisé pour notre programme EDA-R » explique Sylvain Libourel, en lien étroit avec les architectes de cette entreprise. Il précise : « Notre produit correspondait à un besoin bien particulier notamment pouvoir rentrer dans les bâtiments de projections et de commandements, les BPC Mistral et Tonnerre. Cela a conduit à prendre en compte certaines contraintes techniques en termes de dimension ». Les EDA-R doivent de surcroît être embarqués par deux, à bord de ces gros bateaux de la marine. Car le besoin est singulier : il s'agit d'utiliser ces catamarans en aluminium, longs de 30 mètres, larges de 12 mètres et capables de transporter 80 tonnes, pour le débarquement de militaires et leurs véhicules lors d'opérations amphibies.
À l'origine du projet mené par les équipes DGA, il fallait « remplacer les péniches de débarquement de la marine nationale qui n'étaient plus considérées comme assez rapides. Elles peuvent seulement avancer à 10-12 nœuds maximum soit environ 20 km/h ». Le besoin fondamental était d'acquérir des engins qui se déplacent rapidement. « Or aujourd'hui, l'EDA-R permet plus du double » renchérit l'architecte de la DGA. Certes, « il existe des systèmes sur coussins d'air comme les LCAC américains mais, selon Sylvain Libourel, cela représentait un coût financier très lourd en matière d'acquisition, d'entretien et de consommation de carburant ».
L'entreprise ingénieuse n'étant pas un chantier naval, elle a choisi de sous-traiter la réalisation des navires auprès de la PME Socarenam, sur ces sites de Saint-Malo et Boulogne-sur-Mer (62). Sous la conduite de Sylvain Libourel, de nombreux échanges techniques ont lieu avec CNIM afin d'optimiser la conception de cet engin novateur et d'intégrer les remarques opérationnelles de la marine ainsi que le retour d'expérience du prototype L-CAT.
D'après Ronan Minguy, manager du programme, « les deux premiers engins doivent être livrés au second semestre 2011 et les deux suivants courant 2012, de plus le contrat prévoit quatre navires supplémentaires en option ainsi que la maintenance associée ». Un programme de 125 millions d'euros qui profite à la relance de l'économie et au rayonnement de l'ingéniosité française. Adaptant son concept à des clients civils et militaires dans le monde entier, CNIM travaille actuellement sur une gamme complète de navires de différentes tailles pour permettre de délivrer rapidement du matériel en s'affranchissant des infrastructures portuaires. L'export pourrait s'avérer prometteur pour ce concept unique au monde.