Le 26 août 1944, le général de Gaulle descend triomphalement les Champs-Élysées, acclamé par une foule en liesse. Paris est libre. Le général Leclerc, commandant la 2e division blindée (2e DB), est à ses côtés. Il précède ses 16 000 hommes qui ont été les premiers à entrer dans la capitale, soutenus par la 4e division américaine. Ils ont apporté un renfort décisif à l’insurrection menée par la Résistance et mis fin à 1 524 jours d’occupation.
La 2e DB débarque en France le 1er août 1944 à Utah Beach. Rattachée à la 3e armée du général Patton, elle prend rapidement part à la bataille de Normandie en s’illustrant notamment dans de rudes combats pour encercler les troupes allemandes dans la poche de Falaise-Argentan. Elle participe activement à la libération d’Alençon. Pour certaines unités, constituées en 1943 en Afrique du Nord, les combats en Sarthe constituent l’épreuve du feu.
Forcer le destin
Malgré ces faits d’armes, l’objectif principal du général Leclerc est de libérer Paris. Pourtant, la capitale française est loin d’être une priorité pour le général Eisenhower qui commande les forces alliées. Libérer une ville de plus de deux millions d’habitants nécessiterait trop de ravitaillement et ralentirait la reconquête du reste de la France. Il prévoit de contourner Paris par le nord et par le sud pour foncer plus rapidement sur l’Allemagne. L’occupant, ainsi pris en étau dans la capitale, tombera au plus tard fin septembre. De Gaulle et les résistants parisiens ne sont pas de cet avis et entendent forcer le destin. Le 19 août, alors que depuis plusieurs jours des grèves paralysent la capitale, la Résistance lance l’insurrection sous l’impulsion du colonel Rol-Tanguy, commandant les Forces françaises de l’intérieur (FFI). Les points névralgiques : la préfecture de police, l’hôtel de ville, les mairies d’arrondissements…, passent sous le contrôle des insurgés.
Stationné au sud d’Argentan, Leclerc s’impatiente. Il est hors de question de voir une autre division que la sienne entrer dans Paris. Pour les Français libres, c’est davantage un objectif politique que militaire. Les conditions de la libération de la capitale préfigureront les orientations politiques de l’après-guerre… L’objectif de la frange communiste de la Résistance, emmenée par Rol-Tanguy, est de contrôler la ville avant même l’arrivée des renforts. Pour de Gaulle, c’est inenvisageable. C’est lui qui portera le destin de la France à l’issue du conflit. Le 21 août, Leclerc outrepasse les ordres du général Bradley, son supérieur hiérarchique, et décide d’envoyer une compagnie d’infanterie blindée légère en reconnaissance sur Paris. De Gaulle, qui approuve cette insubordination, fait pression sur Eisenhower pour qu’il change ses plans et fasse marcher des troupes sur la capitale. Il menace même de retirer la 2e DB du commandement allié pour la lancer au secours de la ville insurgée.
La 2e DB : 16 000 soldats
À Paris, les combats reprennent malgré une trêve établie le 20 entre les résistants et les Allemands grâce au consul de Suède, Raoul Nordling. Près de 600 barricades se dressent dans les rues les 21 et 22 août. De violentes escarmouches éclatent aux Halles, à la gare d’Austerlitz ou encore boulevard Saint-Michel. La situation s’enlise et devient de plus en plus précaire pour les insurgés alors que von Choltitz, gouverneur du Paris occupé, a reçu des ordres précis de Hitler : la Ville Lumière doit être complètement détruite. Eisenhower, qui craint que Paris ne subisse le même sort que Varsovie, finit par céder aux requêtes des gaullistes et des délégations de résistants parisiens. Il donne son feu vert à Leclerc le 22 août à 18 heures. 16 000 hommes, 4 200 véhicules, 200 chars, 600 canons et 2 000 mitrailleuses se dirigent vers Paris. La 2e DB doit parcourir 210 kilomètres en une seule journée pour rallier la capitale. Les deux jours suivants, les troupes de Leclerc sont ralenties dans leur progression par les défenses allemandes dans la banlieue sud. Ils arrivent finalement aux portes de la capitale dans la soirée du 24 août. Soucieux d’entrer avant l’arrivée des renforts américains, Leclerc ordonne à la 9e compagnie du régiment de marche du Tchad, commandée par le capitaine Dronne, de foncer dans Paris. Surnommée La Nueve, elle est composée en grande majorité de républicains espagnols qui ont trouvé refuge en France après la guerre civile dans leur pays (1936-1939). Guidés par la population, Dronne et ses hommes se faufilent dans les rues de la capitale en évitant les Allemands. Il est un peu moins de 22 heures lorsque les premiers éléments de La Nueve arrivent place de l’Hôtel-de-ville. Un symbole fort. La 2e DB fête en effet ce jour-là le premier anniversaire de sa création.
Le reste de la division entre dans Paris le 25 au petit matin par les portes d’Orléans, de Gentilly, d’Italie et de Sèvres. Si de violents combats éclatent vers l’École militaire, au palais du Luxembourg, rue de Rivoli ou encore place de la République, l’ambiance reste festive bien que confuse. À 13 heures, le général von Choltitz signe avec Leclerc la capitulation à la préfecture de police, avant de se diriger gare Montparnasse où de Gaulle prend connaissance de la reddition allemande. Les combats ne sont pour autant pas terminés. Le Bourget est notamment bombardé le 26 août. Le même jour, la 2e DB prend le contrôle du Mont-Valérien. Des coups de feu retentissent alors que de Gaulle se trouve sur le parvis de Notre-Dame pour assister au Te Deum après avoir descendu les Champs-Élysées. À l’image du chef de la France libre, qui reste impassible face à la courte fusillade, l’essentiel est ailleurs. La France combattante est rentrée chez elle.
Sources : Ministère des Armées